14/07/2023
Un petit cadeau pour vous accompagner ce week-end 🤩
🎁Je vous offre le premier chapitre de mon roman Les Convergences du temps, Vol.1 : petits arrangements avec le destin🎁
RICHARD
- C'est ça, cassez-vous ! Qu'est-ce que vous voulez que j'en aie à fo**re !?
Écrasé dans ses coussins, Richard tente d’éructer sa colère. Sa voix est rauque, il a les yeux fixés sur la baie vitrée. Derrière lui, Victoria a fermé les yeux à défaut de pouvoir se boucher les oreilles. Un instant immobile, le dos légèrement voûté, elle a attendu que les cris cessent pour se diriger à petits pas vers le vestibule. Elle troque ses mules de satin pour des bottes à zip et referme la lourde porte derrière elle, le plus silencieusement qu’elle peut, en serrant son cabas sous son bras. Elle n’a pas voulu voir que Richard avait arraché sa perfusion.
Après le départ de son aide-ménagère, celui-ci reste immobile, les yeux dans le vague, toujours dirigés vers la terrasse et le jardin. Son souffle devient de plus en plus sourd. Chaque inspiration lui arrache une grimace. Il se lève avec difficulté, tente vainement de rebrancher sa perfusion, puis se rassied pour reprendre son souffle. Il tâte alors la poche de son pantalon et en retire un petit téléphone à clapet argenté, d’une marque qui n’existe plus depuis bien une décennie.
- Allô, Miguel ? interroge-t-il. Tu es dans le jardin ? Apporte-moi mes ci******es, s’il te plaît. Je suis dans le salon. Il se crispe, et renifle avec un rictus d’agacement. Mais pu**in ! Laisse-moi crever comme il me plaît ! Si je te dis de m’apporter mes clopes, apporte-moi des clopes!
Richard ne s’attend pas à voir venir son majordome. Miguel régit la maison comme il lui plaît, insensible aux injonctions de son patron, lequel ne lui en tient pas rigueur. S’il est au jardin, il finira de tailler quelque rosier avant de se présenter au salon.
Ce que Richard n’admettrait de personne, il le supporte de son employé mexicain. C’est peut-être même cette force tranquille qu’il apprécie chez lui. Personne ne lui a jamais tenu tête. Sa fortune, sa notoriété et même sa stature en ont toujours imposé et s’il avait bien des adversaires en affaires, nul ne se risquait jamais à l’affronter. Il a vécu entouré de courtisans, serviles de naissance ou de métier, qui par faiblesse, peur ou stratégie acquiesçaient à chacune de ses propositions.
A-t-il jamais été aimé ? Il craint que non. Mais il n’a jamais eu à répondre à la colère, aux reproches ou à la haine de quiconque. Il a simplement été trahi, en toute discrétion.
- Allo, Miguel, est-ce que tu pourrais venir m'aider ? Richard a du mal à souffler mais il parvient à prononcer des remerciements. Merci Miguel, je t’attends. Je ne vais pas très bien.
Il se retient de gémir.
Dans ces moments-là le moindre murmure est un écorchement. Il aurait voulu que Sue reste un peu plus. Venue de Springfield passer quelques jours avec lui, elle est repartie la veille. La présence de sa fille a eu sur ses douleurs et son âme un effet apaisant mais depuis qu'elle est repartie, il a sombré. Le mal a redoublé. Il s'est montré plus aigri que jamais avec son personnel.
Combien de temps lui reste-t-il encore à vivre? Mais pourquoi vivre encore? Pourquoi endurer une nouvelle journée, si ce n'est pour mettre Sue à l'abri du besoin, et surtout s'assurer que ni Sarah ni Richard Jr. ne touche une miette de l’héritage ? La famille Yugler a volé en éclats des années auparavant et il n’y a aucun espoir de réconciliation. Au contraire, Richard entretient la haine qu’il voue à ses deux aînés et à son épouse. La trahison lui a laissé des marques indélébiles et il n’accordera jamais son pardon.
Miguel tarde à arriver. Richard est à bout. Il tente de prendre appui sur le bord de la table pour se lever, retourner à son fauteuil et rebrancher s’il le peut ce cathéter. La moindre goutte de cette potion serait déjà un soulagement. Mais le souffle lui manque. Il retombe sans bruit sur sa chaise. Il a beaucoup maigri, c’est vrai, mais cela lui donne la sensation d’avoir retrouvé son corps de jeune homme. Les médecins font des miracles, il va s’en sortir. Mais pour l’heure, il a besoin d’aide. Il a besoin de Miguel pour se rasseoir confortablement dans son fauteuil, ou peut-être sur son lit.
- Mais qu’est-ce qui vous arrive, Richard ? Vous avez voulu faire le malin ?
- Tu parles, j’ai seulement voulu me mettre sur cette chaise.
- C’est ça. Dites plutôt que le départ de votre fille vous a rendu fou, comme d’habitude. Mais vous savez, Victoria n’y est pour rien, la pauvre. Et vous, vous ne gagnerez rien à arracher votre perfusion… Vous ne mourrez pas plus vite, ni en meilleure santé.
- Miguel, épargne-moi tes commentaires.
- Et vos autres enfants ? Ne serait-il pas temps de renouer avec Sarah et Richard Jr. ?
- Je t’ai dit de te taire !
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