L'année 2018 est marquée par le 160e anniversaire de la création à Strasbourg, sous le règne de Napoléon III, d'un hebdomadaire catholique sous l'appellation Der Volksfreund et dont le premier numéro est daté du 3 janvier 1858.
Cet hebdomadaire prend la suite d'un mensuel, les Kleine katholischen Unterhaltungen, créé en 1855 par la Conférence Saint-Vincent- de-Paul de Strasbourg, à la demande du conseil général du Mouvement qui souhaitait favoriser en Alsace la diffusion dans les milieux populaires de ses «Petites Lectures» éditées à Paris. La situation linguistique de la région imposait alors une parution en langue allemande. Deux autres circonstances régionales ont favorisé la naissance du Volksfreund :
• La cessation de parution du Katholische Kirchen und Schulblatt en 1857, qui visait un public plutôt cultivé tout en espérant conquérir un plus large lectorat de langue allemande.
• Le souhait de l'abbé Charles Braun de voir reparaître, sous une autre forme et sans son caractère politique, le Katholische Volksfreund qu'il avait édité à Guebwiller de 1848 à 1856. La Conférence Saint-Vincent- de-Paul de Strasbourg sera le gérant responsable du Volksfreund jusqu'au 15 août 1858. Elle se retire alors de l'hebdomadaire à la demande du conseil de Paris qui n'a pas approuvé l'abandon du titre des Kleine Unterhaltungen et pas davantage le nouveau prix de l'abonnement annuel (2 francs) trop élevé selon lui. Malgré ce retrait, la Conférence de Strasbourg continuera à soutenir activement la diffusion du Volksfreund en Alsace.
Les deux principaux collaborateurs du nouvel hebdomadaire sont Charles Braun qui signe l'article de présentation du premier numéro et surtout l'abbé Joseph Guerber, qui y écrira jusqu'à son décès en 1909, à l'âge de 85 ans.
Durant l’annexion allemande
Dans une Alsace-Lorraine abandonnée au Reich par le Traité de Francfort, le Volksfreund continue, sous régime allemand, à défendre les spécificités culturelles et religieuses de la région. Elu député au Reichstag de 1874 à 1898, Joseph Guerber souscrit à la protestation contre l'annexion lue à Berlin le 18 février 1874. Après sa réélection au Reichstag en 1877 puis en 1878, Joseph Guerber transmet la responsabilité de la rédaction au jeune abbé Alphonse Gruss, vicaire à Saint-Pierre-Ie Jeune à Strasbourg. Celui-ci deviendra propriétaire du Volksfreund en 1882. Son frère, l'abbé Aloyse Gruss, collaborera pendant 36 ans au journal.
Entre 1918 et 1945
Ordonné prêtre en 1916 par Mgr Fritzen, l'abbé Louis Ehrhard, né à Wissembourg, jeune vicaire à Saint-Pierrele- Vieux à Strasbourg, est invité par Alponse Gruss à collaborer au Volksfreund à partir de 1921. A la mort du chanoine Gruss, Louis Ehrhard influencera profondément la direction de L'Ami du Peuple dans une période marquée par l'incompréhension nationale de la réalité régionale qui favorise l'éclosion de ce que l'on appelle le malaise alsacien. Les années de l'entre-deux-guerres voient, en Alsace, l'opposition entre nationalistes et autonomistes, puis, en Europe, la montée du fascisme qui débouche sur un nouveau conflit mondial. L'incompatibilité foncière entre le christianisme et le n**isme conduit le Volksfreund à combattre cette idéologie bien avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933 ; il sera d'ailleurs le premier journal français interdit en Allemagne par le régime n**i. Avec l'occupation allemande, le Volksfreund n'attend pas d'être interdit en Alsace, mais se saborde avec la parution de son dernier numéro imprimé le 16 Juin 1940 à Colmar. L'abbé Ehrhard quitte son presbytère de Barr pour se réfugier dans le Limousin et préparer le retour en Alsace à la fin de la guerre.
La renaissance
Le premier numéro d'après-guerre du Volksfreund est daté du 1er Juillet 1945. Il paraît désormais en deux éditions sous le titre L'Ami du Peuple. Conformément à la nouvelle législation, la partie rédactionnelle de l'édition bilingue, diffusée à 50.000 exemplaires, n'est écrite en langue allemande qu'à 75%. L'édition française, faute d'avoir trouvé un lectorat suffisant, sera arrêtée en septembre 1947. C'est au cours de cette même année que l'abbé Ehrhard devient propriétaire à titre personnel de L'Ami du Peuple. La diffusion du journal ne cesse de progresser dans les années de la reconstruction pour atteindre les 100.000 exemplaires en 1957.
Nommé chanoine honoraire en 1956, Louis Ehrhard rejoint la Maison du Père, le 21 décembre 1957, à quelques jours du 100e anniversaire du Volksfreund. Par testament olographe du chanoine Ehrhard, le fonds de commerce est transféré à son neveu, le jeune abbé Louis Ehrhard, ordonné prêtre le 18 juillet 1954. L'Ami du Peuple se transforme alors en Société Anonyme dont l'abbé Ehrhard sera le président directeur général, et ses cousins germains (déjà actifs au journal) Jean-Pierre Ehrhard et Henri Ehrhard respectivement directeur général adjoint et secrétaire du conseil d'administration. Le 5 Janvier 1958 paraît le premier numéro de la nouvelle édition française de L'Ami du Peuple dont le contenu sera totalement différent de l'édition allemande.
L'expérience se prolongera jusqu'au 27 avril 1969 sans jamais cependant dépasser les 12.000 exemplaires. De la fusion des deux éditions naîtra L'Ami du Peuple bilingue avec une répartition linguistique évolutive qui se reconnaît encore dans L'Ami hebdo d'aujourd'hui. La mort prématurée de l'abbé Louis Ehrhard, à 36 ans, le 26 mai 1966, amène une restructuration du capital et de l'organisation de la société d'édition de L'Ami. L'abbé Jean Keppi, curé de Dachstein, choisi par le défunt, en devient l'actionnaire majoritaire et réacteur en chef de l'édition allemande; Jean-Pierre Ehrhard en sera le président directeur général et Henri Ehrhard est confirmé dans ses responsabilités de directeur administratif.
Un grand nombre de projets et d'évolutions se concrétisent durant les 25 années de cette direction collégiale: installation d'un nouveau siège social au 30 rue Thomann à Strasbourg, mutations technologiques et informatiques, rachat en 1980 de L'Ami des Foyers Chrétiens de Metz, départ de l'imprimerie du Nouvel Alsacien fin 1982 et passage à l'impression offset...
Une nouvelle équipe
Le 1er octobre 1992, Bernard Deck devient PdG de la SA L'Ami du Peuple. Avec une équipe rajeunie il donne un style nouveau au journal en mettant l'accent sur l'information régionale et locale, complétée par des chroniques politiques et économiques de qualité. Pour afficher cette évolution, le titre de l'hebdomadaire se complète par celui de L'AMI hebdo mis en évidence dans le nouveau logo de la publication.
Le développement de l’implantation géographique s'accompagne de l'ouverture de nouvelles agences rédactionnelles à Mulhouse, Haguenau, Metz et programme l'ouverture de bureaux à Obernai et Sélestat. Jusqu'à 7 éditions locales, avec des pages spécifiques, enracinent l'hebdo dans ses zones de diffusion. Quelques semaines après la célébration du 150e anniversaire du Volksfreund, EST imprimerie qui assurait depuis 25 ans, à Metz, l'impression et la diffusion hebdomadaire de L'AMI hebdo Alsace et de L'AMI hebdo Lorraine est obligé d'arrêter ses rotatives presse devenues obsolètes. Le nouvel imprimeur retenu par la direction de notre société sera ROTO offset implanté en ce début 2008 à Rixheim, aux portes de Mulhouse.
Ce changement d'imprimeur entraîne une modification substantielle de la présentation et de la pagination du journal. Les éditions locales qui obligeaient à de nombreux arrêts-machine n'étant plus envisageables, L'AMI hebdo devient édition unique permettant ainsi à tous ses lecteurs de lire l'ensemble des nouvelles de tous les arrondissements alsaciens. Avec son nouveau slogan «un journal pour une Région», il augmente en même temps sa pagination de 32 à 48 pages, qui seront dé - sormais toutes imprimées en couleurs. A la plus grande satisfaction de ses lecteurs, cette maquette, rafraîchie régulièrement depuis, reste, pour l'essentiel, celle de ce 160e anniversaire.
La crise qui frappe alors les imprimeries de presse entraîne la fermeture de l’usine de Rixheim et oblige l’AMI hebdo à se faire imprimer au Mans et après la fermeture de celle-ci, pour les mêmes causes, de choisir celle qui va être par la suite rachetée par Roto Centre, dans la région d’Amiens, où notre journal est toujours imprimé.
Au cours de ces dix dernières années, L'AMI hebdo, vaisseau amiral de notre entreprise, a créé ou valorisé différents produits complémentaires en print ou sur le web. • Côté print : L'AMI junior, qui s'adresse dans une formule trilingue aux jeunes Alsaciens de 7 à 13 ans ; les Journaux locaux gratuits du Kochersberg, du Sundgau ou du Pays de Sarrebourg, qui fournissent tous les deux mois une information locale de qualité diffusée dans tous les foyers des secteurs concernés; INITIATIVES en Alsace qui présente les réalisations des collectivités locales et départementales et encourage la démocratie de proximité ; L’AMI Sports en Alsace et en Lorraine qui aborde toutes les activités sportives en dehors du seul résultat de leurs compétitions ; L'AMI resto qui vous invite chaque mois à élargir le choix de vos restaurants ; les numéros hors-série consacrés aux Malgré-Nous qui sont devenus une référence internationale ; l’activité d'édition qui ponctuellement offre, sous la forme de livres, l’occasion d’une réflexion approfondie sur une réalité historique ou confessionnelle ; sans oublier toutes les autres publications occasionnelles ou annuelles comme L’Almanach Saint-Joseph publié avec l’association MEDIA.
• Côté web : tous les sites spécialisés qui autour de l'AMI hebdo (www.ami-hebdo. com) enrichissent les publications papiers par des documents complémentaires et des images photo ou vidéo ; le site www.malgre-nous.eu qui a dépassé le cap des 1500 000 visiteurs ; et bien entendu L'AMI kiosk qui permet à tous ses abonnés de retrouver l'ensemble des activités de L'AMI hebdo sur tablette ou smartphone. La création, avec d’autres partenaires, de l’Agence Multimédia d’Information (L’A.M.I.) élargit l’horizon de nos activités et offre un support efficace à notre diversification.
Un ancrage régional
L’ancrage régional de L’AMI hebdo en Alsace le rend solidaire de la vie démocratique et sociale des Alsaciens. La création du Grand Prix de la Participation électorale (9°édition) pour lutter contre l’abstentionnisme aux élections, L’AMI alsacien de l’année (5° édition) pour saluer ceux qui oeuvrent pour l’avenir de l’Alsace ou le prochain label.intiatives.alsace pour encourager les initiatives régionales de toutes natures, relèvent de cette mission. Nos partenariats privilégiés avec le Tour Alsace de cyclisme (animation médiatique), avec le Friehjohr fer unseri Sproch (lancé par l’AMI hebdo pour promouvoir notre langue régionale), avec le Centre d’étude et d’Action Sociales/ CEAS (réflexion et formation à la doctrine sociale de l’Eglise), avec les associations de sauvegarde du patrimoine alsacien (Fondation du Patrimoine et Conservatoire du Patrimoine religieux), avec Objectif Alsace (pour rendre à l’Alsace une représentation institutionnelle), avec l’OPAL (pour encourager l’approche dialectale auprès de jeunes enfants), avec l’Union Internationale des Alsaciens de l’Etranger/UIA (la coédition du Passeport alsacien) et toutes nos actions de parrainage et de sponsoring, valorisent nos relations avec les forces vives de notre région.
Notre proximité avec les paroisses, les mouvements et les institutions d’Eglise, notre attention à l’activité de tous les lieux de pèlerinage, de N.D de Lucelle au Mont Sainte- Odile qui prépare activement la commémoration du 13e centenaire de la mort de la sainte patronne de l’Alsace, notre respect et considération pour tous ceux qui ont en charge l’avenir de nos communautés spirituelles, font partie de l’ADN du Volksfreund. L’ensemble de ces activités permet au Groupe L'AMI hebdo de continuer à affirmer sa vocation au service de l'Eglise et de l'Alsace dans le respect de toutes ses spécificités historiques, religieuses, culturelles et linguistiques. Au cours de cette année du 160e anniversaire, L'Ami hebdo, le plus ancien des journaux alsaciens, rappelera par différentes initiatives la place irremplaçable de la presse chrétienne dans une région en pleine évolution.
André Lamy