19/12/2025
👨🏫Séminaire
😱Peut-on délibérer avec des partis liberticides ?
❓Le Centre de droit public et social de l’ULB organisait un séminaire intitulé "Peut-on délibérer avec des partis liberticides ?". J’ai eu l’occasion, et le plaisir, d’échanger et de croiser les approches et perspectives avec Mathieu Dekleermaker (avocat et collaborateur scientifique au Centre de droit public et social de l’ULB) et Jérôme Sohier (avocat et maître de conférences au Centre de droit public et social de l’ULB).
👏Un tout grand merci pour cette invitation.
Je vous livre ci-dessous un résumé de mes réflexions sur le sujet.
1️⃣Quand nous sommes un·e journaliste?
📑Sur le plan juridique, le cordon sanitaire médiatique constitue un dispositif spécifique à la Belgique francophone. Initialement issu d’une pratique d’autorégulation de la RTBF, il est repris par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et regroupées dans deux règlements approuvés par le gouvernement de la Communauté française le 22 novembre 2011, acquérant ainsi une portée normative.
🔎Le cordon sanitaire médiatique vise à empêcher l’octroi d’un temps de parole en direct aux représentant·e·s de partis ou mouvements qui ne respectent pas les principes démocratiques, c'est-à-dire les législations contre le racisme, les discriminations et le négationnisme, ainsi que de la Convention européenne des droits de l’homme (cette dernière est ajoutée par certaines rédactions). Ce mécanisme n’interdit pas le traitement journalistique de l’extrême droite mais impose un encadrement, privilégiant la diffusion en différé et la contextualisation éditoriale. Il contribue à limiter la visibilité et la normalisation de formations non démocratiques tout en maintenant une distinction normative claire dans l’espace public.
📜D’un point de vue déontologique, le Conseil de déontologie journalistique a étendu la logique du cordon sanitaire à l’ensemble des médias via la clause de responsabilité sociale et démocratique. Tout en affirmant la liberté éditoriale comme principe fondamental, il confère aux rédactions la responsabilité d’évaluer les risques liés à la diffusion de certains discours. Lorsque des propos sont susceptibles de violer la loi ou d’atteindre la dignité humaine (article 26 et 28 du code de déontologie), la diffusion en différé apparaît comme une exigence de bonne pratique. Le cordon sanitaire est ainsi conçu comme un outil de prévention, de protection juridique et de garantie de la qualité de l’information, engageant la responsabilité des médias.
2️⃣Quand nous sommes une personnalité politique?
🔻Le cordon sanitaire politique est instauré depuis les années 1990 dans le sud du pays. Fondé sur un accord volontaire entre partis, il repose sur une Charte de la démocratie qui mentionne les valeurs défendues par les partis (démocratie, citoyenneté, tolérance, droits humains et lutte contre le racisme, les discrimination, le négationnisme) et un code de bonne conduite composé de 17 articles visant à éviter toute collaboration, banalisation ou légitimation de l’extrême droite. Le document est disponible en accès ouvert en commentaire de la publication dans un lien vers la R***e Politique.
✅Ce cordon sanitaire politique se distingue par le fait qu’il a été rédigé, adopté et signé par les partis eux-mêmes. Dans sa version la plus récente, datée du 8 mai 2022, il a été signé par le Parti socialiste, Les Engagés, DéFI, Ecolo et le Mouvement réformateur. Il engage les formations signataires à coordonner leurs pratiques afin d’éviter toute forme de concurrence ou de rupture unilatérale susceptible de bénéficier aux formations d’extrême droite. Le cordon sanitaire politique apparaît ainsi comme un instrument de régulation collective du champ politique fondé sur la responsabilité des acteurs eux-mêmes.
3️⃣Quand nous sommes citoyen·ne et participant·e du débat public?
🎤Enfin, l’approche de l'analyse rhétorique montre que les stratégies discursives de l’extrême droite reposent sur la désinformation, la saturation argumentative et la brutalisation du débat public. Des procédés tels que la "loi de brandolini" (l’énergie nécessaire pour réfuter une information fausse est très largement supérieure à celle requise pour la produire) ou le "mille-feuille argumentatif" exploitent l’asymétrie entre la production et la réfutation du faux, tandis que l’imposition de cadres thématiques spécifiques, colonisant nos imaginaires, et l’agressivité discursive déplacent et dégradent le débat démocratique.
💥Cette dynamique créé une impasse rhétorique. Soit l’adversaire reste dans le registre du débat argumenté, et il apparaît alors comme faible ou inefficace face à la violence verbale et à la transgression des normes discursives. Soit il adopte les mêmes codes de confrontation agressive, et c’est alors le débat lui-même qui s’effondre, privé de ses règles, de ses finalités et de ses fonctions. Dans les deux cas, l’issue est perdante, non seulement pour l’interlocuteur·rice mais aussi pour l’espace public dans son ensemble.
François Debras
Centre de droit public et social de l'ULB
ULB - Université libre de Bruxelles
Politique R***e de Débats