14/02/2020
BATAILLE DE TONDIBI
La bataille de Tondibi a lieu le 12 avril 1591. C'est une bataille capitale dans l'Histoire de l'Afrique de l'Ouest précoloniale. Elle oppose les armées de l'Empire songhaï, des Askias, dont la capitale est Gao., commandées par l'askia Ishaq II et un corps expéditionnaire commandé par Djouder Pacha envoyé par le sultan saadien du Maroc Ahmed IV el-Mansour. L'artillerie marocaine concourt de manière décisive à la défaite des armées songhaïs, même si les dissensions internes de l'Empire songhaï à la fin du xvie siècle permettent de comprendre comment une simple défaite se transforme en effondrement d'une civilisation. La défaite des armées songhaïs marque également la fin des grands empires multi-ethniques en Afrique de l'Ouest, entraîne l'atomisation politique du Soudan mais marque aussi le début de l'enracinement de l'Islam dans les couches rurales et populaires du bassin du fleuve Niger.
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LES CONSÉQUENCES POLITIQUES : DESTRUCTION DE L'EMPIRE SONGHAY, VASSALIZATION ET ATOMISATION POLITIQUE DU SOUDAN :
La défaite de Tondibi n'est pas la dernière bataille que les Songhaïs livrent aux Marocains, mais elle provoque l'explosion du gouvernement songhaï et la fin de l'emprise des Songhaïs sur la vallée du fleuve Niger. Coupé en deux avec l'installation des Marocains à Tombouctou (avril 1591), l'Empire est dirigé par deux askias, un nommé par les pachas de Tombouctou et dirigeant l'Ouest de l'Empire (Kurmina et Macina), et un autre la partie extrême-orientale, le Dendi, au sud de Koukya, la capitale religieuse des Songhaïs et le foyer historique du royaume de Gao. La défaite militaire signe donc l'effondrement d'une civilisation, brusquement expulsée de son foyer originel et contrainte à un long exode de près de 500 kilomètres sur l'aval du fleuve Niger. Finalement, après l'acte d'allégeance de l'Askia Nouhou (1595), l'Empire songhaï se dilue dans le monde zarma avec lequel il finit par se confondre.
La capitale est transférée de Gao au Mali vers diverses localités au Niger, dont la dernière est Sikye, aujourd'hui englobée dans l'agglomération de Niamey. Les empereurs ne règnent plus que formellement sur la partie méridionale de l'Empire songhaï, le Dendi. L'Empire songhaï avait pris le relais de l'empire du Mali au xve siècle. Il était devenu l'entité politique structurante de la société ouest-africaine. L'Empire songhaï ne s'en remettra jamais et aucun empire ouest-africain de cette taille ne renaîtra même si l'on trouve par la suite :
le royaume bambara de Ségou et celui du Kaarta fondé par les Coulibaly ;l'Empire peul du Macina de Sékou Amadou ;l'Empire toucouleur d'El Hadj Oumar Tall.
Le pachalik de Tombouctou, dirigé essentiellement par Djouder Pacha jusqu'en 1599 (date à laquelle il est finalement rappelé au Maroc pour épauler le sultan El-Mansour dans sa guerre les chérifs du Rif), s'installe progressivement. À partir de 1599, les forces d'occupation marocaines ne comptent plus de mercenaires européens, tous rapatriés au Maroc. La douane marocaine installe des postes jusqu'à Djenné en amont du Niger, à l'entrée des méandres du Macina. Les cadis sont nommés par les pachas de Tombouctou et accompagnés par des soldats marocains, les « Armas » quand les troubles sont importants. Si l'autorité des pachas est nominale au-delà de Gao vers l'aval et ne s'exerce que par intermittence sur Djenné et jamais au-delà en amont, le Maroc contrôle efficacement tous les ports situés entre Tombouctou et le Macina.
Les Marocains ne sont pas les seuls à avoir contribué à l'atomisation politique du Soudan nigérien. À la même époque l'empire du Mali, dont la capitale, longtemps itinérante, s'était fixée à Niani en amont du fleuve Niger, s'effondre aussi sous les assauts des Peuls Toucouleurs de la vallée du fleuve Sénégal. Les différentes composantes de l'Empire songhaï défunt prennent leur indépendance: les populations nomades sont les premières bénéficiaires de l'effondrement de l'empire du Songhaï. Les populations peuls, longtemps coincées entre les grandes composantes géopolitiques de la région (Jolof de Sénégambie, Mali, Songhaï) commencent leur émergence politique. Les confédérations touarègues prennent elles aussi leur indépendance et, dès le milieu du xviiie siècle, rivalisent de puissance avec les pachas de Tombouctou. L'atomisation politique du Soudan laisse donc la place à de nouvelles constructions politiques, moins étendues certes, mais fondées sur une conception inclusive de l'islam politique.
Cependant la destruction de l'Empire songhaï, la disparition de son administration et la fragmentation politique de la vallée du Niger ont des conséquences sanitaires et sociales immédiates très lourdes. Les Tarikhs notent la généralisation de la violence et de l'insécurité, soulignant, chaque fois que c'est possible, que les Marocains, dans leurs déplacements long du fleuve, en sont tout autant victimes que les Soudanais. Même si l'idéalisation des temps passés est un des topoï de la littérature des élites soudanaises, les escortes qui accompagnent le moindre déplacement de cadi au sein du Pachalik laissent penser que l'atomisation politique a accru l'insécurité.
Plus tragiquement encore, les maladies et les sécheresses, avec leur lot de famines, s'accélèrent. La peste ravageait déjà le bassin du Niger depuis 1588. La famine de 1616 à 1619, déclenchée par des inondations, obligea le pacha de Tombouctou à exempter de la dîme tous ses sujets. Entre 1639 et 1643, une nouvelle famine déclenchée par la sécheresse entraîna un si grand nombre de morts qu'ils étaient laissés dans les rues : la peste refit son apparition. Au xviiie siècle, des villes étapes comme Araouane étaient désertées. La population des villes avait été diminué de 50 %, et ce jusqu'aux marges des pays wolof et haoussa. L'atomisation politique a interdit une réponse coordonnée devant ces calamités, régulières auparavant mais aux conséquences moins rudes .
Les conséquences économiques : la ruine du commerce transsaharien ?
La ruine de Tombouctou notée par René Caillié au début du xixe siècle est attribuée à la destruction du Songhaï par le corps expéditionnaire de Djouder Pacha. Une idée remise partiellement en cause par Michel Abitbol. Selon lui, la valeur des échanges entre le Soudan et le Maghreb, plus particulièrement le Maroc, s'est en effet amoindrie mais d'une part moins qu'on a voulu le dire, et d'autre part essentiellement du fait de la concurrence des comptoirs européens du Sénégal et de Gambie qui drainaient à eux une part importante des produits. Le point le plus important, selon Michel Abitbol, ce n'est pas la diminution relative de la valeur globale des marchandises qui transitaient par les villes caravanières du fleuve Niger (Gao, Tombouctou, Djenné) mais l'évolution de la nature des cargaisons.
Aux produits anciens (esclaves, or et kola) se sont en effet substitués les plumes d'autruche, les textiles écrus et surtout, de plus en plus la gomme arabique, qui transitait par les ports de Tanger et d'Agadir vers les villes textiles industrielles anglaises et françaises. Si ce nouveau commerce caravanier doit faire face à la concurrence de la voie atlantique, il se polarise surtout différemment. Gao, qui perd son statut de capitale politique, retrouve son rôle de plaque tournante commerciale régionale et via Tadmekka se branche sur les circuits commerciaux ottomans par le biais du Fezzan et de l'Égypte. De la même manière, la fin de la tutelle songhaï permet l'essor des cités-États haoussas comme Kano et Sokoto, anciennement seulement connectées aux circuits commerciaux du Fezzan, et qui s'imposent dans la sous-région. Le haoussa devient la langue de communication et de cour du Soudan.
Le commerce saharien n'est donc pas tant ruiné que réorganisé, dynamisé sur ses marges, de Djenné aux embouchures du Sénégal et de la Gambie, et autour du lac Tchad, et surtout recomposé, laissant les vieux produits issus du commerce médiéval pour se focaliser sur les matières premières compatibles avec l'essor d'une proto-industrie textile européenne, dont le Maghreb n'est plus qu'une succession de ports de rupture de charge. Cependant, si la valeur globale de ce commerce s'est réduite, l'importation de produits de luxe en provenance du Maghreb et à destination des rives du fleuve Niger montre aussi l'existence d'une communauté arabe aussi voire plus importante qu'avant l'invasion. Et l'apparition d'une classe marchande soudanaise plus aisée.
Les conséquences religieuses : la « seconde islamisation » du Soudan, diffusion de l'islam au sein des masses rurales .
La destruction de la civilisation curiale songhaï et la ruine de ses villes phare comme Gao et Koukya entraîne un exode des lettrés musulmans. Le plus connu reste Ahmed Baba, déporté à Marrakech, et qui étonne par la profondeur de son savoir et de sa sagesse religieuse.
Mais si le destin d'Ahmed Baba est essentiellement urbain, la plupart des lettrés s'exilent dans des villes modestes de la savane où ils fondent des pôles maraboutiques, ce qui permet une islamisation des campagnes. L'islam sort des villes et gagne les campagnes. Au milieu du xviiie siècle, les royaumes animistes comme celui du Mossi autour de Ouagadougou (actuel Burkina Faso) sont islamisés. C'est ce qu'on appelle la « seconde islamisation » du Soudan.
Souce : Wikipédia (modifié)
©️ AYNEHÃ 24
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