Le mythe a fait de l'Ardenne quelque chose de comparable au Far-west ; on sait que c’est « par-là », vers le sud pour les Belges, au nord pour les Français, mais sans trop bien savoir où elle commence et où elle finit. Sa situation géographique, ceinturée par des grandes régions industrielles, sa proximité avec le milieu frénétique des grandes villes, Charleroi, Bruxelles, Reims, Paris, Cologne, L
uxembourg, la pose comme un refuge naturel. Comme une île au milieu d’un torrent furieux où il fait bon se replier pour reprendre son souffle au contact de la nature. Quelques touristes seulement, parmi les plus maladroits, la considèrent comme un terrain de jeu. La toute grande majorité a compris que l’Ardenne n’était pas terre de légèreté. Ce n’est pas Saint-Tropez ni Toremolinos, elle ne présente même pas ce côté rieur et jovial des terres de vacances ensoleillées du sud de l’Europe. Elle n’est pas austère, mais rien n’est superficiel, si ce n’est le sol cultivable. La forêt est profonde, la roche est profonde et l’âme est profonde. Dieu le Diable sont présents partout et il est bien difficile de déterminer lequel des deux est arrivé le premier. Probablement le Diable, Dieu est arrivé à la rescousse pour conjurer les sorts lancés par l’autre. Il n’y a pas de chemin en Ardenne qui ne porte sa croix, au sens propre. De schiste, de bois ou d’arkose, elles ont tenu longtemps le rôle de bornes et de poteau indicateur. Lorsque Dieux et Diables ne suffisent plus à assouvir l’imaginaire de l’Ardennais, il se réfère à ses très anciens ancêtres, les Celtes. Lorsqu’eux-mêmes ne rassasient pas le besoin d’ancrage, les Macralles, les Fées et les Nutons complètent la compagnie dont les habitants avaient jadis besoin sur ces hauts plateaux solitaires. Ici, la moindre dépression dur sol, fut-ce un gîte de lièvre, porte la marque du pied du Diable ou du sabot de l’âne de Saint Remacle. Les légendes ardennaises sont nombreuses, elles ont modelé ce qu’on appelle une « mentalité ». Tout comme en Bretagne, à laquelle l’Ardenne est souvent comparée. « Ardenne et Bretagne : les soeurs lointaines » écrivait Albert Moxhet, un des chantres de l’Ardenne.