13/02/2021
📍 #64 = Chaumont, la contestaire (partie 2/2)
Malgré les bienfaits des premières réformes de la Révolution – abolition des privilèges et adoption de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le 4 et 26 août 1789, les Chaumontais eurent à subir l'anarchie ambiante : des bandes battaient la campagne ; les bois avaient été déboisés lors de l'hiver précédent ; les denrées étaient retenues par des paysans anticipant à l'excès la famine ; enfin, les émeutes étaient fréquentes au marché du fait de la cherté.
Le comité révolutionnaire, installé le 31 juillet, tenta vainement de maintenir l'ordre. Il convoqua, en août, tous les citoyens actifs dans la plus grande salle de l'actuel tribunal pour former une milice citoyenne, la « garde nationale », soit 160 hommes, les « volontaires de la milice nationale de Chaumont ». Or, l'indiscipline de cette milice et surtout sa rivalité avec un autre corps, les arquebusiers, amplifièrent le désordre. Toujours dépourvue d'équipements, elle envahit la mairie, s'y arma de force et arrêta même des représentants de la ville en partance pour se plaindre, à Paris, de tous ses abus ! Le comité décréta finalement, en novembre, la loi martiale en hissant le drapeau rouge à la façade de l'Hôtel-de-ville. Rien n'y fit. Le comité perdit l'estime des habitants plus soucieux de manger que d'obéir.
Entre-temps, appliquant les idées des Lumières, l'Assemblée nationale constituante entreprenait déjà une vaste œuvre de réforme ; tout d'abord la réforme municipale, rendue pressante par le désordre suscité dans l'administration durant l’été. Le 14 décembre 1789, l'Assemblée vota une loi instituant les communes, puis le 22, les départements. Le 2 janvier 1790, fut élu maire, Louis-François De Lamirault (1743-1807). Le 4, Pierre-Antoine Laloy (1749-1846) fut élu « procureur-syndic » du nouveau département, appelé « Haute-Marne ». Les deux élus siégeaient ainsi à l'Hôtel-de-ville. Ce furent là les premières élections !
Chaumont devint le chef-lieu du département, le 8 juin, après qu'une commission fut chargée de répondre aux litiges avec Langres, elle aussi candidate à ce titre. Après cela, le 14 juillet, les habitants célébrèrent le premier anniversaire de la prise de la Bastille, la « fête de la Fédération ». Pour l'occasion, on dédia un immense autel à la Patrie, à l'emplacement du giratoire situé juste avant l'actuelle clinique, et tous les Chaumontais lui prêtèrent serment.
Or, le risque de banqueroute était grand et il fallait urgemment trouver de l'argent. Ainsi, depuis le 2 novembre 1789, l'Assemblée avait décidé que tous les biens du clergé seraient « mis à disposition de la Nation » ; et, depuis le 13 février 1790, les ordres religieux supprimés. À Chaumont, après avoir procédé à l'inventaire des « biens nationaux », ils furent mis aux enchères, en octobre. Or, la vente s'avérant lente et le numéraire faisant défaut, l'Assemblée créa des billets, les « assignats », dont la valeur était gagée sur les biens à vendre. Chaumont en imprima 15 250 livres, en août ! Par la suite, le 25 septembre 1790, toute la ville fit une grande fête en l'honneur de l'entente entre le peuple, ses représentants et le roi, sur la place des Halles, rebaptisée depuis « place de la Concorde ».
Jusque là, Louis XVI possédait encore d'importantes prérogatives et sa figure royale n'était guère attaquée. Or, sa tentative de fuite à Varennes, les 20 et 21 juin 1791, rompit les liens symboliques l'unissant à la Nation, précipita la désacralisation de sa personne et le renversement de l'opinion à son égard. Malgré tout, la majorité des députés voulaient encore croire en sa sincérité et lui renouvelèrent leur confiance. Ainsi, le 3 septembre 1791, en acceptant la Constitution élaborée par les membres de l'Assemblée, le roi fit passer la France d'une monarchie absolue à « constitutionnelle ». Le 30, l'Assemblée constituante, aux cris de « Vive le Roi ! Vive la Nation ! », devint législative. Parmi les députés issus de la première élection législative, le 31 août, se trouvait notre Pierre-Antoine Laloy. Tout le monde pensait alors la Révolution terminée.
Or, à l'automne, la baisse en valeur des assignats et la cherté des denrées causèrent à nouveau des troubles, en ville et à la campagne, en confrontant les nouveaux administrateurs à des difficultés économiques et sociales hors normes. Parallèlement, à l'échelle du pays, les fidèles de l'Ancien Régime, les « émigrés », réclamaient de plus en plus aux monarchies étrangères, dont l'Autriche, d'intervenir dans les affaires françaises.
La guerre fut finalement déclarée, le 20 avril 1792, à l'Autriche. Le fort patriotisme et le désir ardent d'union incitèrent un club politique, « la Société des Amis de la Constitution » à se former et à faire planter, le 12 mai, un arbre civique coiffé d'un bonnet phrygien, devant l'Hôtel-de-ville. Alors que le pays mobilisait l'esprit patriotique en ayant proclamé, le 11 juillet, la « patrie en danger », la garde nationale fut mise en alerte, à Chaumont, au moment où fut créée la « Marseillaise ». Les divisions internes de l'Assemblée et les errements du roi exacerbèrent la paranoïa ambiante. On craignait alors l'invasion et le département s'y préparait : le 8 août, un bataillon de volontaires fut levé à Chaumont.
Bientôt, les événements se précipitèrent et la nation comprit enfin le double jeu du roi. Il fut suspendu de ses fonctions, le 10 août, après la prise des Tuileries, et une nouvelle assemblée, appelée « Convention nationale », fut convoquée afin de rédiger une nouvelle constitution. Parmi ses membres, le 2 septembre, se trouvait Pierre-Antoine Laloy. Louis-François De Lamirault dû démissionner de son mandat de maire pour la raison qu'il était le commandeur de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, objet de soupçons. À sa place, Jean-Nicolas Laloy, fut élu maire, le 5. L'ordre fut par la suite dissout.
Le 21 septembre, la Convention, dorénavant omnipotente, proclama l'abolition de la royauté et l'avènement de la 1ère République : pour la France, et surtout Chaumont, ce fut le début d'une ère nouvelle.