26/06/2024
Présidence de l’association Mlezi Maore
Les raisons d’une démission silencieuse
La démission de Fahoulia Mohamed se situe dans le prolongement du rapport de la Cour régionale des comptes relatif au contrôle des comptes et de la gestion de l’association Mlezi Maore pour les exercices 2018 et suivants.
Le 7 juin 2024, les médias annonçaient la démission de Fahoulia Mohamadi à la présidence de l’association Mlezi Maore. Depuis cette date, silence pesant, aucune information ne filtre au siège de la filiale du groupe SOS. L’intéressée reste muette, malgré les sollicitations de la presse.
Une enquête journalistique a toutefois permis de lever le voile sur les raisons de cette démission soudaine et sur l’omerta qui entoure son départ précipité à la tête d’une association financée par des subventions multiples et variées, avec un budget astronomique de 40 millions pour l’exercice 2024, provenant des dotations de l’Etat, des collectivités locales et de divers organismes publics.
Selon les statuts de la structure, le président de Mlézi Maore est « le représentant légal, permanent et administrateur unique de l’association », en cette qualité, « il effectue tous les actes d’administration qui ne sont pas dévolus à un autre organe et établit l’arrêté des comptes qu’il présente à l’assemblée générale ».
Par ailleurs, un document interne sur la gouvernance des filiales du groupe SOS précise le rôle de la présidence, à savoir « arrêter les comptes annuels, proposer l’affectation des résultats à l’Assemblée, fixer le budget prévisionnel après avoir examiné et validé le bilan d’activité annuel de l’association ».
Pas d’accès aux éléments financiers
De sources concordantes, depuis sa prise de fonction il y a un an, Mme Fahoulia Mohamadi n’a jamais pu obtenir les éléments comptables et financiers nécessaires à l’accomplissement des fonctions décisionnaires. Exclue des instances délibératives, la gestion des ressources humaines échappaient aussi à son contrôle. Garante du bon fonctionnement des différentes structures et responsable devant la justice, elle ne disposait d’aucun élément sur les finances, le management, la communication et, à plus forte raison, sur la stratégie opérationnelle. Sa responsabilité exécutive était donc bridée. De plus, la participation à l’assemblée générale lui a été refusée, autant dire un « faire-valoir »..
Dans ce climat délétère, la présidente confrontée à la culture du secret et à un contexte hostile, ne pouvait assurer correctement ses missions, notamment sur les plans financiers et budgétaires. Plus grave encore, elle n’avait aucun droit de regard sur les dépenses courantes. Aux termes des statuts et du règlement intérieur, le DG et la DGA et par délégation les directeurs de pôles et d’établissements sont les seuls ordonnateurs des dépenses. Idem pour les frais de représentation.
Délégation de pouvoir et mésentente
D’après les témoignages recueillis sous le couvert de l’anonymat, l’engagement et le contrôle des dépenses incomberaient au directeur général Hugues Makengo, et à la DG adjointe Anne Scheuber La présidente démissionnaire ne connaissait donc pas la nature des dépenses autorisées pour en vérifier la conformité dans le détail.
En principe, la présidente de Mlezi « assure la gestion comptable et financière de l’association », mais elle ignorait le montant des engagements financiers et n’avait pas accès aux documents concernant les marchés conclus. En effet, pour faciliter la gestion quotidienne, et comme le droit le permet, Fahoulia Mohamadi avait accordé des délégations de pouvoir et de signature au DG et à son adjointe, deux cadres dirigeants jouissant de la confiance du directoire du groupe SOS. Cette procédure légale viciée par la mauvaise entente avec ses deux principaux collaborateurs lui a été fatale. Alors que la responsabilité personnelle de la présidente en exercice était engagée, le manque de visibilité sur les aspects financiers et l’absence d’information et de consultation sur les dépenses ont contribué à écourter son mandat.
Peur des représailles éventuelles
Après 12 mois en immersion dans une association auparavant présidée par une personnalité politique, Mme Roukia Lahadji, plusieurs fois mises en garde à vue dans des enquêtes judiciaires dont les détails sont protégés par le secret d’instruction, Fahoulia Mohamadi se recentre sur son travail de scientifique. Brillante chimiste, la jeune femme terrorisée par une expérience traumatisante, abreuvée de rumeurs malsaines, a peur de perdre son emploi au rectorat, elle refuse tout échange avec la presse et supplie qu’on la laisse tourner la page Mlezi. Elle a provisoirement quitté le territoire pour fuir le harcèlement et les représailles qu’elle craint par-dessus tout.
Qui succédera donc à Fahoulia Mohamadi à la présidence de l’association Mlezi ?
La question devrait trouver une réponse avec la visite récente, du 17 au 20 juin, de Mme Guylaine Chauvin, nouvelle Vice-Présidente Exécutive chargée de la Jeunesse et de l’Education et Maxime Zennou, directeur du pôle jeunesse du Groupe SOS. Les deux administrateurs venus de Paris ont examiné une candidature pour pourvoir le poste, mais ils n’ont pas que ce seul souci administratif à régler. Ils doivent aussi apporter des réponses aux manquements et incohérences soulevés par le rapport de la Cour régionale des comptes relatif au contrôle de la gestion de l’association Mlezi Maore pour les exercices 2018 et suivants.
Ce rapport communiqué à la présidente de l’association par lettre du 17 novembre 2023, classé confidentiel, est sujet à polémiques.
Zaïdou Bamana