21/07/2024
Bonjour chers organisateurs et chères organisatrices de festival, musicien-ne-s, festivalier-ère-s.
Le réseau Antis*xisme trad a renouvelé son comptage des femmes, des hommes et des minorités de genre sur scène dans les festivals de musiques traditionnelles de l’été 2024. Cette année, nous ajoutons un courrier à ce comptage, pour vous faire part des raisons de cette action, sensibiliser sur les questions d’inégalités de genre mais aussi apporter des solutions pour atteindre des programmations plus représentatives de la diversité des artistes des musiques traditionnelles.
POURQUOI ON COMPTE ?
1- Un combat à mener ensemble
Ce comptage n’a absolument pas pour but d’accuser, de blâmer ou de pointer du doigt les organisateurs et les organisatrices de festival. Les inégalités de genre sont systémiques, pour les combattre il faut d’abord en avoir conscience et ensuite agir collectivement. La plupart des organisations d’événements et de festivals dans notre milieu sont portées à bout de bras par des bénévoles et font déjà face à des problématiques très lourdes comme la baisse des financements publics, les contraintes liées à l’accessibilité, le renouvellement générationnel, la disponibilité des artistes et tant d’autres. Le réseau Antis*xisme trad ne remet évidemment pas en question cet aspect et se réjouit de la qualité des dynamiques associatives dans le milieu trad.
2-La culture comme levier pour construire des sociétés plus égalitaire
La culture est par essence un des leviers efficients pour agir sur les représentations, les déconstruire, les transformer. Les œuvres et les créateur·rice·s nous invitent à décaler notre regard, imposent parfois par leur simple existence une autre vision du monde, qui questionne notre réalité. Ils et elles nous proposent également des espaces pour imaginer, construire, changer l’ordre des choses.
Les musiciennes·x existent ! Les mettre en visibilité relève du devoir d’information et de la responsabilité des structures culturelles. Donner à voir majoritairement des hommes blancs hétéros*xuels c’est faire le choix d’exclure des représentations culturelles une grande partie de la population.
Mettre en visibilité les artistes femmes et les minorités de genre, c’est agir sur les représentations et les imaginaires. C’est donner à voir une plus grande variété de formes d’expression. C’est agir chacun·e à son échelle pour une plus grande représentativité de la diversité de la société et de tenter de rendre notre monde plus beau, plus juste.
3-Créer un cercle vertueux
Plus les artistes sont programmées, plus elles sont visibles, écoutées, inspirantes et suivies du grand public, et plus elles sont programmées en retour, etc. Plus les artistes femmes et les minorités de genre sont visibles et plus elles peuvent servir de modèles d’identification et déclencher des vocations, donc plus il y en aura, donc plus elles seront visibles. Comment, quand on est une petite fille, s’imaginer devenir cornemuseuse si dans les groupes que l’on écoute les artistes femmes sont cantonnées au chant ? Créons un cercle vertueux et positif !
4-Dénoncer les inégalités de genre pour les combattre
Alors que les femmes représentent près de 52% des étudiantes des filières artistiques, environ 80% des formes artistiques visibles sur les plateaux, scènes et écrans, sont aujourd’hui créées et/ou interprétées par des hommes. On observe un phénomène d’évaporation des femmes au fur et à mesure que l’on avance dans la professionnalisation et la reconnaissance. Pourquoi ? Les musiciennes·x rencontrent de nombreux obstacles pour construire une carrière artistique. Difficultés à se faire une place dans un secteur où règne encore souvent un entre-soi masculin, manque de modèles et d’encouragement, incertitudes financières, mobilité et horaires décalées peu compatibles avec les responsabilités familiales mais aussi discriminations aux différentes étapes de leurs parcours.
Bien que sincèrement persuadé·e·s d’être neutres dans nos choix et convaincu·e·s de n’écouter que le talent, de nombreuses études et expériences montrent que nous percevons la réalité - et les projets artistiques - à travers le prisme de nos préjugés. Une expérience marquante en a fait la preuve : l’usage du paravent pour les recrutements dans les orchestres aux USA a fait grimper la proportion de femme de manière spectaculaire.
Les choix de programmation fonctionnent pour beaucoup par le mimétisme et renforce le phénomène d’invisibilisation des femmes et des minorités de genre sur scène. En effet, un·e organisateurice de festival programme des artistes déjà vu·e·s et apprécié·e·s à un autre événement. Il ou elle ne regarde pas leur genre. Or, si dans cet événement il y avait déjà très peu de femmes et de minorités de genres sur scène, l'événement organisé par cet organisateur ou cette organisatrice va reproduire le même schéma. Il faut donc avoir une démarche antis*xiste active !
La difficulté à accéder aux scènes et donc à être visibles est un obstacle majeur à l’égalité pour les musiciennes. Agir de façon directe sur la part des femmes sur scène est un des leviers essentiels de l’égalité dans le spectacle vivant.
Ce comptage est donc un outil. Il sert à chiffrer et prendre en compte une réalité, celle de programmations globalement très inégalitaires. Cet outil est neutre, ce sont des chiffres. Il s’agit donc de s’en saisir avec sérieux, c’est pourquoi ce tableau de comptage vous arrive cette année accompagné d’autres outils pour renverser la vapeur :
COMMENT FAIRE POUR CONSTRUIRE DES PROGRAMMATIONS PLUS PARITAIRE ?
Construire des programmations plus représentatives du monde qui nous entoure, c’est possible, nécessaire et surtout plus facile à réaliser qu’on ne le croit !
Voici quelques conseils :
>>Se rendre sur l’annuaire des musiciennes·x sur Modal https://modal-media.com/annuaire-des-musiciennes-x/ pour trouver des groupes mixtes ou avec des femmes et des minorités de genre. En parallèle de notre travail de comptage, nous avons effectué depuis plusieurs années un travail de recensement des femmes musiciennes. Grâce au soutien de la FAMDT (Fédération des acteurs et actrices des musiques et danses traditionnelles) ce travail a abouti début 2024 à la publication d’un annuaire participatif sur lequel on peut renseigner les critères que l’on souhaite et découvrir des groupes mixtes et des artistes femmes ou appartenant aux minorités de genre. Cet annuaire a été pensé pour visibiliser les artistes formidables qui font la richesse de notre milieu et donc aider les programmateurs et programmatrices à élaborer des programmation plus diverses.
>> Réaliser ses propres statistiques sur les présences d’hommes, de femmes et de minorités de genre pressenti·e·s, contacté·e·s, pendant l’élaboration de la programmation. Cela permet d’avoir une perception de la proportion qui se dessine en temps réel et de maintenir un cap. Par exemple au dessus de 33%, seuil de visibilité, une catégorie n’est plus perçue comme minoritaire.
>> Dans un cadre associatif où la mission de programmation est souvent prise en charge bénévolement, réaliser la programmation à plusieurs en pensant à inclure des femmes et des minorités de genre dans les personnes qui proposent et décident, permet de diversifier les propositions, de découvrir des artistes et de gagner en représentativité.
Merci d’avoir lu jusqu’au bout.
En espérant que ce courrier éveillera chez vous des réflexions et des actions concrètes, nous vous souhaitons un bel été plein de danse et de musique,
À bientôt,
Le Réseau Antis*xism Trad
Sources :
https://www.wah-egalite.org/aller-vers-la-parite-dans-sa-programmation/ -sos-2269
