04/10/2024
Ô Prix, quand tu nous tiens…
Je n’aimerais pas être à la place des éditeurs pendant ces instants-ci. J’imagine la pression qui pèse lourd sur leurs épaules depuis le 12 septembre, date à laquelle l’Adac a ouvert les Grands Prix littéraires du Bénin. Depuis ce jour, et certainement bien avant même, les éditeurs font l’objet d’une cour assidue de la part de leurs écrivains. Tous veulent aller au Prix. Et les appels et les visites se multiplient chez l’éditeur, le suppliant, promesses aux lèvres pour certains, de leur trouver une place sur la liste de ses ‘jokers’. Une place tout court, quelque infime soit-elle. Mais ce qu’ils ignorent, ou feignent d’ignorer, l’éditeur n’a qu’au plus trois places sur la liste des candidats. On présente alors à l’éditeur toutes les chances qu’a son livre de remporter cette édition… On lui propose d’éditer, dans la foulée, tel manuscrit qu’on a hâtivement rédigé depuis le lancement du prix… On lui demande même de rééditer tel autre livre qui a été préalablement publié ailleurs et qui n’a pas eu de chance chez le premier éditeur.
Certains éditeurs désirent ardemment profiter de la situation pour ce faire quelques milliers de francs. Vu la pauvreté de leurs catalogues, ils proposent aux jeunes auteurs de publier chez eux, leur garantissant de les envoyer au Prix. Et ceux-ci remuent ciel et terre, parcourent monts et vallées, pour réunir les billets demandés pour voir leur texte édité. Certains même, face à la situation, organisent des collectes de fonds, une sorte de téléthon, brandissant comme argument la promesse de l’éditeur de les envoyer au Prix.
Chez chaque auteur, tout se passe comme si cette année, c’est leur tour. Comme s’il suffisait de participer au Prix pour gagner. Comme si quelqu’un, là-bas, dans le secret des dieux, leur a soufflé que les 5 millions dorment paisiblement dans les caisses, estampillés à leur nom. Je les comprends, on n’a que cette seule messe pour célébrer la littérature. Ce n’est donc pas leur faute.
Nous subissons aussi cette pression depuis un mois, chacun de nos auteurs désirant faire partie du joyeux trio candidat. Malheureusement, nous n’avons jamais cédé aux pressions, et ce n’est pas aujourd’hui la veille du jour où nous y cèderons. Ce que les auteurs oublient, seul l’éditeur connaît ses auteurs, son catalogue, et seul lui connaît les trois livres les plus méritants qu’il a publiés ces dernières années. Il peut certes se tromper, mais toute une équipe éditoriale ne peut pas se réunir très tôt le matin et se tromper. L’autre chose que les auteurs ne savent pas, si un éditeur ne parvient pas, parmi trois candidatures, à faire passer ne serait-ce qu’un seul de ses livres en finale, c’est carrément une honte pour lui, et les lecteurs avisés font en temps leur idée de ce qui se fait chez lui, de sa crédibilité.
Nous avons la chance, à Savanes du Continent, d’avoir chaque fois au moins deux œuvres finalistes au Prix. Très souvent même, tous les trois passent en finale. Or, nous n’avons jamais demandé à connaître le jury de présélection, et nous n’avons jamais connu non plus la coloration du jury final. Nous avons toujours eu au moins deux finalistes depuis l’âge d’or du Prix du Président de la République, jusqu’aux Grands Prix littéraires. Et depuis l’avènement des Grands prix littéraires, nous avons même eu deux lauréats, et remporté la deuxième édition du Prix de l’éditeur.
Aucun des auteurs que nous envoyons au prix ne sait s’il a été candidat, et ce jusqu’à ce qu’il découvre, au lendemain de la publication des résultats de la présélection, que son livre est finaliste. Ça a été ainsi hier, l’est aujourd’hui et le restera ainsi demain. Nos auteurs sont là et peuvent en témoigner. Sophie Adonon, Grégoire Folly, Jérôme Tossavi, Destin Akpo, Florent Houndjo, etc. Le dernier, qui a remporté le Prix l’année dernière, était même surpris que son livre soit finaliste car, vu le petit quiproquo qui existait entre nous à propos d’un autre roman à paraître, il ne s’attendait pas à ce que j’aie encore la bonne foi de l’envoyer au Prix. Et si, jusqu’au jour d’aujourd’hui il a finalement perçu ses millions ou pas, je l’ignore, et je ne lui ai d’ailleurs jamais posé la question, cela n’étant pas mes oignons. Mon seul soulagement direct à moi, dans ces circonstances, c’est la vente des 200 ou 250 exemplaires à la bibliothèque nationale.
Et maintenant l’organisation du prix cette année…
D’habitude, le Prix est lancé en juin-juillet. Mais cette fois-ci, il aura fallu attendre la mi-août pour voir pointer le communiqué de l’Adac. « Mieux vaut t**d que jamais ! » nous étions-nous écriés, en nous frottant les mains. L’appel à candidature semble avoir oublié, cette fois-ci, le Prix de l’éditeur et celui du journaliste chroniqueur. Qu’à cela ne tienne !
Au début, le communiqué avait retenu le 04 octobre comme dernier délai pour la soumission des candidatures. Mais quelques jours plus t**d, l’amalgame est né à propos du même document. Au lieu du 4 octobre, on retrouve parfois 08 octobre. Et on se demande que retenir finalement.
Je pensais être au bout de ma surprise quand, avant-hier, 02 octobre, un ami éditeur m’appelle pour me demander où trouver la fiche d’inscription pour participer au Prix. Finalement, il a été obligé de se rendre au siège de l’Adac, sur le même immeuble que Gozem, pour se renseigner. Mais, tenez-vous bien, on l’informe que la fiche d’inscription n’est pas encore élaborée, donc pas prête. Comment comprendre cela ? Comment est-ce possible ? Que veut-on finalement ? Qu’on aille au prix, ou qu’on n’y participe plus carrément ? De toute façon, j’ignore si cette fois-ci j’y participerai. D’ailleurs, je n’ai pas encore renouvelé mon agrément d’éditeur.
Un mot sur le Salon…
Le Salon national du Livre. Il se chuchote que cette année aussi il se tiendra, que cela a été annoncé à l’édition précédente. Mais à quelle date exactement ? Bien malin qui le dira. L’année dernière, c’est au Sharjah Book Fair, à Dubaï, que j’ai appris que le Salon national du Livre se tiendrait dans trois jours. Dans quelques semaines j’y serai encore, avec mon ami de Christon Editions, émerveillant les éditeurs arabes et américains avec mon anglais rouillé d’une corrosion fort avancée. Mais je crois que cette fois-ci, on nous fera la gentillesse de nous communiquer la date exacte un peu plus tôt. De toute façon, qu’on nous l’annonce tôt ou t**divement, nous y participerons, c’est notre chose à nous. Mais pour le moment, vibrons au rythme du Festival international du Livre et des Arts assimilés du Bénin (Filab). Lui au moins, nous connaissons la date de la tenue de sa deuxième édition depuis quatre mois. C’est du 10 au 12 prochain, à la bibliothèque Bénin Excellence de Godomey.
Rodrigue Martial Atchaoue.
Les Éditions Savanes Du Continent
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