07/04/2024
Le 7 avril 1803 naissait la femme de lettres et militante politique française Flora Tristan, qui fut une des pionnières des droits des travailleurs et des femmes dans les années 1830-1840.
Née à Paris, elle était la fille d’un aristocrate péruvien qui mourut dès son enfance et grandit dans la pauvreté puisque le mariage de ses parents n’avait pas été régularisé et leur empêchait donc de percevoir son important héritage. Elle commença ainsi à travailler comme ouvrière coloriste. Mariée de force à son patron à dix-sept ans, elle lui donna plusieurs enfants - dont l'un est la mère de Paul Gauguin (1848-1903) - et avait une vie particulièrement difficile aux côtés de cet homme violent à une époque où les femmes ne pouvaient pas divorcer d'elles-mêmes et « appartenaient » à leur mari en vertu du rétrograde Code civil de Napoléon. Elle finit donc par s'enfuir en 1828.
Jeune femme indépendante, Flora Tristán y Moscoso effectua plusieurs voyages - Pérou, Royaume-Uni - qui façonnèrent ses engagements face à ces sociétés patriarcales et capitalistes qui écrasaient - et écrasent toujours - les femmes et les travailleurs. Elle consacra, dès lors, sa vie à défendre leurs droits et ses réflexions pionnières dans « Pérégrinations d'une paria » (1838) et « Promenades dans Londres » (1840), fruits de ses observations sur le terrain, furent remarquées. Le milieu du XIXe siècle était alors marqué par le développement de plusieurs théories socialistes pré-marxistes - socialisme utopique - qui défendaient une vision plus égalitaire de la société et qui posèrent les bases du mouvement socialiste, pionnier de la défense de la classe ouvrière.
En France, Flora Tristan côtoyait alors les premiers milieux socialistes et féministes qui l'avaient influencé comme en témoigne son premier ouvrage, « Nécessité de faire un bon accueil aux femmes étrangères » (1835), où elle se faisait la voix des exclus et prônait l'entraide parmi les femmes à travers les principes d'une association qui était destinée à venir au secours des femmes seules. Sa pensée présentait d'ailleurs la particularité de lier l'émancipation des femmes à celle des travailleurs, ce qui n'allait pas forcément de soi pour une bonne partie des militants socialistes. La condition féminine ne fit, en effet, partie intégrante des questions sociales au sein de ce mouvement que depuis la publication de « La Femme et le socialisme » (1878) d'August Bebel (1840-1913).
Mais ses engagements étaient mal vus et elle faillit être assassinée par son mari qui l'avait retrouvé et qui lui avait tiré dessus en 1838. Elle ne bénéficiait, en outre, que de peu de soutien. Cela ne l'empêcha pas de continuer à développer sa pensée et d'être une des premières à prôner l'entraide des travailleurs afin de défendre leurs intérêts communs dans son ouvrage « L'Union ouvrière » (1843) alors que les premières formes de syndicat voyaient le jour dans les années 1830. C'est d'ailleurs à elle que l'on doit le célèbre slogan communiste « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » qui fut repris par Marx et Engels dans leur théorisation de la lutte des classes. Elle reste ainsi une pionnière de cette vision internationaliste du mouvement ouvrier qui prit finalement forme avec l'Association internationale des travailleurs (AIT), première de ce type en 1864.
Par la suite, elle se lança dans un tour de France pour rencontrer des ouvriers et ouvrières, mais mourut d’une fièvre typhoïde dès 1844 à l'âge de 41 ans. Ses notes furent publiées à titre posthume sous le titre « Le Tour de France : état actuel de la classe ouvrière sous l'aspect moral, intellectuel, matériel » (1973). Une statue fut érigée en sa mémoire à Bordeaux, mais elle fut longtemps oubliée au sein du mouvement ouvrier et son rôle pionnier ne refit surface qu'à partir des années