
11/23/2024
En chute libre dans les sondages, le gouvernement Legault s’en prend à une cible facile, les personnes immigrantes et les demandeurs d'asile. Facile, car c'est une population vulnérable et surtout sans voix au chapitre, qui en définitive ne pourra pas sanctionner la CAQ dans les urnes. En les désignant comme boucs émissaires, le gouvernement peut ainsi nier son rôle et sa responsabilité pour ses propres inactions, négligences et erreurs en matière de logement, d'itinérance, dans le secteur santé et de l'éducation.
À cet effet, le Premier ministre François Legault affirmait en juin dernier : « 100% du problème de logement vient de l’augmentation du nombre d’immigrants temporaires ».
Il a même souhaité lors de son voyage en France que le gouvernement fédéral s'inspire des pires pratiques européennes en demandant l'implantation en sol canadien de camps de rétention : « Nous, ce qu’on a demandé à Ottawa, c’est de s’inspirer entre autres de la France parce que là, actuellement, on a 160 000 demandeurs d’asile.[…] Et plus que le tiers, 40 %, des demandeurs d’asile ne parlent pas français et s’installent à Montréal, alors qu’il y a déjà un déclin du français à Montréal. Est-ce qu’il y a une possibilité de les déménager dans d’autres zones ? » Le devoir
Il faut être "cheap" en osti pour mettre sur le dos des personnes immigrantes une crise du logement, qui rappelons-le existait bien avant la récente hausse de l’immigration temporaire. Cette crise s'est accélérée depuis 2022. C'est un phénomène multifactoriel qui selon le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), résulte principalement de : l'encadrement insuffisant du marché locatif ; du déficit de construction de logements sociaux sur les 30 dernières années ; d'une réglementation laxiste concernant l'hébergement de courte durée, comme avec Airbnb ; de la financiarisation du logement et de l'absence de programmes dédiés aux logements étudiants. En somme, du marché et de sa soi-disant main invisible.
À les écouter, l'immigration serait responsable de tous les maux.
Depuis longtemps, le Premier ministre Legault pointe l'immigration comme "la grande responsable de tous les maux". À la dernière élection, il avait dû s’excuser après avoir fait des amalgames entre l'immigration, la violence et à l'extrémisme et suggéré que l’immigration pouvait menacer la paix sociale au Québec.
Son ministre de l’Éducation, et ancien ministre péquiste Bernard Drainville, affirmait pour sa part que les retards dans l’implantation des classes de maternelle 4 ans étaient causés par l’arrivée d’immigrant·e·s temporaires.
Le gouvernement affirmait également que le tiers de la pénurie de personnel en santé et la moitié du manque d’enseignant·e·s qualifié·e·s au Québec découlent « de la présence des immigrants temporaires ».
Anne Plourde, chercheuse à l'IRIS, a souligné le côté ironique de la situation : "le gouvernement blâme la hausse de l’immigration temporaire pour la pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans les services publics. Mais cette augmentation, nous rappelle la chercheuse, est en partie le résultat des pressions exercées à partir de 2021 par le gouvernement Legault lui-même auprès du gouvernement fédéral pour qu’il facilite l’immigration temporaire. Elle est aussi le fruit de ses propres efforts de recrutement à l’étranger, démarches qui visent justement à contrer… la pénurie de main-d’œuvre, notamment dans les services publics".
Désigner des "faux responsables", titiller la fibre identitaire et nationaliste permet à l'évidence de remonter dans les sondages (voir le PQ), mais surtout d’occulter le creusement des inégalités et de dédouaner les véritables responsables: l'État et cette minorité de possédants qui exploite la majorité des gens. Nous ne sommes pas arrivé-e-s au bout de cette surenchère nationaliste, identitaire et populiste entre les péquistes et les caquistes. Après que les péquistes aient proposé (attention sarcasme) "de contrer la dévitalisation des régions et des villages" avec des robots, le gouvernement caquiste annonce pour sa part le gel des nouvelles demandes dans le Programme de l'expérience québécoise (PEQ) jusqu'au printemps prochain. Les prochaines années risquent d’être très difficiles. Nous n’avons pas fini d’entendre les discours sur notre soi-disant « capacité d’accueil ». Au grand dam de ceux et celles qui fuient les bombes, la violence, la faim et les catastrophes environnmentales. Les personnes poussées sur les routes migratoires demeurent les principales victimes de la division internationale, de l’accès au travail, aux richesses, aux ressources, mais aussi de l’exposition aux nuisances écologiques.
Il est plus impératif que jamais de lier et faire converger les luttes environnementales et celles contre le capitalisme, le racisme et le colonialisme.