08/08/2021
Note de lecture d'une muse (Fatou Signaté Ly) après lecture du manuscrit de son Écrivain. Suivons la beauté, la clarté et la fluidité de cette langue. Je n'ai essayé d'ajouter ni de retrancher aucun mot, d'ailleurs je ne peux pas.
Salam Salif. Je partage avec toi, mon petit frère, cette petite note. Rassure-toi, ce n'est point l'épouse qui parle (de son homme), mais Fatou qui a la prétention d'être une grande lectrice, peu indulgente.
"L'homme est toujours dans son œuvre ! Amadou Bamba Thiobane (l'auteur du roman "Verbacides") ne fait pas exception à la règle assurément...
Première lecture de "Verbacides", mai 2015, désarçonnée ! Une certaine violence dans le ton. La verdeur de certains termes... Loin de l'homme que je croyais connaître.
Durant les mois qui suivirent, j'ai lu et relu le tapuscrit avec application pour aider à débusquer des coquilles et, comme le dit l'auteur, à "adoucir et à assagir le monstre", mais aussi peut-être pour chercher à retrouver Bamba dans l'oeuvre de Thiobane.
Il a fallu que j'aie le livre entre les mains en juin dernier pour que commence enfin le voyage sur les mots, par plaisir, pour le plaisir, avec le plaisir, non plus pour dompter l'animal, mais pour apprendre.
"Verbacide(s) est, en effet, une vraie leçon qui nous incite à trouver le mot juste, à surveiller notre langue, à maîtriser la langue et... notre langue, à respecter la Parole, qui, si elle est trop/mal utilisée, peut s'ébrouer et aller dans tous les sens, à ne pas tuer le verbe en quelque sorte.
"Verbacide-s", une œuvre atypique? Sans conteste. "Un monstre " en dit l'auteur. Il n'a pas tout à fait tort : il nous sort des sentiers battus et nous surprend à tout instant.
L'auteur, quant à lui, semble prendre un malin plaisir à se jouer du lecteur et (passez-moi l'expression) à semer la pagaille dans sa tête.
Conte, journal intime, critique littéraire, essai, prose, vers, tout y passe, tout s'y bouscule. Il est vrai que dès l'avant-propos, il nous en avertit.
Et pourtant l'ouvrage, en dépit de ses innombrables tentacules, n'arrive pas à être difforme. Le "monstre", est harmonieux ! La plume de l'auteur y veille : elle est belle et précise, vigoureuse, rigoureuse, enjouée par endroits, d'un humour tendre et féroce, généreuse, poétique. Et c'est grâce à elle que l'auteur, virtuose incroyable des mots et des jeux de mots, aiguise notre curiosité, nous entraîne dans son monde, fait de nous ses amis, ses complices, nous tutoie (sans notre consentement d'ailleurs), parfois nous rudoie, mais toujours avec le tact, j'ai failli dire l'élégance du pédagogue expérimenté. À telle enseigne que nous, "profanes", nous sentons admis dans le cercle privilégié de sa "caste" ; il nous entraîne dans une sorte de farandole de la didactique de la langue française et, nous l'y suivons allègrement, même si nous trébuchons par moments sur des concepts que nous ne saisissons pas toujours. Qu'importe ! Il nous tient gentiment de la main et, à sa décharge, nous avait bien mis en garde.
Où compte-t-il nous mener ? Lui-même ne semble pas trop le savoir et ne se gêne pas de nous le dire. Ne sommes-nous pas son "lecteur Eve" ? Ses complices ? Alors confiants, nous le suivons. Grand bien nous en a pris : nous voilà bien installés dans un conte au mitan duquel la Parole tenue, essentielle pour un Jolof-jolof.
"La parole est sainte, la Parole est divine. Elle est faite pour bercer le cœur et garnir l'esprit. Elle est beauté, mais beauté utile. Elle est faite pour humaniser "la bête humaine". Personne n'a le droit de la faire "servir à quelque usage impie".
L'homme est bel et bien dans son œuvre ! À ses côtés, l'incontournable Jebere, "homme de la parole, homme de parole". Et me revient Honoré de Balzac :"Souvent, j'ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot". Je viens, moi aussi, d'en faire un, fort agréable, emportée par un "mot valise", un mot "encyclopédique", un "calembour", un mot nouveau, "Verbacides".
Je vous y invite. Ensemble, nous jaugerons et jugerons.
Fatou Signaté LY.