27/04/2023
Extrait du livre "une lecture royaliste de la V° République: Fallait-il tout changer pour ne rien changer ?" (vente exlusive sur Amazon)
Commentaire de l'article 17 de la constitution de 1958:
Article 17 : La grâce en disgrâce (Le droit de grâce)
« Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »
Il convient maintenant d’étudier un autre pouvoir de Roi accordé au Président de la République. La grâce que peut exercer un souverain a en effet toujours existé. Elle était possible, bien sûr, sous l’Ancien Régime et était accordée par le Roi. Supprimée à la Révolution (art. 13 du Titre VII de la Première partie du code pénal des 25 septembre - 6 octobre 1791), elle est rétablie par l’article 86 du Sénatus-Consulte du 16 thermidor An X et se retrouve dans toutes nos constitutions depuis lors, même les plus républicaines (Constitution du 4 novembre 1848, art. 55). La Constitution de 1946 (art. 35) en organisera quelque peu l’exercice puisque le Président de la République la prononce « en Conseil supérieur de la magistrature ». C’est donc assez logiquement qu’on la retrouve dans la Constitution de 1958 à l’article 17. Ce texte de la Constitution a cependant été révisé en 2008 sur proposition de la commission Balladur. Le droit de grâce ne peut plus être désormais exercé par le Président de la République qu'à titre individuel. La grâce collective lui est désormais impossible . Il faut aussi savoir que le droit de grâce du Président de la République ne réforme pas la décision de justice, mais en annule seulement les effets (La constitution de l’infraction est préservée et la mention de l’infraction sur le casier judiciaire est maintenue) . Est-il utile de préciser que ce pouvoir royal est très contesté par les démocrates égalitaristes qui ne voient dans ce texte de l’article 17 qu’un relent d’absolutisme, d’abus politiques et de décisions discrétionnaires portant atteinte à l’État de droit. Ce droit de grâce est aussi considéré par les mêmes comme portant atteinte à la séparation des pouvoirs, à la forme républicaine du gouvernement et ne semble plus justifié depuis l’abolition de la peine de mort. Il peut aussi être ajouté, argument jamais invoqué par les démocrates, qu’il peut paraître étrange, voire contradictoire, d’invoquer la grâce dans une Constitution qui, dès son article premier, nous dit que la France est une République laïque qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens. Et il faut bien dire que cette contradiction restera irréductible tant que le lecteur voudra idéologiquement rester enfermé dans le cadre républicain qui ressemble pour beaucoup de personnes à une auto-incarcération politique (mais être en prison, n’est-ce pas aussi une protection…). Or, pour comprendre le droit de grâce, il faut bien sûr comprendre ce qu’est la grâce si tant est qu’elle relève de l’ordre du démontrable. Et la grâce dans un pays historiquement chrétien comme la France est bien sûr issue du pardon du Christ. Ne pas accepter cette filiation, c’est effectivement faire du droit de grâce quelque chose de tout à fait arbitraire sans aucune justification véritable dans l’ordre républicain. Il en va tout autrement lorsque les termes de l’article 17 sont illuminés par la parole du Christ. Le texte prend tout son sens : Le “va, et ne pêche plus” est le pardon qui crée une ardente obligation morale allant au-delà même de la règle de droit. Mais qui vous pardonne sous la V° République ? Et qui demande pardon ? Une grâce accordée par des présidents athées ou agnostiques à des criminels ou des délinquants qui ne sont que d’affreux mécréants tourne à la farce la plus sinistre. Quant à l’absolution entre bandits politiques, elle n’a bien sûr aucune valeur morale et mériterait toutes les critiques démocratiques puisqu’il ne s’agit que de faire bénéficier certaines personnes de privilèges injustifiés, privilèges normalement ennemis de l’idée démocratique. Tout cela n’a bien sûr rien à voir avec la grâce, la grâce est diamétralement à l’opposé de ces conceptions et de ces pratiques. Le dictionnaire nous donne une définition de la grâce. Et au-delà de la définition du Larousse, la grâce implique le pardon qui vous laisse libre tout en vous demandant à l’avenir de renoncer au pêché qui habite en vous. Il s’agit d’empêcher le désir d’être conçu, c’est à dire de tout faire pour que la tentation ne redevienne plus un péché. Être touché par la grâce par le biais du pardon nécessite donc un cheminement spirituel que peu de présidents et peu de condamnés ont emprunté. Le pardon est un acte grave qui doit être demandé ou accepté. Que penser des 408 grâces accordées par François Mitterrand pour la seule année 1989 ? Nous sommes loin du « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix, et qu'il me suive ». (Luc 9, 23). Le droit de grâce sous la V° République est ainsi actuellement complètement déchristianisé, ce qui n’en fait plus qu’un simple instrument politique qui apparaît effectivement illégitime au regard des enjeux démocratiques égalitaires. Ceci posé, on notera que cette vision politique du droit de grâce n’est pas nouvelle puisque Montesquieu nous disait déjà que « c’est un grand ressort des gouvernements modérés que les lettres de grâces. Ce pouvoir que le prince a de pardonner, exécuté avec sagesse, peut avoir d’admirables effets ». La vision politique du droit de grâce existait aussi sous l’Ancien Régime, mais ce dernier était quelque peu tenu par des considérations spirituelles qui n’ont désormais plus cours. L’aspect purement politique du droit de grâce (il porte aujourd’hui bien mal son nom) doit cependant être considéré avec sérieux et il s’avère effectivement que l’État quelles que soient les époques a parfois besoin de lois d’exceptions pour mettre fin à des désordres politiques comme des guerres civiles ou des catastrophes au sujet desquelles les responsabilités n’ont jamais été clairement établies. Mais pour ce faire, l’État français n’a pas recours au droit de grâce prévu à l’article 17 de la Constitution, mais aux lois d’amnistie. Or, l’amnistie n’est pas équivalente au droit de grâce. Elle s’adresse à des groupes de personnes impliquées dans un même problème. Il faut savoir que l’amnistie, contrairement à la grâce, efface complètement l’infraction. C’est une remise en cause de l’autorité de chose jugée. Elle est prononcée par le Parlement mais comme nous le savons, la teneur de la loi d’amnistie correspond généralement à ce que veut le pouvoir exécutif. L’article 133-9 du code pénal dispose que : « L’amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure ». Citons comme exemples les quatre lois d’amnistie successives prises pour les crimes commis durant la guerre Algérie ou les lois d’amnistie prises au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale pour éviter une épuration massive contre les faits de collaboration.
Quelques autres considérations juridiques sont aussi à prendre en considération pour clore le sujet. Les décisions prononçant la grâce ont longtemps été protégées par la théorie tout à fait royale des actes de gouvernement . Elles sont maintenant justifiées par le fait que les actes en cause ne sont pas détachables du fonctionnement du service public judiciaire . Le changement de justification à peut-être un air plus républicain, mais le résultat est le même. La République masque comme elle peut certains attachements à la monarchie. Vient enfin le problème du contreseing de la décision de grâce émanant du Président. N’étant pas mentionné à l’article 19, le décret ordonnant la grâce doit normalement être contresigné par le Premier ministre. Il ne peut s’agir là que d’un oubli du constituant. En effet, seul le Président décide de faire grâce et la grâce est par essence l’acte d’un homme qui agit comme un Roi après avoir délibéré avec lui-même dans le secret de sa conscience. Le contreseing n’a donc pas grande importance, à moins que refusant de contresigner, un Premier ministre mette sa démission dans la balance, ce qui est peu probable…