10/07/2022
ÉTUDE SUR L'IMPORTANCE DES FORÊTS SACRÉES DANS LA PRÉSERVATION DE L'ÉCOSYSTÈME NATUREL.
Une forêt sacrée est un bosquet d'arbres recelant une importance sacrée pour une population particulière. Ce caractère sacré peut être dû à la religion ou simplement à la culture.
Généralement de petites superficies, les forêts sacrées sont maintenues dans des zones où n'existent souvent plus depuis longtemps des forêts. Les bois sacrés existent depuis longtemps, sur la sphère terrestre. Chez les Sénoufo du nord de la Côte d'Ivoire le « bois sacré », ou « Sizang » en Senoufo renvoie à deux réalités : au sens propre, il désigne une petite forêt dense ou clairsemée, généralement située à proximité immédiate des villages. Son nombre et sa superficie varient en fonction de la densité de la population et de la forme de l’agglomération. Celles-ci sont vénérées par les populations et très respectées, du fait de leur caractère sacré. Toutefois leur gestion est réglementée par des pouvoirs dits traditionnels et répond de ce fait à un fonctionnement particulier, en marge de celui des forêts classiques.
L'approche religieuse est prépondérante dans le fonctionnement du bois sacré. Chez les Senoufo, la forêt sacrée rime avec l'initiation au "Poro". Le poro est un rite initiatique d'une durée de 21 ans, divisée en cycle de 7ans. Cette initiation est adressée prioritairement aux hommes et accessoirement aux femmes. Le '' bois sacré '' rime avec le poro. Il est le lieu d'expression de toutes les manifestations culturelles et religieuses. Il est le sanctuaire qui protège les masques sacrés, les génies, les ancêtres, et de ce fait le bois sacré comporte très peu d'empreintes humaines.
Le poro répond dès lors à un certain nombre de règlements très stricts, et comme toute loi tout manquement y est irrémédiablement sanctionné par le chef du bois sacré.
En Côte d'Ivoire, il existe deux types de forêts à l'instar des forêts classiques : les forêts classées et les forêts sacrées. Les forêts classées sont régies et gérées par l'état. Toutefois, les agressions contre ces forêts sont omniprésentes sous le regard souvent complice et impuissant des autorités. Contrairement à l'hémorragie constante des forêts classées, les forêts dites sacrées sont demeurées intactes. Il convient de se demander comment puisqu'elles ne bénéficient d'aucune protection juridique particulière. Les réponses à ce questionnement sont dans le mot '' sacré '', qui est d'abord le caractère de tout ce qui est interdit aux hommes et ensuite le caractère de tout ce qui appartient au surnaturel. Les contes et légendes ont permis de renforcer la peur et le respect des populations sur ces forêts. S'ajoutent à cela les interdictions faites par les gardiens de la tradition. Ce sont entre autres l'interdiction formelle d'y couper du bois frais, des fruits, de chasser des animaux en gestation et ou de pêcher,de commercialiser les plantes médicinales qui en sont issues ou d'y faire un champ.
Aussi, les forêts sacrées sont un patrimoine collectif. Elles appartiennent aux ancêtres en général et à aucune lignée en particulier. Ce non-droit à la terre la protège de toute ambition capitaliste. L'on ne peut y revendiquer une quelconque propriété. L'obligation de respecter les forêts sacrées est commune : elle impacte aussi bien les autochtones, les allogenes, les autorités villageoises et étatiques. Elles sont la preuve que les autorités traditionnelles avaient leur propre stratégie de protection de l'environnement bien avant l'arrivée des colons.
Le système de sacralisation des forêts a notamment permis de préserver de nombreuses espèces d'arbres en voie d'extinction. C'est l'exemple de certains grands arbres tels que '' Terminalia superba'' préservées dans certaines forêts sacrées togolaises, n' existant plus nulle part d'autre dans la flore du pays. En Côte d'Ivoire, une étude sur la diversité floristique de la forêt sacrée de Bokasso, à l'est du pays, révèle la même chose. 13 espèces de fleurs y ont été découvertes, mais sont citées comme rares et menacées d’extinction de la flore ivoirienne.
Ces aires protégées participent également à la protection d'espèces animales. Elles sont pourvues la plupart du temps de grands arbres, qui constituent des repères et des habitats pour ces espèces animales.
De plus, en considérant le phénomène de la photosynthèse, la présence de ces forêts en plein milieu de certaines villes constituent pour celles ci un purgatoire naturel d'air. En effet, la journée les plantes respirent le carbone toxique et rejettent l'oxygène. Tout en absorbant le dioxyde de carbone, ces grands arbres favorisent également la formation de masses nuageuses. Elles pourraient être une alternative fiable contre le réchauffement climatique et la désertification précoce.
Le système des forêts sacrées démontre à quel point nos ancêtres avaient compris et anticipé la préservation de l'écosystème naturel. Ce système vieux de plusieurs centaines d'années, se révèle aujourd'hui l'un des plus efficaces. Malheureusement, il est de plus en plus menacé par les hommes, à la recherche de terres neuves, habitables et cultivables. Cette menace est le signal même de la perte identitaire d'africains, qui se jouent du '' sacré ''. Pour y remédier, il nous faudra beaucoup de sensibilisation, de reinformation et une bonne dose d'espoir !
Fait à korhogo, le 26 Mai 2022.
Analyse réalisée et produite par Djiré Mawa, en partenariat avec la radio locale Satellite Fm.