16/07/2022
Langues étrangères et culture locale (1)
La langue est le moyen d'expression culturelle le plus évident, adopter une langue c'est véhiculer ou du moins accepter l'influence de celle-ci dans la manière de penser de soi.
J'ai remarqué avec les quelques langues que je parle (une demi-douzaine) que les mots et surtout les expressions ne sont pas neutres.
En Français par exemple, "avoir une place au soleil" exprime à la fois le climat du berceau de la langue et la perception de ses locuteurs, le SOLEIL est un confort dans un pays froid, contrairement à moi le citoyen tropical je préfère avoir une place à "l'ombre" oui L'OMBRE, car le soleil est synonyme de souffrance chez moi. Au Fuuta Jalloo il est courant d'entendre ceci :
"𞤖𞤭 𞤩𞤫 𞤱𞤵𞥅𞤪𞤭 𞤫 𞤯𞤮𞤱𞤣𞤭 𞤥𞤢𞤳𞥆𞤮 "
Hiɓe wuuri e ɗowdi makko.
(Ils vivent sous son ombre) qui veut simplement dire qu'il les soutient, ils dépendent de sa générosité. Un honneur !!!
Je ne m'étalerai pas sur l'expression courante "mettre de l'eau dans son vin" ou " être dans son 31" et même " être tiré à 4 épingles", ces paroles expriment une habitude alimentaire, croyance religieuse et mode vestimentaire. Mon père ne boit pas le vin, ne fête pas le saint sylvestre et préfère le Leppi e Puuto.
Que dire les nombreuses expressions tiré du naval, de la guerre, des divinités grecques que seuls la lecture de l'Odyssée d'Homère nous donne la clé ?
Regardons chez nous, l'élevage et l'agriculture sont omniprésents dans nos langages
Exemple : alaa ko wattiti ñale e ñale (fourberie)
Haa nde wonata ko Kore bonni kocce.....(bouc émissaire)
Dimo ko kongol, nagge ko ɓoggol (parole d'honneur).
Yeeso Ko yeyre mo ñencaali ɓirataa (prévoyance et tacte)
Laamu ngun yarii follere (déclin, déchéance politique)
Tant que les paroles sont poétiques et rimées on se délecte de la sagesse et savoure la sémantique mais dès que la philosophie s'y mêle ça se complique et ça coince, ça déracine et domine de façon idéologique son consommateur et crée la déculturation voire le conflit avec soi et/ou avec les autres. Ainsi les langues étrangères deviennent un véritable cheval de Troie dans la citadelle culturelle de nos sociétés.
Je me rappelle de ce jeune frère qui justifie le fait de manger peu le matin parce que ce repas est appelé "petit déjeuner", donc PETIT reste petit en quantité de nourriture à ingurgiter à cette heure de la journée, mais en bon Pular (Fuuta Jalloo) c'est" ittirɗum kooƴe"
𞤋𞤼𞥆𞤵𞤺𞤮𞤤 𞤳𞤮𞥅𞤰𞤫 𞤳𞤮 𞤸𞤢𞥄 𞤳𞤢 𞤯𞤫 𞤭𞤱𞤭 𞤱𞤮⹁ 𞤺𞤮𞥅𞤼𞤮 𞤸𞤢𞤯𞤢𞥄𞤳𞤢 𞤻𞤢𞥄𞤥𞤵𞤺𞤮𞤤 𞤸𞤢𞥄 𞤩𞤫𞤼𞤮𞥅 𞤧𞤭 𞤸𞤫𞤩𞤭𞥅.
Les expressions des couleurs, les fruits, les animaux etc.... toutes portent des traces culturelles.
Exemple : une colère noire. En Pular "tikkere sattunde".
Pour exprimer le superlatif de la laideur :
En français " vilain comme la mort" (la mort)
En Soussou" Too ñaakhii aloo Koy" (la nuit)
En Pular " kaani wa bimbi piiro " (matinée de bagarre).
Chacune de ces expressions véhicule une mode de pensée, une idéologie, une philosophie bref un mode de vie.
L'occidentale trouve que la mort est mystérieuse insondable, le Soussou sait que la nuit est sombre et dangereuse, quant au Pullo il extériorise son attachement à l'environnement social qui selon lui doit être vivable et jovial, toute situation qui perturbe cet état est insupportable : c'est la catastrophe.
Parlons nos langues et protégeons nos cultures, les perdre est une mauvaise chose car ça nous laisse vulnérable face à la colonisation mentale et idéologique donc un frein à notre épanouissement et développement.
À suivre.....sur le sujet du chapeau et le PEUL.
Lamarana DIALLO
Abidjan Côte d'ivoire