24/02/2024
"Stella et l'Amérique" de Joseph Incardona (Finitude, 214 p., 21 €).
"Stella et l'Amérique", le dernier livre paru de Joseph Incardona est un sacré roman qui oscille, avec humour et distance, entre un film des frères Coen et la Bible, entre un défilé d'images bariolées et le lent tissage d'un longue parabole.
Incardona est ambidextre, il jongle avec brio et douce ironie entre ces deux pôles narratifs, celui du Mal absolu, comme dans les meilleurs polars, et celui du Bien, qui cherche à remettre un peu d'ordre dans un cosmos échevelé.
C'est un "road movie" tendre et désespéré qui raconte comment une jeune pu**in innocente de 19 ans, Stella Thibodeaux, guérit avec son sexe et ses talents de prostituée toute une noria d'éclopés en Géorgie (Amérique du Nord), telle Marie-Madeleine, au grand dam du Vatican qui veut bien de ses miracles, mais pas du curriculum vitæ de cette Vierge inversée, il faut en faire une martyr et réecrire son CV !
Alors le récit prend la route du Sud, brûlant comme le désir de chair, et déploie une brochette de personnages de cinéma ou de polar "hard boiled", aux trousses ou à la rescousse de la jeune personne : deux jumeaux tueurs à gage, les frères Bronski, un prêtre ancien Navy Seal bien enfouraillé, un journaliste en quête d'un possible (?) Pulitzer, une vieille voyante Santa Muerte et son aussi vieil amant Tarzan, tout droits sortis de "Freaks".
L'auteur s'amuse (et nous amuse) avec les clichés, les situations romanesques et filmique et nous entraîne dans un maëlstrom jouissifs de clins d'œil culturels qu'il transfigure, pour notre plus grande joie, avec beaucoup de bonheur et de plaisir d'écriture, intervenant même à la première personne dans son récit.
Incardona est un maestro qui jongle avec les ressorts les plus fins de la narration textuelle et iconographique, un Gutenberg qui aurait mis le pied à Hollywoodien.
"Stella et l'Amérique", son roman picaresque, est un pur régal de lecture !
Philippe Olivier.