13/11/2021
Cameroun : le malaise persiste sur le projet Camvert.
Malgré les assurances données par les pouvoirs publics et le staff-management de cette société, des spécialistes de la protection de l’environnement évoquent des conséquences catastrophiques sur le plan local et sous-régional au cas où l’initiative est maintenue.
Les lignes n’ont pas bougé au Cameroun pour de nombreuses organisations de la société civile concernant le projet Camvert. C’est le cas de Greenpeace Afrique et du Service d’Appui aux Initiatives Locales (Saild) qui demandent soit son annulation pure et simple, soit alors une forte réduction de sa superficie.
Pour Ranece Jovial Ndjeudja, responsable campagne forêt chez Greenpeace Afrique, ce projet est fortement décrié : « Camvert est une entreprise qui entend développer une plantation de palmiers à huile sur 60 000 hectares de forêts. Un tel projet est problématique pour plusieurs raisons. La perte du couvert forestier de la zone visée par l’entreprise, ce qui est en contradiction avec les engagements du Cameroun en matière de lutte contre les changements climatiques, dont les forêts constituent l’un des axes stratégiques. Il y a aussi la menace sur la biodiversité de la zone du fait de la proximité avec le parc national de Campo Ma’an dont la faune utilise l’espace de la zone en question comme corridor de circulation. Ceci inclut une augmentation potentielle des conflits homme-faune qui est déjà d’ailleurs visible » affirme-il.
Il reproche également à la Camvert d’agir dans l’illégalité. « Une procédure a certes été entamée avec notamment ce décret du Premier ministre déclassant et affectant 60 000 hectares dans l’Ufa 09 025 pour un projet de plantation de palmeraie. Mais ce décret ne représente qu’une étape, Et ne donne pas droit à l’entreprise de couper des milliers d’hectares de forêt comme c’est le cas aujourd’hui. Et en réalité, c’est au Président de la république du Cameroun d’autoriser formellement un tel projet quel que ce soit le cadre dans lequel on s’inscrit. Ce qui n’est pas le cas, en nous fiant aux informations à notre disposition » indique-il.
Des conflits hommes-faune exacerbés par le projet Camvert
D’après Ghislain Fomou, Chargé de Programme au Saild, cette initiative va apporter non seulement des conséquences indéniables dans l’environnement local de Campo, mais aussi dans celui du Cameroun et du monde entier : « La déforestation des 60 000 hectares va apporter des conséquences énormes. Enorme parce que ce n’est pas le premier projet du genre dans la zone. Avant celui-ci l’on a eu le projet du port en eau profonde de Kribi, qui a avalé une importante superficie de forêt. Sans oublier Hevecam, le barrage de Mevemlé et la Socapalm de Kienké qui ont aussi englouti d’importantes superficies de forêt. Ces 60 000 hectares de forêt constituent en fait le refuge d’un ensemble d’animaux de la faune qui a été poussé par ces différents projets vers cette zone. C’est tout ce ensemble là avec l’UFA 09 025 qui constituaient en fait le complexe de conservation de Campo Ma’an. ». Affirme t-il.
D’après lui, cette déforestation va entraîner une perte indescriptible de la biodiversité faunique, qui se fait déjà ressentir avec l’exploitation d’à peu près 2500 hectares par Camvert. « Ce qui se passe aujourd’hui, c’est qu’on a des animaux qui se retrouvent en quelque sorte piégés entre les habitations des communautés, et l’espace qui a été défriché. Ces derniers jours, on observe beaucoup plus de conflits hommes-faune dans la zone. Il y’avait aussi ces conflits avant certes, mais cela c’est exacerbé aujourd’hui du fait de ce projet qui va entraîne le braconnage à outrance. D’abord par mesure de protection des populations, mais également parce que cette déforestation va ouvrir les forêts et favoriser l’accès aux braconniers » précise t-il.
Des conséquences néfastes sur le climat.
D’un autre côté, l’on s’achemine vers une perte totale de la diversité floristique de la zone à cause de la coupe rase de la forêt qui sera faite. Ce qui aura les conséquences directes si le projet est maintenu. « Ceci va entraîner un niveau d’émissions de CO2 plus important, et une élévation de température de plus de 2 degrés » préviens Ghislain Fomou.
Fort de tous ces arguments et bien d’autres, Greenpeace Afrique a produit un communiqué de presse le 27 Octobre dernier pour exiger l’annulation de ce projet par le gouvernement camerounais.
Du côté des pouvoirs publics, l’on ne se semble pas encore appréhender la situation de la même façon, la confiance donnée à cette entreprise semble intacte même si officieusement, l’on trouve que les 60 000 hectares octroyés initialement aient été exagérés. Pour le maire de Campo Ipoua Robert Olivier, la société Camvert a donné des garanties formelles qu’elle est en train de respecter sur le terrain.
Selon Bobo Mamoudou le responsable du projet Camvert, c’est un faux procès que les organisations de la société civile font à son entreprise sur la déforestation : « notre plan de développement est programmatique, Camvert envisage mettre en place progressivement sa plantation. La première année ce sera 500 hectares, la deuxième 3500 hectares, et par la suite 5000 hectares annuellement. Une évaluation pourra être faite après chaque année pour voir si Camvert n’a pas respecté ses engagements environnementaux » s’est-il exprimé récemment chez des confrères d’Africa 24.
Irénée Modeste Bidima