03/10/2023
La perception de la question de souveraineté nous divise à tel point que certains veulent faire du bambara notre langue officielle pour se débarrasser définitivement de la France et pour d'autres il s'agit de permettre au génie malien de s'exprimer pour développer le pays.
Pour notre part, ce n'est pas une mauvaise chose en soi de valoriser sa langue maternelle mais il demande un travail de titan en amont et aval.
En amont, il faut:
-une politique d’assimilation du bambara sur toute l'étendue du territoire national
-une politique de valorisation du bambara sans quoi elle sera toujours phagocytée par les autres langues vivantes.
- et une politique d'aménagement du bambara qui consiste selon le linguiste Jean Rousseau à connaître la situation sociolinguistique précise et détaillée de la langue de départ, le marché linguistique (national, infranational, régional, international), l’état de la description de la langue, l’évaluation de la demande sociale, l’évaluation de la demande politique, la détermination des besoins et les ressources linguistiques existantes.
En aval, Il faut:
-Mettre en place une académie de la langue bambara qui sera chargé de définir, de statuer et introduire des nouveaux mots dans le dictionnaire bambara.
-Traduire les livres de sciences, de littératures, d'arts et d'informatiques en bambara
-Former les enseignants en pédagogie dans la langue bambara
-Concevoir un programme unique d'enseignement pour toutes les écoles (privée et publique)
-Concevoir des manuels d'apprentissage en langue Bambara.
-Réduire considérablement la fracture qui existe entre les écoles privées et publiques
-Mettre en place des politiques de sanctions contre les organismes qui ne se soumettront pas à la politique linguistique du pays etc...
Tout ceci demande un moyen colossal. Justement, c’est ce qu'on n'a pas en ce moment.
Pour qui connait notre système éducatif, il est sous perfusion parentérale (financé par la banque mondiale, les Etats-Unis et l'Union Européenne en grande partie) depuis plusieurs années, idem pour le pays lui même.
Donc à ce stade avant de vouloir définir le bambara comme langue officielle, il faut impérativement trouver un moyen de financer nous même notre système éducatif.
Ce n'est pas tout. Avec la globalisation actuelle, on va se retrouver renfermer sur nous même si les Sénégalais définissent le Wolof comme langue officielle, les Ivoiriens le Dioula, les burkinabé le Mooré ... et cette barrière risquera de constituer un frein pour notre rêve commun qu'est de voir les Nations-Unis d'Afrique.
Il faut rappeler également que même le Français qu'on parle aujourd’hui est très limité et dès qu'on traverse les frontières des pays de l'Afrique francophone, une autre réalité commence.
Dans le monde du business et de la science, la langue la plus consommée reste l'anglais. Le bambara aura donc peu de chance dans ce monde.
Nous sommes convaincus que le problème de notre pays et de notre système éducatif n'est pas lié à la langue car jadis le système a formé d'excellents scientifiques et littéraires, tous des intellectuels aux cerveaux décolonisés. Certains ont servi à la NASA, d'autres sont devenus des célèbres littéraires.
Les défenseurs du bambara comme langue officielle sont des excellents orateurs en Français et en Bambara, ce qui prouve encore que le problème c'est pas la langue mais le système éducatif que nous devons réformer, uniformiser et financer par nous même.
Gardons notre énergie actuelle à reformer notre système éducatif et à créer un environnement social plus juste et plus équitable. Le problème est ailleurs.
Le Malien a peur quand il part à l'hôpital, il a peur quand il part à la justice, il a peur quand il va à l'administration. C'est pas normal.
Faisons de la pédagogie au tour de cette histoire de langue et arrêtons les moqueries car à chaque fois qu'on se moque du malien, on écorche son égo
Traoré Boïssé