11/30/2024
LANGUE GBAYA
Le Peuple,
Entre opportunités et menaces, faisons des débats utiles et progressistes. La langue gbaya, patrimoine culturel et identitaire multiséculaire du peuple éponyme en Afrique centrale, est confrontée à une menace croissante : celle d'être absorbée et phagocytée par des langues dominantes telles que le français, l'anglais, le sango et le fulfuldé. Cette observation pertinente et préoccupante nécessite une mobilisation certe urgente, mais réfléchie et nuancée, afin de revitaliser une langue qui incarne l'âme et l'histoire d'un peuple tout entier. Il faut examiner la chose en profondeur afin d'éviter une essentialisation linguistique et un fétichisme culturel.
1. L'érosion graduelle de la langue
Une langue est une entité vivante, comme tout ce qui vit, elle peut également périr. Cette vérité basique s'applique avec acuité à toutes les langues, donc le gbaya. En effet, la vie quotidienne des locuteurs gbaya est caractérisée par une cohabitation linguistique complexe. Dans les établissements scolaires, les administrations et même au sein des foyers, le français et l'anglais se distinguent en tant que langues de prestige et d'utilité. Le fulfuldé, en tant que langue véhiculaire régionale, a également une influence significative dans les échanges commerciaux et sociaux. Dans ce contexte de bouleversement linguistique, le gbaya tend à se marginaliser progressivement, considéré comme une langue « traditionnelle » et, par conséquent, jugée moins pertinente dans un monde globalisé. Cependant, cette marginalisation n'est pas inéluctable. L'histoire a démontré que la revitalisation des langues est possible, à condition que les efforts entrepris soient cohérents et intégrés dans le tissu culturel et social.
2. L'art, un levier crucial pour la préservation et la promotion
C'est précisément là que se trouve la clé : il s'agit de créer, de produire et d'inonder le quotidien de productions en langue gbaya. L'exemple de Gbadomo Beloko constitue une source d'inspiration. À travers ses écrits, ses chants et son théâtre, il a démontré que la langue gbaya pouvait servir non seulement d'outil de communication, mais également de vecteur de création, d'émotion et de revendication identitaire. De nos jours, des artistes et hommes de culture tels que Paul Sore (Olawen/poésie), Sélangai, Dah Valex, Andreas Mokeramboe etc. continuent de mener ce combat en intégrant la langue gbaya dans leurs créations, démontrant ainsi que la culture a le pouvoir de transcender les barrières et d'insuffler une nouvelle vitalité à une langue menacée. Les arts constituent une arme puissante. Chanter en gbaya, rédiger des romans, des poèmes et des pièces de théâtre dans cette langue, réaliser des films et créer des fresques qui en illustrent les récits constituent des moyens tangibles de promouvoir, de transmettre et de rendre la langue visible à un large public. Ces actes de création ont une double signification : ils réaffirment la valeur intrinsèque de la langue tout en facilitant son apprentissage et son utilisation. Les réseaux sociaux constituent un outil complémentaire, mais ne doivent pas être considérés comme une fin en soi.
De nombreuses personnes estiment que la dénonciation sporadique de la disparition du gbaya sur les réseaux sociaux suffira à inverser la tendance. Cependant, ces actions, bien qu'importantes pour sensibiliser, n'entraînent pas de changement durable si elles ne sont pas assorties d'initiatives concrètes. La langue doit être expérimentée au quotidien, dans la vie réelle, et non seulement dans le cadre virtuel. Les réseaux sociaux peuvent constituer une plateforme de diffusion des œuvres et des initiatives en gbaya, mais ils ne doivent pas remplacer des actions concrètes.
Il faut féliciter les artistes gbaya et hommes de cultures (Paul Yadji Sore, Aoudou Alim Zalazulu, Selangai Adiza Esther Soumai Ngaemona, Wantia Gomsé Andreas Mokeramboe Nàaziim Sayeh Nazim, Benito Alfred Boanerges Touroukou et bien d'autres que j'oublie) qui sont en cette époque les derniers remparts de cette langue. Le travail que fait est exceptionnel avec son leader Joseph Kombo que je salue. Bien entendu, il faut ariver au niveau où nous rédigeons la science en gbaya. Tout ceci exige l'implication d'une masse critique dans cette oeuvre. Ne critiquez pas simplement, engageons nous avec les oeuvres concrètes.
3. Les emprunts linguistiques : sont-ce une richesse ou plutôt une menace
Il est essentiel de noter que les emprunts linguistiques ne représentent pas une menace pour le gbaya. Au contraire, ils ont la capacité d'enrichir la langue et de la rendre plus dynamique. Toutes les langues du monde, y compris celles jugées puissantes de nos jours, ont assimilé des mots et des concepts d'origine étrangère. Le gbaya n'échappe pas à cette règle. Ces emprunts, au lieu de l'affaiblir, lui permettent de s'adapter aux réalités contemporaines et de satisfaire les besoins d'expression de ses locuteurs.
4. Prenons nos responsabilités et produisons dans notre langue
La préservation de la langue gbaya constitue une responsabilité collective. Il ne s'agit pas uniquement de la conserver en tant que relique du passé, mais de la dynamiser, de la moderniser et de l'intégrer dans le présent. Que chacun contribue : écrivains, musiciens, artistes, enseignants, parents. Chaque mot chanté, écrit ou prononcé en gbaya constitue une victoire contre l'oubli. C'est en rassemblant nos efforts autour de la création et de la transmission que nous parviendrons à métamorphoser cette langue en danger en une langue dynamique, éclatante et empreinte de fierté. La langue gbaya ne constitue pas un vestige, mais représente un avenir à bâtir.
Bon weekend
Elias Banese Betare
Gbatagoulang !
Be Ngam !