L'Aurore du Bourbonnais

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L'Aurore du Bourbonnais

L’Aurore du Bourbonnais Il privilégiera le niveau local et l’échelon européen. Hebdomadaire local depuis 1944, nous surestimons pas pour autant nos forces.

Sur douze pages et sous des rubriques bien identifiées nous voulons enrichir le paysage médiatique de l’Allier en tant que journal de réflexion. L’Aurore du Bourbonnais restera un lieu de publication pour des annonces légales. Elle ne cherchera pas à s’établir comme concurrent des grands quotidiens et hebdomadaires locaux qui rendent un services d’information indispensable pour les habitants de l’

Allier et leurs villes et villages. Elle rivalisera encore moins avec les grands hebdomadaires nationaux dont les mérites sont indiscutables pour le débat sur les grands enjeux nationaux, mais qui connaissent aussi la tendance fâcheuse de confondre Paris avec la France entière, l’Élysée avec le nombril du monde. Si L’Aurore du Bourbonnais paraît dorénavanti avec quatre pages de plus, une typographie plus lisible et des photos illustrant le propos d’un texte c’est pour amener les lecteurs et lectrices sur le chemin de la réflexion et du débat. L’analyse, la mise en perspective et le commentaire seront à leur disposition le samedi dimanche pour éclairer le quotidien de l’information. Le point de départ de l’Aurore restera inchangé. La pensée chrétienne bien cultivée restera pour ce journal un terreau riche et fertile.

07/02/2025

LA LONGUE DURÉE MÉDITERRANÉENNE

Éditorial n°3977

L’historien Fernand Braudel décrivait la Méditerranée comme un très vieux carrefour : « Depuis des millénaires tout a conflué vers elle, brouillant, enrichissant son histoire : homme, bêtes, voitures, marchandises, navires, idées, religions, arts de vivre. Et même les plantes. » Les derniers arrivés sont les extrêmes climatiques. À l’automne dernier, des inondations meurtrières ont ravagé un arc allant de l’Espagne aux Balkans et du Maroc à la Libye. Plus de 200 personnes ont été tuées à Valence en octobre, peu de temps après qu’un déluge a déversé cinq fois les précipitations habituelles du mois à travers l’Europe en une seule semaine. En France, les extrêmes climatiques se sont plutôt produits dans l’arrière-pays. Les pluies ont atteint 600 à 700 millimètres sur certaines zones du massif central comme l’Ardèche et les niveaux des nappes alluviales de la Loire et de l’Allier sont passés à la fin de l’année en situation localement haute à très haute. Selon Méteo France, les sols dans notre département étaient à la fin de l’année «inhabituellement voire exceptionnellement humides».

Toutefois, les zones côtières du bassin méditerranéen ont toujours été sujettes à des précipitations extrêmes, en particulier dans les endroits où se trouvent des montagnes proches de la mer. L’amplification du phénomène s’explique en partie par le fait que la région méditerranéenne se réchauffe 20% plus vite que la moyenne mondiale notamment parce que c’est une mer pratiquement fermée et, à mesure que la température de l’air augmente, sa capacité à retenir l’eau augmente également. Or, des modèles climatiques du programme Copernicus de l’Union européenne suggèrent que même si les fortes précipitations dans la région méditerranéenne s’intensifient, les précipitations moyennes diminueront. En d’autres termes, les zones sèches seront plus sèches, mais lorsque des pluies extrêmes arriveront, elles seront plus intenses, concentrées sur une grande partie de la population méditerranéenne. Fernand Braudel a développé le concept de la longue durée pour décrire des phénomènes extrêmement longs comme l’évolution des paysages et l’histoire de l’homme avec son milieu. Il se peut que nous nous trouvons à un tournant dans la longue durée méditerranéenne.

Stefan Lunte

31/01/2025

ANNIVERSAIRE DANS LA MOROSITÉ

ÉDITORIAL N°3976

Il y a 150 ans, le 1er février 1875, la Banque de France a ouvert à Moulins sa succursale pour le département Allier. Historiquement installée avenue de la République, elle a déménagé il y a quelques années à l’angle du cours Jean Jaures et l’avenue Théodore de Banville. Son rôle a bien évolué au cours des décennies. En collaborant avec le Trésor public, la Banque de France participait à centraliser les recettes de l’État et à transporter les pièces de monnaie en fonction des besoins à travers le pays. Aujourd’hui, elle joue un rôle dans la gestion des situations de surendettement, attribue des notes de santé financière aux entreprises locales et contribue à l’information générale sur des sujets de finances et de monnaie.

La Banque de France de l’Allier participe également à l’observation de la conjoncture économique dans notre département et compte tenu de l’évolution de cette conjoncture ses agents et responsables départementaux n’auront probablement pas trop envie de faire la fête, tellement l’ambiance économique pour notre département reste morose. En témoigne la dernière note de conjoncture économique de décembre de l’antenne Allier de l’agence Auvergne Rhône Alpes Entreprises.

Le chiffre d’affaires de nos entreprises est certes resté stable avec 7,6 milliards d’euros, mais en 2024 le Bourbonnais n’était pas un territoire dans lequel le monde économique a investi. Avec seulement cinquante millions d’euros, les investissements ont baissé de près de 4 % sur l’année, alors que la France et la Région Auvergne-Rhône-Alpes affichent des hausses de 1,6% et 0,5% respectivement. Avec 75130 salariés dans le secteur privé l’emploi a diminué au premier semestre 2024 de 0,7 %. Sur un an, nous avons perdu 710 postes, 550 dans le bassin de Montluçon et 280 dans celui de Moulins alors que le bassin de Vichy en a gagné 120. Quant aux secteurs d’activité, c’est celui du bâtiment qui affiche les plus grandes difficultés. Ainsi, en septembre 2024, la construction de logements neufs a baissé plus fortement dans l’Allier qu’au niveau régional avec -36,4 % sur un an.

Félicitations donc pour l’anniversaire de la succursale de la Banque de France dans l’Allier et inquiétude pour l’économie locale qu’elle doit servir.

Stefan Lunte

24/01/2025

GUERRE FROIDE 2.0

ÉDITORIAL N°3975

Depuis lundi, les États-Unis ont un nouveau président. Donald Trump a commencé son deuxième mandat. Les alliés européens s’interrogent sur la fermeté de l’engagement du partenaire outre-Atlantique à leur côté et le grand public s’inquiète de l’avenir de notre vieux continent en proie à une panne démographique et économique. Depuis la crise financière de 2008, l'Union européenne a stagné. En 14 ans, son PIB a augmenté seulement de 2,8%, contre une augmentation de 72% du PIB américain. L’Europe a décroché et, plus encore que lors de son premier mandat, l’attention de Donald Trump sera absorbée par le défi lancé par la Chine. D’autant plus que le président communiste Xi Jinping a lancé son pays dans une course pour la première place économique et politique mondiale. L’empire du milieu cherche à gagner la place centrale sur l’échiquier géopolitique et le défi lancé aux États-Unis est dorénavant d’une autre envergure.

Soutenue par l’espionnage massif de propriétés intellectuelles, d’énormes subventions gouvernementales et des marchés intérieurs fermés, la Chine progresse vers l’avant-garde mondiale de l’innovation dans au moins dix secteurs de pointe – dont les semi-conducteurs, la robotique, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique, l’espace et la chimie. Pour les véhicules électriques et l’énergie nucléaire commerciale, les entreprises chinoises sont désormais en tête. L’année dernière, la Chine a installé plus de robots industriels et elle compte désormais plus de centrales nucléaires en construction que le reste du monde réuni.

Confrontés à cette nouvelle donne, les États-Unis – avec ou sans Donald Trump – n’auront plus vraiment la tête ni l’envie d’assurer la défense du continent européen ni permettre l’importation de produits européens sans restriction sur son marché. Une nouvelle guerre froide a éclaté. Elle sera beaucoup plus difficile à mener que celle contre l’URSS car à l’époque personne dans le camp occidental n’avait besoin de voitures de production soviétique. Reste à espérer une prise de conscience rapide chez nos parlementaires et autres responsables politiques qui sont actuellement perdus dans leur jeu de billard à trois bandes.

Stefan Lunte

17/01/2025

FRANÇOIS PÉRON, BOURBONNAIS ET HÉROS DE LA SCIENCE

ÉDITORIAL N°3974

Le score français en culture scientifique a diminué de 6 points en 4 ans lors du dernier recensement de l’enquête PISA fin 2023. Avec un score à 487, la France se classe juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. Les pays de l’OCDE les plus performants en science sont le Japon, la Corée, l’Estonie, le Canada et la Finlande qui affichent un score moyen supérieur à 510 points. Les élèves de notre Bourbonnais ne feront certainement pas exception dans cette baisse générale.

C’est le moment opportun pour se rappeler la figure de François Péron. Ce grand Bourbonnais est né à Cérilly le 22 août 1775. En 1792, il s’engage et rejoint le corps des Volontaires de l’Allier à Moulins pour participer aux Guerres de la Révolution. De retour à Cérilly, il devint secrétaire de mairie, mais très vite il part à Paris pour commencer des études de médecine. C’est là, en 1800, qu’il apprend qu’une expédition scientifique pour les Terres australes doit partir du Havre. Il s’agit d’explorer des côtes inconnues, de découvrir de nouvelles terres, d’étudier le climat, les productions, la minéralogie, d’observer le caractère et les mœurs des indigènes. Seul zoologiste à bord d’un des deux navires – Le Géographe – il s’avère inlassable collecteur et excellent naturaliste. Sa collection atteindra plus de 100 000 spécimens, tous triés, décrits, classés. Avec plus de 2 500 espèces nouvelles, il double le nombre des espèces connues à l’époque et permet à la zoologie de combler les lacunes de la classification. À son retour en France, il publie ses travaux et le récit de cette expédition. À sa mort, le 14 décembre 1810 à Cérilly, il laisse de nombreux manuscrits.

François Péron est un héros de la science. Un parc national à l’ouest de l’Australie, une rue à Moulins et un chêne de la Forêt de Tronçais portent son nom. Il a son monument à Cérilly. À l’occasion du 250e anniversaire de sa naissance, le Conseil départemental pourrait créer une bourse à son nom pour des élèves et étudiants en science.

Stefan Lunte

10/01/2025

FÉMINICIDES

Éditorial n°3973

Les violences contre les femmes défraient les chroniques. Fin novembre de l’année dernière, un rapport européen indiquait qu’une femme sur trois avait subi une violence physique ou une menace de violence physique ou une violence sexuelle au cours de leur vie. Le taux est encore plus important en France, 34,5%, où la moitié des actes violents a été commis par les conjoints. L’Allier ne fait pas exception. Les taux de violences intrafamiliales et sexuelles en 2023 sont restés comparables aux taux nationaux et ils étaient – comme ailleurs – en forte hausse par rapport à 2022 : une augmentation de 19,2% pour les violences sexuelles et de 23,7 % pour les coups et blessures volontaires intrafamiliaux. C’est terrifiant d’autant plus qu’on n’en comprend pas encore les raisons.

À l’échelle mondiale, le bilan est encore plus lourd. Publié également en novembre dernier, un rapport des Nations Unies comprenant une estimation des féminicides dans le monde en 2023 est particulièrement accablant. Environ 51 100 femmes et filles ont été tuées à travers le monde par leur partenaire intime ou d’autres membres de leur famille en 2023. Partout dans le monde, les femmes et les filles continuent d’être concernées par cette forme extrême de violence sexiste et aucun continent n’est exclu.

Avec environ 21 700 victimes de féminicides soit par leurs partenaires intimes et soit par les membres de la famille en 2023, l’Afrique est la région qui compte le plus grand nombre de victimes. Même constat en pourcentage si l’on rapporte le nombre de victimes à la taille de la population avec 2,9 victimes pour 100000 habitants en 2023. Les Amériques et l’Océanie ont également enregistré des taux élevés de féminicides entre partenaires intimes et membres de la famille en 2023 avec respectivement 1,6 et 1,5 victimes pour 100 000 habitants, tandis que les taux étaient nettement inférieurs en Asie et en Europe, à 0,8 et 0,6 pour 100 000 habitants.

C’est la saison des vœux. Alors exprimons le vœu que le fléau mondial de la violence faite aux femmes puisse trouver une prise de conscience réelle et une réponse appropriée en 2025.

Stefan Lunte

20/12/2024

LE SAPIN DE NOËL : UN ARBRE HAUTEMENT SYMBOLIQUE...

L'Aurore du Bourbonnais n°3970

En voudra-t-on à la ville de Sélestat en Alsace de s’être autoproclamée berceau du sapin de Noël ? Certes non, puisque sa célèbre Bibliothèque Humaniste (restaurée) détient à ce jour la toute première mention écrite en 1521 qui fait référence à cet arbre de Noël. D’autres suivront en ce XVIe siècle.

Ainsi en 1546, on apprend que deux ouvriers sont chargés de frayer un chemin pour accéder à ces arbres alors appelés « mais » ou « Meyen » avant de les couper. En 1555, la Ville de Sélestat cherche à canaliser cette coutume afin d’éviter les abus. En 1557, il est fait état de payer les gardes -forestiers pour surveiller les « mais » avant Noël.

Enfin, Bathalzar Beck, échanson de la ville de Sélestat laisse un témoignage sur la façon dont l’arbre de Noël était dressé en 1600 dans la salle commune de l’Hôtel de Ville de Sélestat.

D’autres témoignages sur cette tradition ont également été retrouvés à Kaysersberg, Turckheim, Ammerschwihr ou Strasbourg. Tradition païenne depuis la nuit des temps : les familles chrétiennes vont remplacer les branchages par de jeunes arbres que l’on décore de petites pommes rouges aujourd’hui encore appelées « Christkindler », symbole du fruit défendu rappelant Adam et Ève dans le jardin de la Genèse.

Au XVIe siècle, ces arbres gagnent les parvis des églises et se parent non seulement des petites pommes rouges, mais aussi d’hosties (non consacrées) appelées « oublies », partageant l’arbre verticalement en deux, symbole de la rédemption apportée par le Sauveur (cf. fresque de la chapelle du lycée de Haguenau XVe siècle).

C’est la tradition protestante qui, dès la fin du XVIe siècle, fera évoluer le décor avec des fleurs en papier multicolores exprimant les versets bibliques ou Isaïe prophétise « le rameau jaillissant de la racine de Jessé », inscrivant ainsi la filiation du Rédempteur dans cette tradition.

Les siècles suivants s’éloignant des références chrétiennes apporteront chacun leurs décors variés, des anges et des étoiles de métal doré comme pointe jusqu’aux noix argentées, aux étoiles magiques ou aux friandises (les fameux petits gâteaux « bredele » !).

Et les boules de Noël ? L’historien raconte ceci : « En 1858, selon l’histoire, la nature fut avare. Une grande sécheresse priva les habitants des Vosges du nord de nombreux fruits dont la pomme. Un artisan, expert dans l’art du verre soufflé et à l’imagination créatrice, décida d’imiter ce que la nature n’avait pas donné. Et de son travail allaient naître de magnifiques fruits étincelants. La boule de Noël était née... »
Et c’est après la guerre de 1870 que cette tradition du sapin de Noël se généralisa par les Alsaciens ayant fait le choix de la France.

Ce sapin de Noël n’est-il pas à lui tout seul un beau symbole de fraternité dans une continuité de traditions qui s’épousent, se conjuguent pour un émerveillement de toutes les générations, une pause paisible dans une espérance à cultiver, une Lumière à partager ?

Christiane Keller

13/12/2024

LE CENTRE-DROIT EN CINQ CITATIONS

Éditorial n°3969

Le 7 décembre à l'Assemblée nationale, une journée d'étude a été consacrée à Jacques Barrot, décédé subitement il y a dix ans, le 3 décembre 2014. Élu local, député national, ministre et commissaire européen, cette figure de la Haute-Loire était également très attachée à l'Allier et un lecteur assidu de notre journal. Éminente personnalité du Centre droit français, l'Auvergnat Barrot avait comme compagnon de route le Breton Méhaignerie. L'ancien député et ministre du centre droit Pierre Méhaignerie, présent lors de cette journée, a prononcé un très beau discours sur la personnalité de son ami et les fondements intellectuels du courant du centre-droit en France. Selon lui, cinq philosophes modernes constituent les sources de ce courant : Alexis de Tocqueville, Emmanuel Mounier, Raymond Aron, John Rawls et Joseph Schumpeter. Une citation-clef de chacun de ces maîtres de pensée pourrait permettre d'en comprendre les contours.

Emmanuel Mounier, fondateur du personnalisme, définit le fondement : « Le spirituel commande le politique et l'économique. » Alexis de Tocqueville rappelle un principe de base de plus grande actualité : « Dans toute démocratie le peuple a le gouvernement qu'il mérite. » Raymond Aron souligne la valeur de la modération et le refus des excès : « Si la tolérance naît du doute, qu'on enseigne à douter des modèles et des utopies, à récuser les prophètes du salut, les annonciateurs de catastrophes. Appelons de nos vœux la venue des sceptiques s'ils doivent éteindre le fanatisme. » Selon l'Américain John Rawls, grand penseur du libéralisme politique, un régime politique libéral ou « structure de base devrait autoriser les inégalités aussi longtemps qu'elles améliorent la situation de tous, y compris des plus désavantagés, et à condition qu'elles soient compatibles avec la liberté égale pour tous et une juste égalité des chances. » Et enfin Joseph Schumpeter, l'Américain d'origine tchèque, met en exergue le rôle de l'entrepreneur dans l'économie « Le rôle de l'entrepreneur consiste à réformer ou à révolutionner la routine de production en exploitant une invention ou, plus généralement, une possibilité technique inédite. »

Stefan Lunte

06/12/2024

LA SÉRENDIPITÉ DU PROFESSEUR TALLON

Éditorial n°3968

Ce week-end a lieu la réouverture de la cathédrale Notre-Dame et lundi la messe de la fête de l’Immaculée Conception y sera à nouveau célébrée. On doit la reconstruction et rénovation complète de l’édifice à d’innombrables artisans, ingénieurs, scientifiques et donateurs. On se permet ici d’en rappeler un qu’on a bien connu car il s’agit d’Andrew Tallon, professeur agrégé américain d'art médiéval au Vassar College dans l’État de New York aux États-Unis, malheureusement disparu il y a six ans. Cet historien de l’architecture était un grand amoureux du Bourbonnais et avait pris des racines familiales chez nous. Entre 2006 et 2012, il avait soigneusement scanné la cathédrale Notre-Dame grâce aux technologies laser. Sans pouvoir imaginer la catastrophe du feu dévorant l’édifice en 2019, ses recherches ont eu des conséquences inattendues et ô combien bienvenues. En effet, les travaux du professeur Tallon ont été une aide fondamentale pour la reconstruction de la cathédrale.

On pourrait citer aussi les deux étudiants en architecture qui avaient dessiné en 2014 des plans détaillés de la « forêt » de Notre Dame, sa charpente monumentale, ou encore le fait que les seize statues de la flèche avaient été déposées quatre jours avant l’incendie en vue d’une grande restauration pour en tirer une grande leçon de vie. Nos gestes peuvent avoir des conséquences inattendues, parfois négatives mais souvent aussi très positives comme dans les cas décrits ci-dessus. Ce sont des conséquences dues au hasard ou disons plutôt à la providence. Un mot dernièrement devenu à la mode pour décrire ce phénomène est « sérendipité ». Ce mot d’origine anglaise désigne à la fois « la faculté de faire des trouvailles par hasard, la réalité de ces découvertes ainsi que le dispositif les rendant possibles ». Andrew Tallon était un féru de technologies modernes et un amoureux du patrimoine bâti dont il cherchait une meilleure compréhension. Il ne voulait pas dessiner les plans de Notre-Dame en vue de sa reconstruction. Et pourtant, heureusement pour nous tous qu’il les a faits.

Stefan Lunte

29/11/2024

MERCOSUR ET COMMERCE INTERNATIONAL

Éditorial n°3967

Ces jours-ci, il est beaucoup question de l‘accord commercial que l’Union européenne a négocié avec les pays du Mercosur en Amérique latine. Les agriculteurs français ont manifesté leur opposition dans les rues. Six cent parlementaires nationaux, issus de différents groupes politiques, ont écrit à la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour la convaincre de ne pas ouvrir le processus de ratification et le premier ministre Michel Barnier lui a signalé lors d’un entretien que la France ne signera pas l’accord en l’état.
On manque ici d’espace et d’expertise pour se permettre un jugement définitif. Cependant, l’importation de près 100 000 tonnes de viande bovine de très bonne qualité a le potentiel de casser les prix, même si ce volume représente seulement une petite fraction des 6,5 millions de tonnes consommées en 2022. Il est évident aussi que l’utilisation d’hormones et d’antibiotiques comme facteur de croissance dans les élevages d’Amérique Latine et la présence de pesticides dans la viande importée posent de vraies questions de cohérence politique à l’échelle européenne. Impossible d’écarter ces injustices pour les éleveurs et dangers pour les consommateurs européens avec le seul argument d’un bénéfice potentiel pour l’industrie européenne. Il faut donc espérer que les termes de l’accord pourront encore être nuancés.
Quelle que soit toutefois l’issue de la négociation en cours le commerce international dans son ensemble risque d'en pâtir pour une autre raison. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis pourrait renforcer le protectionnisme à l’échelle mondiale. Selon le dernier rapport annuel de l’Organisation Mondiale du Commerce à Genève, une entrave substantielle au commerce international serait une mauvaise nouvelle pour les pays les plus pauvres et leurs habitants : « Depuis 30 ans, le monde a connu une période de croissance et de convergence des revenus sans précédent. Entre 1995 et 2023, le revenu mondial par habitant a augmenté d’environ 65 %, tandis que le revenu par habitant des pays à revenu faible et intermédiaire a presque triplé. Cette croissance économique est dû en grande partie à l’expansion rapide du commerce international.»

Stefan Lunte

15/11/2024

L’IMPASSE

ÉDITORIAL N°3965

En juin des élections législatives anticipées se sont tenues suite à la dissolution décrétée par le Président de la République. Le résultat est une assemblée tripartite sans majorité absolue pour le gouvernement de Michel Barnier. Début septembre le gouvernement minoritaire au Canada a perdu son principal allié de coalition et le premier ministre Justin Trudeau apparaît aujourd’hui très affaibli. Lors des élections anticipées du 27 octobre au Japon, la coalition au pouvoir composée du Parti libéral-démocrate (PLD) et du Nouveau Komeito a perdu la majorité qu'elle détenait depuis les élections de 2012. La politique japonaise est entrée dans une période d’incertitude et les jours au pouvoir du Premier ministre Ishiba semblent comptés. En Allemagne des élections anticipées sont programmées pour le 23 février après la chute du gouvernement tricolore le 6 novembre. Un nouveau gouvernement Labour a été élu au Royaume-Uni le 4 juillet avec une majorité écrasante mais déjà 60 % de la population désapprouvent l’action gouvernementale et l’annonce de 40 milliards de livres, essentiellement prélevés sur des entreprises, risque de minorer les perspectives d’une crois- sance économique pourtant si nécessaire. Lundi dernier la présidente du conseil italien Giorgia Meloni a dû encaisser un nouveau revers juridique pour sa politique migratoire qui se trouve pourtant au cœur de son programme. Enfin, le 6 novembre, les Américains ont élu Donald Trump pour un second mandat mais il ne prendra les rênes du pays qu’à la date de son investiture du 20 janvier laissant un pays de plus en situation de « gestion des affaires courantes » en cette fin 2024.

Bref, tous ces éléments se conjuguent et produisent une situation inédite. Jamais depuis son existence les G7, le groupe des sept plus puissantes démocraties – à l’exception de l’Inde – s’est trouvé autant perturbé et affaibli qu’en cette fin d’année 2024. Il faut craindre que les historiens retiennent cette période plus t**d comme le symbole d’une rupture à l’échelle mondiale avec les valeurs démocratiques. Cependant, un espoir est toujours permis : celui que le monde et ses peuples se ressaisissent.

Stefan Lunte

08/11/2024

CRISE DU LOGEMENT

Le logement en France connaît une crise profonde. 4,2 millions de personnes ne sont pas logées ou le sont mal. Au total 12,1 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement, plus d’un million de personnes vivent dans un habitat indigne, 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement social, 330 000 personnes sont sans domicile, etc. Ces chiffres proviennent du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre qui cherche à alerter les élus sur l’urgence de la situation. Ceci étant, la problématique n’est pas partout la même et la pression sur le marché immobilier dépend beaucoup de la densité de population. Il est logique qu’à Paris les logements soient plus chers et plus rares qu’en Lozère. Le taux de logements vacants est bien moindre en région parisienne comparé au reste de la France.
Ainsi l’Allier, notre département, affiche un taux de logements vacants de 14,9% alors que pour la France entière il est de 8,2%. Seule la Creuse connaît un taux encore plus important avec 15,9 % en France métropolitaine. Les départements juste au-dessus de l’Allier sont la Nièvre avec 14 %, l’Indre avec 13,3 % et le Cher avec 12,9 %. On a déjà pu évoquer dans cette colonne et ailleurs les similarités entre ces cinq départements qui forment le cœur géographique de la France et qui suggèrent la mise en place d’une communauté de réflexions et d’actions.

Ce n’est pas parce que nous avons un taux de vacances élevé que nous ne sommes pas affectés par la crise du secteur. Non, la problématique se situe ailleurs. Ainsi, le parc de logements chez nous est souvent vieillissant et nécessite des travaux de rénovation en profondeur, notamment pour satisfaire aux exigences en termes d’isolation thermique. Pour adapter la France aux contraintes écologiques, la facture s’élèverait à la somme incroyable de 1 000 milliards d’euros sur vingt-cinq ans. Pour les cinq départements du cœur de la France ce serait environ 20 milliards d’euros. Où les trouver ? Comment attirer l’investissement privé et public chez nous ? La crise du logement chez nous se traduit par ces questions.

Stefan Lunte

01/11/2024

Cœur, cœur, cœur

Le 24 octobre 2024 le Pape François a publié sa lettre encyclique Dilexit Nos. Le titre veut dire Il nous a aimé. « Voyant comment les nouvelles guerres se succèdent avec la complicité, la tolérance ou l’indifférence d’autres pays, ou de simples luttes de pouvoir autour d’intérêts partisans, nous sommes en droit de penser que la société mondiale est en train de perdre son cœur » (n°22) observe le Pape au début de ce long texte qu’on peut considérer comme son testament spirituel. La technologie moderne ne permettra pas de compenser cette perte et il faudrait plutôt aller chercher dans ses souvenirs d’enfance pour en trouver une trace : «À l’ère de l’intelligence artificielle, nous ne pouvons pas oublier que la poésie et l’amour sont nécessaires pour sauver l’homme. Ce qu’aucun algorithme ne pourra jamais prendre en compte, c’est, par exemple, ce temps de l’enfance dont nous nous souvenons avec tendresse et qui continue à se produire aux quatre coins de la planète, même si les années passent» (n°20). Après cette introduction, le Pape développe une réflexion théologique très détaillée sur le mot cœur, les acceptions du terme, l’évolution du culte du Sacré Cœur de Jésus et les révélations reçues au XVIIe siècle à Paray-Le-Monial par la Sœur Visitandine sainte Marguerite Marie Alacoque y tiennent une belle part.

Le dessin du Pape au travers cet argumentaire est de redonner une nouvelle vie à ce culte dans un monde où « tout s’achète et se paie, et il semble que le sens même de la dignité dépende de ce que l’on peut obtenir par le pouvoir de l’argent. » « Nous sommes pressés d’accumuler, de consommer et de nous distraire, prisonniers d’un système dégradant qui ne nous permet pas de voir au-delà de nos besoins immédiats et mesquins». Alors le Pape affirme « que l’amour du Christ est en dehors de cet engrenage pervers et Lui seul peut nous libérer de cette fièvre où il n’y a plus de place pour un amour gratuit (n°218). » Il nous encourage à changer nos attitudes ou – en langage “sms” – cœur, cœur, cœur.

Stefan Lunte

25/10/2024

AU TERME DE SOUCCOT

ÉDITORIAL N°3962

Le rapport annuel de la Commission européenne sur les efforts pour combattre l’antisémitisme dans l’Union européenne du 14 octobre dernier a mis en relief l’incroyable augmentation d’actes antisémites en Europe depuis le 7 octobre 2023 lorsque les terroristes du Hamas ont attaqué Israël. Il est question de menaces et d’actes de violence sans précédent. « La vie quotidienne des Juifs en Europe a été profondément impactée», écrit la Commission. «Face à une montée sans précédent des discours de haine et des incidents violents, les mesures de sécurité ont dû être considérablement renforcées et les manifestations publiques de la vie juive ont été gravement perturbées. Une telle intimidation ne constitue pas seulement une menace pour la sécurité. Elle constitue une menace pour les valeurs de l’UE et pour la démocratie.»

Il s’agit de bombardements incendiaires de synagogues, d’attaques physiques contre des personnes, maisons, restaurants et magasins juifs. Partout en Europe, des monuments de l’Holocauste ont été défigurés par de fausses comparaisons entre juifs et n***s, banalisant ainsi la Shoah.

Le rapport détaille que «la France, qui abrite la plus grande communauté juive d'Europe, a connu une explosion des incidents antisémites enregistrés après le 7 octobre ». Avec un total de 1 676 incidents en 2023 (4,5 incidents par jour), cela a entraîné une multiplication par trois par rapport à l'année précédente. Aux Pays-Bas, les incidents enregistrés ont été multipliés par huit. En Autriche, ils ont quadruplé au cours des derniers mois de 2023. En Allemagne, un tiers des incidents haineux enregistrés par l'Office fédéral de police criminelle était de nature antisémite, affectant de manière disproportionnée la communauté juive, qui ne représente qu'environ 0,25% de la population. Enfin, concernant l’antisémitisme en ligne, une note publiée par la Commission européenne a montré une recrudescence des contenus de discours de haine en ligne après le 7 octobre 2023, plus de 10 % sur X (ex-Twitter).

Dans notre Bourbonnais, la vie juive est réduite mais la communauté israélite de Vichy et ses environs réunit environ quatre-vingts familles avec un quart de pratiquants. Elle fait partie de nous. Ce vendredi s’est terminée la fête juive de Souccot, qui célèbre la valeur de l’hospitalité et du partage. Elle doit tous nous inspirer pour combattre l’antisémitisme

Stefan Lunte

18/10/2024

LA PLAIE DE LA FAIM

Éditorial n°3961

733 millions de personnes ont été confrontées à la faim en 2023. Soit 1 personne sur 11 dans le monde et 1 personne sur 5 en Afrique, selon le dernier rapport sur l’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde (SOFI) publié en juillet par cinq agences des Nations Unies. Le monde est loin d’atteindre l’objectif de développement durable (ODD) n°2 «Zéro Faim». Au contraire, le rapport montre que le monde a reculé de 15 ans, avec des niveaux de sous-alimentation comparables à ceux de 2008-2009. La semaine dernière cette tendance a été confirmée par une nouvelle étude de l’organisation non lucrative allemande «Welthungerhilfe». L’organisation dresse un tableau sombre avec seulement quelques points positifs. Selon un indice de la faim dans le monde, les pénuries alimentaires ont augmenté dans 22 pays depuis 2016, et la lutte contre la faim sont largement au point mort dans 20 autres pays. Les taux de faim les plus élevés se trouvent en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. La situation est actuellement particulièrement critique au Soudan.

Analysant la situation alimentaire dans 136 pays la « Welthungerhilfe » a de plus constaté que les plus touchées par l’insécurité alimentaire et les conséquences du changement climatique sont les femmes et les filles. De plus, dans certains pays, ces crises ont coïncidé avec d’autres crises telles que des conflits armés et une dette nationale élevée. Dans cette situation les quelques exemples positifs – le Mozambique et le Népal ont amélioré leur valeur d’indice d’environ 30 % depuis 2016 et le Bangladesh, la Mongolie et le Togo ont également progressé – restent des exceptions.

Répétons aussi les mots du pape François adressés en début de l’année au corps diplomatique accrédité auprès du Saint Siège : « Pour avoir la paix, il faut extirper à la racine les causes des guerres et en premier la faim, une plaie qui frappe encore des régions entières de la Terre, alors qu’ailleurs ont lieu des gaspillages alimentaires énormes.»

Stefan Lunte

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