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11/06/2024
POLITIQUEMENT INTIME
Dans tous les pays ou l’extrême droite est au pouvoir les droits des femmes sont ciblés. Nous devrons en avoir conscience en nous rendant aux urnes. Que souhaitons nous, au fond de nous, pour nous, pour nos filles et nos fils ?
La réalité de nos corps au lit, à la maison, au travail et dans l’espace public n’est pas suffisamment prise en considération par nos lois. Au pays des Droits de l’homme, les corps des femmes, leurs utérus, leurs visages sont politiques et pluriels. On continue pourtant à vouloir faire entrer le corps des femmes dans ses cases pour le bon plaisir des lapinistes phallocrates.
La relation se joue depuis notre espace intime jusqu’aux instances où se font les lois qui impactent les individus, les couples et les familles. Il devient acrobatique de continuer d’être cohérent·e·s et aligné·e·s quand le bureau, la salle de classe et le lit de l’intimité sont dans un même lieu, quand nous n’avons plus vraiment d’espaces distincts dédiés à la parentalité, le travail, l’engagement dans la société. Toutes les frontières de nos cadres ont bougé significativement depuis 2020, certaines se sont effondrées. Pour accompagner ces mutations et soutenir égalité et coopération entre les femmes et les hommes, les lois doivent bouger. Les outils et pratiques juridiques sont anachroniques et perfectibles, car ils participent encore trop à l’accroissement des inégalités de genres.
L’appareil législatif impacte l’intime. Il fixe les conditions de la loi sur nos corps, notamment à travers la majorité sexuelle et le seuil de non-consentement (15 ans en France, après avoir envisagé de l’abaisser à 13 ans !), l’IVG – enfin – inscrite dans le marbre de la constitution française en 2023 (nous continuons de trembler, car l’IVG est encore interdite dans une vingtaine de pays, dont certains États d’Amérique du Nord, et extrêmement restreinte dans le monde, y compris en Europe), les délais de prescription des crimes sexuels, l’interdiction de la prostitution, la reconnaissance et les droits des personnes non binaires.
Il régit aussi le cadre institutionnel du mariage et de la famille (au sens foyer fiscal), notamment hétéro- ou homosexuel, la fiscalité associée au foyer marital puis familial, l’obligation des époux à la communauté de vie (dans le Code civil français). Le modèle patriarcal organise mariage, vie de famille et héritage.
La législation fiscale n’a rien de neutre : l’État encourage le modèle de M. Gagne-pain et Mme Fée du logis. On incite presque les femmes à arrêter de travailler. Les femmes sautent dans le mythe romantique, elles font passer majoritairement leur carrière au second plan, privilégient les choix de monsieur. Le mariage et le divorce appauvrissent les femmes : monsieur capitalise et madame investit dans le frigo. La fiscalité des prestations compensatoires et de la contribution alimentaire défavorise celui qui reçoit (souvent la femme) et avantage celui qui la verse (souvent l’homme). Le droit de visite et d’hébergement devrait enfin devenir une responsabilité, un engagement, un devoir. Tout cela aboutit à un sentiment d’arnaque pour les femmes et de « laissés pour compte » pour les hommes.
Aimer, c’est aussi protéger l’autre. Il faut enfin faire voler l’opprobre de parler d’argent pour les femmes et mieux s’informer avant de se projeter dans une vie à deux, pour que cet « aspect-là des choses » soit mené comme une PME gouvernée à deux et qui sache valoriser les apports et ressources de chacun pour pulvériser le « je gagne plus je vaux plus » en prenant soin de ce qui compte vraiment.
Le quotidien pèse au long cours sur les couples. On peut s’interroger sur cette « obligation à la communauté de vie », derrière laquelle le devoir conjugal est en pointillé. Une mise à jour est nécessaire. Soyons fou·folle·s et créatif·ve·s. Pourquoi les pères arrivent-ils à se libérer le soir quand ils divorcent alors qu’avant ils se reposaient sur leur épouse ? Nous pourrions mettre en place une garde alternée pendant la vie de couple. À nous d’imaginer quelque chose de plus libre et de plus joyeux dans la façon de faire société ensemble.
La meilleure défense n’est pas l’attaque, mais elle nécessite de clarifier une bonne fois pour toute notre position et nos combats. De nouveaux rôles, nouveaux espaces, sont à inventer notamment pour mettre en avant le dialogue, pour avoir le courage de se dire les choses à fond et de s’écouter, pour créer de nouveaux cadres, incarner nos rêves, dans la paix des sexes. Une paix depuis nos corps de femmes en paix, libres d’en disposer comme nous le souhaitons, délivrées de la peur que quiconque en fasse usage malgré nous, assumant toutes nos formes, écoutées dans tous nos états, soutenues dans nos initiatives, agissant depuis nos désirs.
En revendiquant de ressentir et de penser par nous-mêmes, pour notre bon plaisir, en nous affranchissant de tout commandement pour agir et en portant une voix libre, femmes et hommes féministes, nous bousculons l’ordre établi. En paix dans nos corps, nous, femmes et hommes côte à côte oeuvrons, intimement politiques.