29/03/2024
LA GRAVE ALLÉGRESSE DE PÂQUES
L'Aurore du Bourbonnais n°3932
« Ô Mort, où est ta victoire ? ». Cette interrogation de Paul dans sa première lettre aux Corinthiens (1 Co 15,55) pourrait sembler une évidence pour les chrétiens alors que nous fêtons Pâques, alors que celui qui était dans le tombeau n’a pas été retenu dans la mort.
Mais n’est-ce pas une forme d’inconscience voire de provocation de proclamer que la vie est plus forte que la mort ? Nous le savons, ce qui est au cœur et à la source de la foi chrétienne, n’a pas été sans difficultés même pour les disciples après la mort de Jésus. Les récits de la résurrection pointent cette incapacité à croire ce qui était annoncé, à reconnaître Celui qui est vivant. Ainsi qu’en est-il de Marie-Madeleine dans l’Évangile de Jean (« Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre » Jn 20,15), mais aussi des disciples qui font route vers Emmaüs dans l’Évangile de Luc. « Comme votre cœur est lent à croire... » (Lc 24,25). Cette lenteur, cette absence d’intelligence pointées par le Ressuscité semblent devoir se répéter pour nous encore.
Il peut sembler que « la vie n’est pas aimée » pour faire écho à ce cri de tristesse attribué à saint François d’Assise. Comment affirmer en effet que la vie le serait quand on décide de la nier ou de lui dénuer de la valeur ? Comment promouvoir, encourager l’aide à mourir sans amoindrir la valeur de toute vie? Comment inscrire comme un droit l’atteinte à la vie en son commencement sans méconnaître que celle-ci est d’abord un don ? Le Christ, tout au long de son ministère public n’a eu de cesse de redon- ner de la vie à ceux qui en semblaient privés et comme déjà morts. Il remet debout les paralysés, réintègre les lépreux, redonne de la dignité aux pêcheurs. « Là où il passait, il faisait le bien » (Ac 10,38), là où il passait, il donnait la vie. Il ne s’agit pas de poser un jugement moral sur telle ou telle décision, mais de redire combien la vie est précieuse, parce que toute vie est sortie du tombeau avec le Christ.
Comme chrétiens, nous sommes appelés à être des artisans, des promoteurs de vie, parce que nous recevons notre vie du Christ. Marie-Madeleine et les femmes,
Pierre et Jean et tous les apôtres, Cléophas et son compagnon, les foules, tous étaient morts. Tous par la rencontre de Jésus, par cette vie reliée au Ressuscité, tous sont vivants. Nous sommes vivants parce qu’en fêtant la Résurrection du Seigneur, nous savons que nous sommes associés à sa vie. Le renouvellement des promesses de notre baptême dans la nuit de Pâques vient nous rappeler que nous avons été plongés dans la mort et la résurrection de Jésus (cf. Rm 6,3-5 et Col 2,12).
La vie chrétienne est une vie qui n’a du sens qu’en relation avec le Jésus et avec Jésus mort et ressuscité, avec le Christ qui nous offre sa vie. C’est ainsi qu’il me semble nécessaire de com- prendre l’insistance tant du pape Benoît XVI : « Nous avons cru à l’amour de Dieu : c’est ainsi que le chrétien peut exprimer le choix fondamental de sa vie. À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Deus caritas est n°1), que du pape François : « La joie de l’Évangile rem- plit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libé- rés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours » (Evangelii Gaudium n°1).
Nous sommes alors des témoins d’une vie qui nous dépassera toujours, une vie donnée et reçue, une vie de grâce. C’est un émerveillement devant nos propres vies, parfois porteuses de fragilité et de mort, mais éga- lement devant la vie des autres, plus particulièrement celles qui nous semblent le moins aimables.
Voilà l’espérance, la « grave allé- gresse », selon le très beau titre d’un ouvrage du Père François Potez, qui nous porte. Il y a une joie incomparable à nous savoir vivants de la vie que Dieu a voulu nous donner en Jésus, mais aussi une responsabilité, une gravité à accueillir cette vie, à en prendre soin et à témoigner de
Celui qui en est l’origine.
AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement auprès de Dieu.
C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ;
la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.
Jn 1,1-5
P. Jean-Philippe Morin Vicaire général du diocèse de Moulins