20/02/2023
Guerre civile au Sénégal, Alerte rouge
Le génocide au Rwanda en 1994 était l’aboutissement de décennies de division et d’incitation à la haine envers la population tutsie de la part d’extrémistes à la tête du pays, membres du groupe hutu. Un processus délibéré visant à peindre la population tutsie comme un groupe minoritaire dangereux et inferieur, pas même humain a ouvert la voie au génocide Rwandais faisant plus de 800.000 victimes.
Au Sénégal, nous n’en sommes pas encore arrivés là mais des signaux alarmants sont à ne pas négliger.
Il y a deux mois, à Kirene, des affrontements ont eu lieu entre Peuls et Sérères suite au meurtre d'un jeune Sérère, Abdou Faye, par un éleveur peul vivant dans le village voisin appelé Thiambon. Un mois plus tôt, la même histoire s'est produite à Bogel Lawbe, près de Ngaye, entre des bergers peuls et des Bayfall.
Ces deux affrontements récents ne sont que des exemples, mais il y en a des centaines chaque année dans l'intérieur du pays. Des affrontements entre deux groupes ethniques, suivis ou précédés de la mort d'hommes et de dégâts matériels importants, comme récemment lorsque nous avons vu un village entier brûlé par des personnes pleurant la mort d'un des leurs.
Les affrontements entre agriculteurs et bergers ne sont pas nouveaux, mais la réaction consistant à brûler un village entier est inédite et très alarmante.
En effet, que le responsable soit puni par la loi, même si c'est la loi de la peine de mort, est tout à fait normal. Personne n'a le droit de tuer son voisin et des sanctions sévères devraient logiquement être prises contre le responsable du crime.
Mais attaquer un village, brûler des maisons, des charrettes, des animaux, causer des morts et des blessés juste parce que le tueur vit dans ce village, est exagéré et dangereux. En aucun cas, une communauté entière ne doit être tenue pour responsable lorsque la responsabilité est individuelle.
Le Sénégal a toujours été un pays de diversité culturelle, de tolérance et de saine cohabitation et nous ne devons pas accepter de prendre un chemin qui nous conduirait à l'histoire récente entre Peuls et Dogons au Mali.
L'Etat doit réagir au plus vite. Si l'interdiction des machettes est la solution, alors elle doit être appliquée. La population doit aussi rester calme dans de telles situations, ne pas incriminer toute une communauté pour un crime commis par un simple individu.
Ce n'est pas parce qu'un Diola a volé que tous les Diolas sont des voleurs. Ce n'est pas parce qu'un Wolof a tué que tous les Wolofs sont des tueurs. Ce n'est pas parce qu'un Soninké a menti que tous les Soninkés sont des menteurs. Ce n'est pas parce qu'un Mankagne a eu tort sur une question que tous les Mankagnes ont tort.
Les réseaux sociaux représentent également un grand danger. Il suffit de regarder les vidéos des deux exemples cités plus haut pour voir les commentaires haineux, les appels à la révolte, au meurtre de masse... pour comprendre le mal des réseaux sociaux comme vecteur de haine entre les ethnies. Sur tiktok, facebook on constate tous les jours des insultes entre personnes d'ethnies différentes à cause de débats politiques, de faits religieux ou même sociaux.
Et enfin, le pouvoir de Macky Sall est l'une des plus grandes sources de haine envers la communauté peulh. Beaucoup de personnes, qu'elles soient partisanes ou dirigeantes, détestent le président actuel et étendent malheureusement cette haine à toute la communauté peulh du Sénégal parce que le président est issu de cette communauté ou parce que le fils du terroir a gagné les élections chez lui comme presque tous les dirigeants qui se respectent.
La haine envers le président ne doit en aucun cas pousser à haïr sans fondement toute une ethnie. Et le fait qu’un candidat qui s’investie le plus dans une zone gagne dans cette zone ne doit aussi en aucun cas aussi pousser à détester tous les habitants de cette zone car le vote est personnel.
L'héritage qui nous a été confié est un pays uni aux multiples diversités culturelles, vivant ensemble dans le respect, la tolérance, la solidarité et l'acceptation de l'autre sans aucune distinction religieuse, ethnique ou politique. Nous nous devons de préserver cet héritage par tous les moyens.
Personne ne nait en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, de ses origines ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr et s’ils peuvent apprendre à haïr, ils peuvent aussi apprendre à aimer disait Nelson Mandela.
Djiby Diallo, journaliste