01/02/2024
Pour ceux qui rêvent de vacances dépaysantes :
Cyclades
MYKONOS – DELOS – NAXOS – SANTORIN
Ce n’était pas un voyage d’opportunité, déclenché par un effet d’aubaine lié à la situation actuelle dans d’autres pays plus agités.
Nous étions trois couples, animés depuis une dizaine d’années par le désir de visiter ces endroits mythiques, berceaux de la civilisation. En effet, il s’agit du pays de poètes comme Homère ou Eschyle, de philosophes comme Platon ou Socrate, ou encore de scientifiques comme Thalès, Euclide, Archimède ou Pythagore, ou enfin de conquérants comme Alexandre le Grand. Finalement, ce pays peu peuplé a donné naissance à une des plus grandes civilisations. A croire que ce ne sont pas les densités mais les grands hommes qui font la renommée des peuples !
Nous ne voulions pas d’une croisière à bord d’une barre d’immeuble de douze étages, flottante, ou des contraintes du voyage organisé, avec visites et photos obligatoires au coup de sifflet.
Par le truchement d’une agence spécialisée dans les voyages à la carte, dont nous avions déjà utilisé les services l’année dernière pour une visite au Portugal, nous sommes partis dix jours au mois de juin, pour éviter la cohue des mois d’été. Ici, pas de problème de langue : tout le monde baragouine, plus ou moins, l’anglais. Comme nous.
Atterrissage à Mykonos, la plus au nord des iles visitées, et début du contact avec ces iles enchanteresses par leurs baies sur la Méditerranée et leur végétation luxuriante. Comme on le constatera, par la suite, la capitale de l’ile porte le même nom que cette dernière, mais est désignée par le complément « Hora ». Ces iles sont toutes escarpées et les villages sont souvent juchés en hauteur, avec une citadelle (Kastro) dominante. Ce n’est pas le cas ici, où c’est le port qui a généré l’urbanisation. La conseillère de l’agence m’avait prévenu : « vous connaissez le Maghreb ? Et bien Mykonos c’est une médina ! ». Et elle a raison : dans un dédale incroyable de rues étroites, les boutiques et les restaurants sont à touche-touche. Sur la colline escarpée, gravie à pied, de magnifiques petits hôtels et des maisons colorées, dans les tons de blanc et bleu majoritairement, mais aussi d’autres teintes pastel, avec des jardins en espaliers, nous permettent de prendre contact avec l’habitat local. Celui-ci est très carré ou rectangulaire, avec des terrasses et des coupoles. Partout des petites chapelles, couronnées de dômes, d’un bleu soutenu ou d’un rouge-brique, marquent l’appartenance au monde orthodoxe. En effet, jusqu’en l’an 2.000, l’indication de religion figurait sur les cartes d’identité nationales grecques avec la mention, obligatoire, « orthodoxe ». Des réminiscences se réveillent en moi : je suis né le jour de Noël et c’était, aussi, le cas du pope Grigoris, dans le film « celui qui doit mourir » dont l’action se déroulait dans ce pays, et qui devait subir une nouvelle passion (au sens de celle du Christ) à cause de cette date de naissance. Cela m’a marqué toutes mes années d’adolescence.
Eh bien, à Mykonos (Hora), ce n’est plus du tout comme ça ! C’est devenu le paradis des couples homosexuels qui animent les nuits chaudes de la petite ville. C’est aussi celui des pélicans roses (mais oui ! je n’avais rien fumé !) apprivoisés, que l’on rencontre surtout dans le quartier de la petite Venise, qui doit son nom à une forte présence vénitienne, bien des siècles après la présence phénicienne (vous avez remarqué la proximité de consonances, et de méthode d’entrée en relations par des comptoirs commerciaux ?).
L’ile est petite, mais recèle une foule de petits villages typiques, à visiter, et des plages agréables, malgré le peu de finesse du sable et les galets omniprésents. Cela tombait bien : on n’était pas venus pour se baigner et bronzer, malgré le temps superbe qui a illuminé tout notre séjour. Il faut noter, néanmoins et à ce chapitre, que ces iles sont marquées par un régime de vents soutenus et réguliers de secteur nord, qui chassent la brume levée par l’évaporation importante due au soleil et à la température. La mer, très claire, est d’un bleu intense, mais n’est pas très chaude en cette saison (eh oui ! on s’est quand même baignés). La propreté des villes et villages est sans faille. Et dès qu’une peinture se ternit une nouvelle couche vient, aussitôt, la raviver. La chaux est très utilisée pour ses vertus aseptisantes, et le résultat est un régal pour l’œil. On ne s’en lasse pas.
Juste à côté, à moins d’une heure de bateau, l’ile de Délos est la seule, dans les Cyclades, à avoir conservé des vestiges architecturaux de l’Antiquité. C’était le centre des iles qui gravitaient autour, d’où leur nom (Cyclades), et le siège de l’Alliance grecque pendant des siècles. C’était, surtout, le site sur lequel avaient été élevés les temples d’Apollon (dieu de la lumière du jour) et de sa sœur jumelle Artémis (déesse de la lumière de la nuit), les plus visités dans l’Antiquité. Ce lieu est un des plus ensoleillés de la planète (en nombre d’heures) et une légende prétend que l’ile est fixée au fond de l’eau sur des piliers en diamant. Et que c’est la raison pour laquelle elle est à l’abri des tremblements de terre qui agitent régulièrement celles alentour, formant un cercle dont elle est le centre en tournant autour. La réalité est plus prosaïque : elle n’est pas située sur les lignes de fractures qui sillonnent les fonds marins environnants. Néanmoins, son destin brillant et accueillant, puisque tous les dieux, égyptiens, phéniciens ou autres, avaient droit de cité sur l’ile, fut tragique à cause des soldats de Mithridate qui en exterminèrent les habitants (d’où le nom de mithridatisation), durant une nuit en 88 avant notre ère. Elle est quasi inhabitée depuis, sauf par les archéologues français de l’école d’Athènes qui essaient de réhabiliter le site avec les vestiges qui n’ont pas été pillés entre temps.
Un voyage rapide, en hydroglisseur, nous emmena ensuite à Naxos. Cette ile est la plus vaste des Cyclades. Mais elle n’est pas la plus peuplée, ni la plus touristique. Les ressources agricoles, ou les matières premières tirées du sol, permettent aux habitants de s’affranchir de la tutelle pacifique des envahisseurs internationaux estivants, et c’est une des raisons qui nous l’avaient fait choisir pour notre périple. Nous n’avons pas été déçus par ce contact avec la vraie vie des Grecs, dans leurs difficultés économiques. L’ile révèle, par ailleurs, de jolis petits villages très typiques, accrochés à flanc de montagne, et des criques désertes et ravissantes. Le clou de notre séjour nous attendait à notre retour à «Hora », avec un concert nocturne de bouzouki (instrument à cordes proche du oud arabe ou du luth occidental), agrémenté de danses folkloriques, sur les remparts du Kastro dominant le port. Il était animé par un duc, descendant d’un croisé français mais arrivé avec les Vénitiens, qui offrait les alcools, en open bar, pour une ambiance magistrale aux parfums de concert privé. La douceur, associée à la moiteur odorante et à la pénombre propice aux émotions, créaient un instant d’une intensité rare.
Un nouvel hydroglisseur nous conduisit à Santorin, l’ile mythique survivante d’une des plus grandes catastrophes de l’Histoire géologique, par l’explosion gigantesque du volcan ayant provoqué un raz-de-marée auquel la légende attribue la disparition de l’Atlantide. On peut voir aujourd’hui, très nettement, les terres émergentes organisées de manière circulaire autour du Volcano encore actif, placé au centre, et du cratère englouti par la mer, appelé Caldera. Les fonds y atteignent jusqu’à 800 mètres. Sur l’ile principale, Santorin, les villages de Fira et d’Oyia, sont haut perchés. Pour des raisons de sécurité (relative) évidentes. L’ascension du volcan, qu’on ne peut gagner que par bateau, est un moment excitant et prenant, mais réservé aux bons marcheurs. De même que le bain dans les eaux chaudes et sulfureuses, réservé aux bons nageurs car le bateau ne peut aborder trop près du volcan et que le courant des sources chaudes est relativement fort.
Les villages sont pittoresques et leurs allures de paysages de carte postale apparaissent factices, de même que la photo du coucher de soleil (Sunset) obligatoire à Oyia. Il faut voir à quel point est ridicule l’amas de touristes agglutinés, appareils photos en bandoulière, attendant patiemment que l’astre disparaisse dans les eaux.
Un résumé philosophique de la condition humaine, finalement.
Croyance de la pérennité dans le règne de l’éphémère…