12/09/2024
Un mot de Michel Lacroix sur Sainte-Angèle des Trois-Rivières.
« Je dois remercier chaleureusement Simon-Pierre Beaudet de m'avoir recommandé de lire _Sainte Angèle des Trois-Rivières_ de Frédéric Mercure Jolette, et à la gang de Moult Éditions pour l'avoir publié. Sans le conseil de Simon-Pierre, je suis presque certain que je n'aurais pas remarqué l'ouvrage (surtout que c'était au Salon du livre, lieu où l'attention est attirée par tant de livre, que le vertige guette). [NDLR : c'était bien à Expozine !]
Or, j'en sors ému par le très touchant et sobre portrait de sa grand-mère que nous offre l'auteur, admiratif par la maîtrise d'un récit de filiation porté par des interrogations subjectives et sociales. Par la capacité à reconstituer des pans précis, concrets et complexes des vies ordinaires, _Sainte Angèle des Trois-Rivières_ m'a fait penser à _La Colline qui travaille_ de Philippe Manevy.
Raconter la vie d'une personne qui s'est constamment effacée derrière les autres, fondue dans les soins donnés, une vie sans éclat, ne va pas de soi, malgré les diverses explorations littéraires ou historiques de ce côté, et Mercure Jolette s'en tire avec élégance et retenue.
Pour réfléchir à la vie d'Angèle, il s'appuie sur l'oeuvre de Simone de Beauvoir, d'abord de façon plus théorique, constamment ajustée aux éléments du récit, puis la boucle se crée entre la vie d'Angèle et celle de Simone, toutes deux se rejoignant dans une éthique semblable, imperméable à tout apitoiement, toute esquisse de plainte.
On y voit aussi passer les oeuvres de Mélissa Grégoire et de Martine Delvaux, par le biais de leurs portraits de grand-mères, et cela donne une belle série de figures, à travers desquelles filiations, histoire et questions de genre sont repensées.
Simon-Pierre avait raison, je n'ai pas pu ne pas penser tout du long à Cécile, ma chère grand-mère, à Claire aussi, souvent en enviant Mercure Jolette pour l'histoire sociale qu'il déploie, que je regrette de n'avoir pas exploré davantage, mais je me console en pensant que Cécile pourra éventuellement être lue à la lumière d'Angèle, et que leurs figures aideront à faire revivre une partie de la culture québécoise, et tout ceci me rappelle que je n'ai pas encore lu _Les Filles de Jeanne_, d'Andrée Lévesque, autre série que j'anticipe magnifique de femmes ordinaires, anonymes, donc extraordinaires. »