L'Architecture d'Aujourd'hui (AA) est une r***e d'architecture française de référence, fondée en 1930 par André Bloc, avec la complicité de Le Corbusier. AA pose un regard critique sur l'architecture et la ville, toujours dans une perspective internationale.
En 1930, L’Architecture d’Aujourd’hui est fondée par André Bloc, avec le concours de Marcel Eugène Cahen, tous deux architectes. La r***e est éditée par les Éditions de L’Architecture d’Aujourd’hui, à Paris. Pierre Vago, élève de Perret, a 20 ans lorsqu’il est nommé rédacteur en chef de la r***e en 1932. L’Architecture d’Aujourd’hui se rapproche alors des avant-gardes architecturales, en véhiculant les principes du Mouvement Moderne, véritable révolution formelle et théorique à l’époque. Grâce à un comité de patronage prestigieux rassemblant, entre autres, Auguste Perret, Robert Mallet-Stevens ou encore Frantz Jourdain, et un réseau important de correspondants internationaux, la r***e s’impose comme référence tant en France qu’à l’étranger.
Les débuts sont hésitants : la maquette change presque tous les ans, oscillant entre sérieux et originalité. Jacques Nathan signe la majorité des couvertures, mais chaque contributeur est invité à dessiner la mise en page de son article. La spirale, utilisée dans les années 1930 pour se distinguer des autres, fait connaître L’Architecture d’Aujourd’hui, comme « la r***e à la reliure en spirale »
Reconstruire la France
La Seconde Guerre mondiale affecte considérablement L’Architecture d’Aujourd’hui : les membres de la rédaction se dispersent en zone libre, certains sont déportés. André Bloc se réfugie à Clermont-Ferrand et cède la r***e en 1940 à Georges Massé, architecte parisien, qui la rebaptise Techniques et Architecture, titre proposé par Auguste Perret.
À la fin de la guerre, André Bloc reprend la publication d’AA, ainsi que la maison d’édition du même nom. L’Architecture d’Aujourd’hui et Technique et Architecture coexistent désormais, malgré un conflit de propriété entre les deux hommes, qui durera jusqu’en 1947. Pierre Vago prend la direction du comité éditorial, qu’il dirigera jusqu’en 1975.
La r***e harmonise son discours aux efforts de reconstruction et s’ouvre à l’ingénierie, mais aussi au design, en privilégiant toujours un discours ouvert à l’international.
En 1945, en pleine Libération de Paris, le deuxième numéro de la reprise s’intitule « Solutions d’urgence ». Dans le contexte de la reconstruction, l’heure est à la recherche de solutions pratiques : AA s’intéresse de près à l’architecture industrialisée et préfabriquée. Parmi les contributeurs, Jean Prouvé est une figure incontournable du numéro. Sa formation de ferronnier lui a permis de mettre en place des maisons légères, faciles à monter et surtout, parfaitement adaptées aux préoccupations contemporaines.
En 10 ans, pas moins d’une quinzaine d’articles évoque le travail de Jean Prouvé, sans compter les publicités pour ses ateliers, qui parsèment les pages de la r***e.
Un esprit toujours plus ouvert
Après la disparition d’André Bloc en 1966, Marc Emery est nommé au poste de rédacteur en chef en 1968. Très marquée par les bouleversements sociaux et culturels de ces années, L’Architecture d’Aujourd’hui ouvre ses pages à d’autres disciplines universitaires : les recherches de Roland Barthes sur le langage, la sociologie de Guy Debord, la philosophie.
Les années 1960 voient l’émergence d’une architecture avant-gardiste et radicale, issue d’une nouvelle génération d’architectes. Structures gonflables, mobiles, utopiques, AA s’intéresse de près à ces expériences. Les premières recherches plastiques de Claude Parent, qui aboutiront un an plus t**d à la « fonction oblique », côtoient l’architecture écologique visionnaire de l’Italien Paolo Soleri. Les architectures nomades de Yona Friedman et Constant proposent des villes sur pilotis métalliques, capables de se mouvoir d’un pays à l’autre. En ces années 1960, AA est à l’image de son temps : hétéroclite et multidisciplinaire.
Une direction rebelle
En 1971, L’Architecture d’Aujourd’hui est vendue au groupe Technic-Union. Marguerite Bloc, v***e du fondateur d’AA, assure que cela ne « modifie en rien l’esprit de la r***e ». En 1973, Technic-Union devient une société indépendante, le groupe Expansion, qui éditera la r***e jusqu’en 1998.
En 1974, malgré les protestations de certains membres de la rédaction, Bernard Huet, chef de file de la réforme des Beaux-Arts de 1968, est nommé rédacteur en chef. Dans son premier éditorial, il paraphrase Charles Baudelaire pour prévenir le lecteur qu’AA deviendra le centre d’une « critique partiale, passionnée et politique ». Engagé dans les débats en cours sur la réforme de l’enseignement de l’architecture, Bernard Huet donne la parole à une nouvelle génération d’étudiants et de professeurs. Il renoue avec L’Architecture d’Aujourd’hui des années 1930 en réinstaurant les éditoriaux mensuels. Ceux-ci, parfois incisifs, sont l’occasion pour lui de prendre un véritable parti critique envers l’architecture contemporaine et donnent un souffle nouveau à la r***e.
En 1977, Bernard Huet signe son dernier numéro, intitulé « Formalisme – Réalisme ». S‘il quitte AA après seulement 3 années en tant que rédacteur en chef, c’est notamment à la suite de son éditorial du numéro de septembre-octobre 1975, « Requiem pour un Ordre ». Il s’agit d’une attaque directe à l’Ordre des Architectes français qu’il considère comme « aussi peu vénérable que respectable ». L’Ordre est scandalisé et intente un procès à AA pour diffamation. Bernard Huet est contraint de démissionner.
AA et l’éclectisme postmoderne
À la fin des années 1970, Marc Emery revient à la tête de la rédaction. AA se fait la vitrine des divers projets français en cours : les Halles, le Centre Pompidou, la bibliothèque François Mitterrand. Parallèlement à la scène française, AA publie de plus en plus de monographies, mettant au cœur de l’actualité une génération émergente d’architectes : Christian de Portzamparc, Venturi et Rausch, Renzo Piano, Frank Gehry, Jean Nouvel, entre autres.
En 1986, François Chaslin est nommé rédacteur en chef et la r***e accueille des contributeurs issus d’autres disciplines : des journalistes culture du Monde, d’Artstudio et Artforum alimentent des rubriques dédiées au design et à l’art contemporain. Les « Chroniques » de Claude Parent et les « Tribunes libres » de François Chaslin entretiennent un regard critique qui anime les pages d’ AA.
Sous la direction artistique de Brigitte Leroy et François Mutterer, la r***e change d’esprit graphique. Elle devient plus colorée, les formes géométriques rythment les numéros. En juin 1998, le groupe Expansion cède L’Architecture d’Aujourd’hui aux Éditions Jean-Michel Place.
La relance
En 2007, AA perd de son rayonnement et menace de disparaître, suite à la faillite des Éditions Jean-Michel Place. Jean Nouvel prend alors position pour faire revivre la r***e. Son appel sera entendu par l’architecte François Fontès et l’homme d’affaires Alexandre Allard, qui œuvrent pour créer Archipress & Associés, la nouvelle maison d’édition d’AA, en octobre 2008.
Le comité éditorial est formé en juin 2009. Né pour fédérer des personnalités qui assurent le rayonnement de la nouvelle AA, il compte parmi ses membres Shigeru Ban, Patrick Bouchain, Frank Gehry et Winy Maas, entre autres.
La relance de L’Architecture d’Aujourd’hui a permis de redéfinir ses enjeux, ceux d’une r***e qui s’ancre dans le XXIe siècle, tout en renouant avec l’esprit d’André Bloc. La ligne éditoriale s’attache à créer un espace libre, ouvert, nourri de disciplines connexes à l’architecture et de débats contemporains.
Après plusieurs mois de travail, le numéro 374 présente L’Architecture d’Aujourd’hui du XXIe siècle, « simple et complexe, singulière et plurielle », d’après Jean Nouvel qui signe l’avant-propos. La formule bilingue d’AA renouvelle les ambitions cosmopolites des premiers numéros et assure un rayonnement international à la plus ancienne r***e d’architecture existant encore aujourd’hui.