25/03/2024
26 MARS 1991-26 MARS 2024
Retour sur la chute de la dictature
Le Peuple malien célèbre demain, le 33ème anniversaire de la Révolution de mars 1991 qui a vu le peuple malien se soulever et renverser le Régime dictatorial du Général Moussa Traoré. Jour des libertés reconquises, le 26 mars de chaque année, le peuple se souvient… Retour sur ces journées historiques qui ont forgé le destin de notre pays avec le couronnement de la révolte populaire par la prise du pouvoir par l’armée sous la houlette du lieutenant- colonel Amadou Toumani Touré.
Le climat social est à la révolte dès 1990. La misère a atteint un niveau insupportable. Le Président Moussa Traoré et l’Union démocratique du peuple malien (Udpm), le parti unique, dominent la vie politique. Le pays est aux prises avec de graves problèmes économiques. Le mouvement de contestation contre le Régime autoritaire en place s’accentue. Attisées par la situation socioéconomique, les sécheresses et les aspirations démocratiques des Maliens, des grèves estudiantines et syndicales secouent le paysLe 1er mai 1990, la Centrale syndicale du pays, Untm (Union nationale des travailleurs du Mali), se prononce pour la première fois en faveur de la démocratisation du pays. L’Association des élèves et étudiants du Mali (Aeem), après la répression de 1979, se réveille de longues années de silence.Ainsi, l’Aeem et le Comité national d’initiative pour la démocratie (Cnid) appellent à une manifestation pour le multipartisme le 10 décembre 1990. Plus de dix mille manifestants répondent à l’appel. C’est la plus grande mobilisation des masses jamais organisée au Mali sous le Régime de Moussa Traoré. La manifestation se déroule pacifiquement dans la capitale Bamako, mais le Pouvoir n’entendait pas reculer d’un iota. Les organisateurs et les manifestants non plus. Le 24 janvier 1991, ils appellent à une nouvelle manifestation qui va enclencher le cycle des affrontements se terminant par la chute de Moussa Traoré.
Révolte populaire à Bamako et à l’intérieur
Après que le Gouvernement du Président Moussa Traoré a décidé à la mi-janvier d’interdire d’«activités politiques» toutes les associations favorables au multipartisme, des scènes de violences éclatent à Bamako. Elles se transforment en émeutes et en actes de pillages et de vandalisme sans précèdent, causant la mort de plusieurs personnes et faisant plus d’une centaine de blessés graves. Les manifestants bloquent les routes et saccagent les édifices publics. Les forces de l’ordre ouvrent le feu faisant de nombreuses victimes du côté des populations civiles. Le 28 janvier 1991 : à la nouvelle de l’arrestation de plusieurs élèves et étudiants dont le Secrétaire général de l’Aeem, Oumar Mariko, le mouvement explose en insurrection de toute la jeunesse, englobant celle des quartiers populaires. Ces derniers, tout particulièrement les jeunes chômeurs, armés de bâtons et de pierres, envahissent les rues de la capitale, brûlent des magasins, des édifices publics et des voitures. Les résidences de plusieurs membres du Gouvernement et du parti unique, dont celle du Directeur général des Douanes, Ramos, beau-frère du Président M. Traoré, sont entièrement saccagées. A partir de ce moment, les émeutes se multiplient tous les jours à travers toute la ville de Bamako où les manifestants érigent des barricades. Cette situation se propage vers les régions. Les morts de manifestants et le nombre de blessés ne cessent de croître tous les jours.
Le 29 janvier 1991 : ce sont des centaines de manifestants arrêtés qui sont torturés. Le Général-président annonce que l’interdiction aux associations de faire de la politique est levée, mais cela ne diminue pas la pression de la rue. L’Aeem revendique la libération de tous les emprisonnés.
Le 31 janvier 1991 : le Gouvernement laisse entendre qu’il pourrait libérer de nombreux manifestants arrêtés.
Le 2 février 1991 : la télévision nationale annonce la libération de 196 élèves et étudiants sur les 232 officiellement arrêtées dont 34 autres ont été déférés en justice et condamnés pour trouble à l’ordre public, pillage, incendie, dévastation d’édifices publics, vol et recel. Les Touaregs du Nord du Mali s’invitent dans la lutte, en attaquant l’usine de phosphates de Bourem, à une centaine de kilomètres de la ville de Gao, dans la nuit du 21 février 1991, tuant deux militaires. Répression sanglante
Le 22 mars 1991 : Bamako, qui avait déjà connu des émeutes en fin janvier, est à nouveau le théâtre de violentes manifestations de jeunes chômeurs et d’étudiants qui réclament l’augmentation des Bourses d’études et la création d’une commission d’enquête sur les précédentes émeutes. Les forces de l’ordre tirent à la mitrailleuse sur la foule, causant la mort de dizaines de personnes. L’état d’urgence et le couvre-feu sont immédiatement instaurés dans tout le pays. De violentes manifestations parcourent la capitale. Les forces de l’ordre tirent à balles réelles et tuent encore et encore. C’est un véritable carnage à la mitraillette et à la gr***de offensive. La guerre est déclarée par le Pouvoir aux jeunes manifestants qui enflamment le Ministère de l’Emploi.
Le 23 mars 1991 : la jeunesse scolarisée est rejointe dans la révolte par les chômeurs et les travailleurs. Alors, les émeutes s’étendent à l’ensemble du pays. Des répressions violentes ont lieu à Sikasso, Ségou et Dioïla. Certains policiers se font lyncher. Le centre commercial de Bamako est le siège d’un véritable carnage. Tout ce qui appartient aux responsables du régime est saccagé. Les commerçants sont attaqués eux aussi. Les morts continuent de tomber, mais, cette fois, la foule ne recule plus devant les forces de l’ordre. Les étudiants inventent un moyen d’autodéfense face aux policiers. Ils l’intitulent «Article 320, code de procédure accélérée» - 300 francs Cfa pour acheter un litre d’essence et 20 francs Cfa pour acquérir une boîte d’allumette. L’action consiste à jeter de l’essence sur les Agents des forces de l’ordre et à allumer un brin d’allumette. Les jours suivants, les manifestations continuent, s’attaquant aux édifices publics et aux familles de certains dirigeants du régime en place. L’hôtel de ville est saccagé. Deux dignitaires proches du président Moussa Traoré sont lynchés par la foule en colère.
Le 25 mars 1991 : des villas des dignitaires du Régime sont pillées. L’Etat d’urgence a été décrété dans les villes. Le bilan est de nombreux manifestants morts et des centaines de blessés dont certains ont les membres déchiquetés. Le Chef de l’Etat lance un appel au calme et affirme sa «totale disponibilité pour un dialogue et une consultation et pour trouver des solutions durables aux différents problèmes». Les manifestants répondent : «C’est terminé. On ira jusqu’au bout ! ».Il y a déjà un bilan de plusieurs dizaines de morts. La grève générale commence, paralysant le pays. Les mères de familles, révoltées par le fait que leurs enfants sont tués, marchent sur la présidence à Koulouba. Le Général-président leur barre la route avec des blindés. Mais l’Armée ne marche plus et on est à un doigt d’une mutinerie.
Et le CNR prend le pouvoir
Affirmant agir en coordination avec les organisations démocratiques, cet après-midi du mardi 26 mars 1991, le Lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré lance un appel au calme à ses concitoyens. À la tête d’un Conseil national de la réconciliation (Cnr) composé d’une vingtaine d’officiers, ATT (Chef de corps du Bataillon des commandos parachutistes) est le nouvel Homme fort du pays. Dès son installation, le Cnr suspend la Constitution et dissout le Gouvernement et l’Udpm. Il prend également une série de mesures de sécurité préventives (couvre-feu, fermeture des frontières et des aéroports, coupure des communications téléphoniques et télégraphiques avec l’extérieur) et affirme sa volonté de «bannir à jamais la corruption, l’affairisme, le népotisme et toutes les autres pratiques inavouables» de l’ancien Régime. «Un conseil militaire de guerre ne verra pas le jour au Mali. L’Armée rentrera dans ses casernes», ajouta ATT, qui promet la mise en place prochaine de la démocratie. Au mois d’avril 1992, Alpha Oumar Konaré est élu Président de la IIIe République.
Mémé Sanogo