14/04/2023
🔴 Défécation à l'air libre : Walia champion indétrônable
Source : Journal La Voix
À Walia dans la commune du IXe arrondissement, beaucoup de personnes défèquent à l'air libre et se rejettent la responsabilité. Si certaines femmes estiment qu'il revient aux hommes de construire des latrines pour leurs familles, ces derniers, du moins les locataires, de leur côté, appellent les bailleurs à plus de responsabilité.
Le IXe arrondissement est l'une des plus vastes communes de la ville de N'Djaména. Malheureusement, elle brille par la défécation à l'air libre. Plusieurs ménages transforment les bas-fonds ou autres espaces non exploités communément appelé « Bouta » en toilettes communes. Un tour derrière le poste de police du IXe arrondissement, en allant vers le fleuve Chari, par exemple, permet de se rendre à l'évidence. Généralement à 5 h du matin et 18 h, considérées comme des heures de pointe, hommes et femmes munis d'aiguière (sakane) s'orientent vers ces endroits pour se mettre à l'aise. Sur place, l'air est irrespirable. Comme dans un champ arrosé qui vient d'être retourné avec une charrue, des matières fécales amalgamées aux urines gisent le sol à perte de vue. Si certains excréments, sous l'effet du soleil et du vent sont devenus secs, d'autres encore humides attirent des mouches qui y offrent un spectacle incessant de vol et d'atterrissage. Bref, cet emmêlement produit un décor indescriptiblement répugnant et à donner le tournis.
Pourtant tout autour de cet espace, existent des habitations. Souvent, des querelles naissent entre les habitants de ces concessions voisines et ceux qui viennent déféquer. Les premiers accusent les derniers d'être la source de certaines de leurs maladies. Un habitant assis devant sa concession, un poste récepteur en main, affirme que « beaucoup de gens viennent déféquer sur cet endroit et rendent l'air irrespirable. « Nous habitons à seulement quelques pas de là. En plus de cela, les mouches qui se posent sur leurs excréments reviennent se poser sur les aliments que nous consommons. Cela nous expose à la fièvre typhoïde. Voyez-vous », fustige-t-il.
Certaines femmes estiment que si bon nombre défèque à l'air libre, cela est dû à l'irresponsabilité des hommes qui refusent de construire de WC à leurs familles et que cela est une façon de les humilier. « Les hommes ne veulent pas construire des latrines. En tant que chefs de famille, ils ont l'obligation de veiller sur la santé de leurs familles et partant celle de toute la communauté. Nous avons souvent honte de venir nous exposer dans cet endroit mais nous n'avons pas d'autres solutions », nous confie une dame en courroux qui fréquente cet endroit depuis qu'elle vit dans ce quartier.
Les hommes, en l'occurrence les locataires, de leur côté, accusent les bailleurs de construire des maisons sans latrines. C'est la situation que traverse Djongkisam, un locataire qui vit dans les voisinages de cet endroit depuis quelques années.
« La concession dans laquelle je vis avec ma famille n'a pas de WC. J'ai loué ici parce que les chambres ne coûtent pas très chères comme ailleurs. Très tôt le matin, nous nous soulageons à l'espace vide puis nous attendons la tombée de la nuit pour y revenir. Si nous sommes dépassés, nous sommes obligés d'y aller même en pleine journée. Auparavant, nous venons chez nos voisins mais par la suite, ils ne nous l'autorisent plus et estiment que nous allons remplir leurs latrines. Pour que cela change, il faut que chaque bailleur prenne le soin de construire des latrines », explique-t-il, visiblement désespéré.
« Je ne peux pas payer le loyer et construire un WC dans une concession qui n'est pas la mienne. C'est le bailleur qui est appelé à le faire et non moi qui suis locataire », s'emporte Gorandi un autre locataire, assis juste à proximité.
Même situation à Walia Hadjaraï, où les habitants ont pris aussi l'habitude de déféquer à l'air libre. Les bas-fonds sont les endroits les plus prisés pour faire ces besoins. Excréments humains et ordures ménagères sont confondus dans ces bas-fonds qui font du coup office de dépotoir.
Un habitant de ce quartier explique : « Beaucoup de familles n'ont pas de latrines. Elles viennent déféquer à l'air libre sans toutefois penser aux conséquences de leurs actes sur la santé publique. Ce sont nous qui habitons non loin de-là qui encaissons pour le moment les pots cassés. »
À quelques encablures de ces lieux de défécation, se pratique la culture maraîchère. L'eau utilisée pour arroser les légumes est puisée à proximité et est quelque fois souillée d'excréments. Une situation qui laisse impuissants les maraîchers. « Nous faisons tout pour éviter que d'autres personnes aient accès à notre jardin. Mais, des personnes mal intentionnées défèquent dans des plastiques et les jettent dans la source où nous puisons l'eau pour arroser nos cultures. Comme nous n'avons pas une autre source, nous les retirons simplement et continuons notre travail », raconte Andakezou, un maraicher qui s'attèle à l'arrosage de son jeune potager.
Avec l'arrivée de la saison des pluies, la crainte des habitants d'être atteints par des maladies des mains salles comme la fièvre typhoïde, le choléra, la diarrhée, est grande.
Selon les données de l'Unicef, 64 % de la population tchadienne pratique la défécation à l'air libre. Face à cette situation, la fin de la défécation à l'air libre au Tchad d'ici 2030 conformément à l'objectif 6 des ODD portant sur l'eau potable et à l'assainissement reste un leurre.
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