05/02/2024
Quelques jours a Santa Clara, la ville délivrée par Ernesto Che Guevara et le lieu de son mausolée. Le révolutionnaire marxiste internationaliste, véritable héros pour de nombreux mouvements politiques dans le monde, est aussi devenu une icône mythique. La malléabilité du visage barbu coiffé d’un béret a autorisé toutes les exploitations, y compris les plus provocatrices, comme l’association de son effigie aux symboles du capitalisme américain. La preuve est faite à nouveau : aucun personnage exceptionnel ne maîtrise l’usage (le détournement, l’instrumentalisation) que l’on fait de ses actes ou de son image, surtout après sa mort. Le Che suscite aussi la controverse, d’autant plus facilement que le Che fut intransigeant et mystérieux, extrêmement radical dans son engagement politique. Le héros des uns devient un terroriste pour les autres, comme en témoignent les innombrables biographies passionnelles du Comandante. Dans la construction du mythe guevariste, la photographie a joué un rôle décisif et paradoxal : communiste athée, on l’identifie par une image christique universellement connue. Le portrait pris en 1960 par Alberto Korda, emblématique du Guerillero héroico, fut utilisé massivement à partir de 1967 : simplifié, décliné en affiches, posters, tee-shirts puis détourné en pochettes de disques, publicités, etc. Destin iconique étrange pour un homme qui, à la tête de la Banque centrale de Cuba, caressait l’idée de réduire le rôle du capital et de la monnaie dans l’économie. La mise en scène de sa mort dans la jungle bolivienne par la CIA l’a propulsé au rang de martyr. La diffusion de ces images célébrissimes se développe après la mort de Che Guevara dont le culte grandit non seulement à Cuba mais aussi, dès 1968, auprès de la jeunesse occidentale. L’image du Che s’est affranchie du personnage réel et poursuit sa vie propre puisqu’après avoir incarné une idée de la révolution, elle inspire aussi bien la rébellion que l’univers de la consommation.