02/01/2025
Chronique : Quand le silence nourrit le chaos
Le Bénin d’aujourd’hui semble s’être éloigné de l’idéal républicain qui jadis faisait sa fierté. Non pas tant à cause de ceux qui s’enivrent de leurs méfaits, mais bien davantage à cause de ceux qui, dans une inaction complice, regardent et laissent faire. Comme une huile perfide sur un feu qui crépite, ce silence endort les consciences et alimente les dérives.
La méchanceté élevée au rang de vertu sociale
Ce n’est pas un hasard si la méchanceté s’est érigée en choix d’or, en étendard que brandissent ceux qui, dans leur cupidité, sacrifient la tranquillité sociale sur l’autel du népotisme, du despotisme, de la gabegie et de la xénophobie. Ces maux, devenus des piliers structurels, gangrènent la société et précipitent une inflation effrénée des biens de première nécessité.
Prenons pour illustration l’inexplicable augmentation des prix du pain et de l’huile, symboles de subsistance pour des millions de familles. À chaque hausse, c’est une famille supplémentaire qui sombre dans l’indigence. Et pourtant, nul sursaut d’indignation ne vient troubler le ballet tranquille des puissants qui détournent leur regard, préférant s’adonner à des festins d’arrogance.
La société, jadis fondée sur la solidarité et l’équité, courbe aujourd’hui l’échine devant les nouveaux maîtres du cynisme. Là où autrefois l'on tendait la main à son voisin, on voit désormais les visages se détourner, les cœurs se fermer, comme si l’effondrement de l’autre était devenu le spectacle du jour.
L’exclusion organisée : une arme politique
Dans cette valse macabre, la gouvernance actuelle s’est habilement armée de l’exclusion. Ceux qui portent des voix contraires, qui osent défier l’opinion dominante, sont relégués aux marges, broyés par un système qui glorifie l’allégeance aveugle et punit la contradiction éclairée.
La convergence vers l’exclusion de 95 % de la population n’émeut plus les décideurs. Au contraire, elle semble être la condition sine qua non de leur emprise sur le pouvoir. Les avis dissidents, au lieu d’être perçus comme une richesse démocratique, sont perçus comme des menaces à éradiquer. Et dans ce désert de pluralité, la pensée unique règne, tranchante et implacable.
Un exemple éloquent réside dans la gestion des ressources naturelles. Alors que des voix s’élèvent pour dénoncer la privatisation sauvage des terres agricoles au profit de multinationales, les décideurs, sourds à toute critique, persistent dans une logique d’accaparement. Les paysans, dépossédés, deviennent des étrangers sur leurs propres sols, tandis que les profits s’envolent vers des horizons lointains.
Le rôle du silence dans l’effondrement collectif
Mais ce drame n’est pas uniquement l’œuvre des puissants. Il est aussi le fruit amer d’un silence collectif, d’un mutisme qui devient un allié précieux pour les oppresseurs. Ce silence, qu’il soit dicté par la peur ou par une indifférence croissante, est le terreau fertile où prospèrent les injustices.
L’indignation, autrefois vivante et vibrante, s’est transformée en murmure à peine audible. Les citoyens, fatigués ou résignés, regardent le navire couler sans même tenter de réparer les voiles. Et pourtant, comme le disait Martin Luther King, "ce qui effraie ce n’est pas tant la violence des méchants que le silence des bons."
L’espoir d’une rédemption collective
Tout n’est cependant pas perdu. L’histoire nous enseigne que les nations qui frôlent l’abîme peuvent, dans un ultime sursaut, retrouver leur dignité et leur équilibre. Mais ce réveil ne viendra pas d’un miracle. Il devra être arraché de haute lutte, porté par des citoyens déterminés à refuser l’inacceptable.
Le Bénin doit redevenir ce phare de valeurs où la méchanceté n’est plus célébrée, où le népotisme et la gabegie ne sont plus des règles, mais des exceptions sanctionnées avec fermeté. Cela passe par une éducation refondée sur l’éveil des consciences, par une justice qui ne tremble pas devant les puissants, et par un engagement citoyen qui refuse de se complaire dans l’ombre.
Car au final, une nation ne se sauve pas dans le silence. Elle se sauve dans le tumulte de ceux qui osent rêver, parler, et agir pour un avenir meilleur. Que ce cri soit entendu, et que le Bénin, dans un sursaut de lucidité, retrouve le chemin de la grandeur.