11/08/2023
Suspension de radio Omega: que dire de la liberté d'expression en période de guerre?
J'ai appris, comme de nombreux Burkinabè, la suspension de radio Omega hier jeudi 10 août 2023. Et contrairement aux Burkinabè qui expriment leur joie, je ne saurais exprimer la mienne parce que radio Omega a été suspendue. Radio Omega est pour moi un partenaire de longue date qui m'a accompagné dans la promotion de ma carrière d'écrivain professionnel. Qu'est ce que Ousmane PARE n'a pas fait quand il était à radio Omega pour me soutenir ? Et les journalistes de la radio et de la télévision Omega restent mes amis qui ont toujours été disponibles pour me rendre service chaque fois qu'ils pouvaient le faire. Radio Omega me rappelle aussi la mémoire de mon ami Paul Miki Rouamba même si son passage à la tête de ce grand média fut bref. Mais, radio Omega reste pour moi un grand média qui m'a accompagné chaque fois que j'en avais besoin. Je ne saurais me réjouir parce que radio Omega est suspendue. Je ne saurais me réjouir.
Hier, j'ai cherché à comprendre les raisons de la suspension de cette radio. Et un ami m'a envoyé l'interview incriminée qui a poussé le gouvernement à prendre rapidement cette sanction contre radio Omega. J'ai écouté l'interview et je me suis posé de nombreuses questions. Il y a certainement une chose que de nombreux journalistes refusent d'accepter: c'est la situation de guerre que nous vivons. Il faudrait peut-être que l'Assemblée Législative de la Transition vote un texte qui déclare officiellement que le Burkina est dans une situation de guerre parce qu'un juriste m'a dit la dernière fois que nous ne sommes pas en guerre, car aucun texte n'a déclaré le Burkina comme un pays en guerre. J'invite l'ALT a voté un texte pour dire officiellement que le Burkina est en guerre et quand la guerre prendrait fin, un autre texte serait voté pour dire que la guerre est finie.
Mais de fait, la situation de guerre est une réalité. Et c'est cette situation de guerre qui a poussé le gouvernement à suspendre radio Omega. Si de droit, cela pose problème, de fait, la décision est compréhensible. Cette guerre est une réalité, et elle a pris une autre tournure depuis le coup d'État au Niger. Avant, c'était la guerre contre le terrorisme. Actuellement, c'est la guerre contre l'impérialisme. Et il y a la France, la CEDEAO et leurs alliés, et le Mali, le Burkina, le Niger et leurs alliés. C'est une réalité que nous devons accepter. Il faut que les médias acceptent que nous sommes dans cette guerre depuis le coup d'État au Niger.
Abdoul Moumouni, membre de la rébellion nigérienne, qui a été interviewé par radio Omega est dans le camp adverse que combat le bloc Mali, Burkina, Niger. Cette nouvelle rébellion nigérienne a été déclenchée par la France qui a décidé de tout faire pour réinstaller BAZOUM au pouvoir ou à défaut pour détruire le Niger. France 24 et RFI, à travers Serge Daniel, ont vite fait de donner la parole sur leurs antennes au chef rebelle nigérien. C'est de bonne guerre. France 24 et RFI sont suspendues au Niger, au Mali et au Burkina. Mais, que dire quand radio Omega qui émet à Ouagadougou donne la parole à un membre de cette rébellion? J'aurais voulu qu'un journaliste de radio Omega me réponde..
Existentialiste, j'ai toujours cru que le réalisme est la bonne façon de vivre. Nous devons accepter les faits. Un autre média qui donnerait la parole à un membre de cette rébellion connaîtrait le même sort que radio Omega. La guerre est la violation du droit par excellence et toutes les guerres violent les droits. Le gouvernement n'a pas suspendu radio Omega à cause de son nom. Il y a une réalité que la radio Omega refuse d'accepter. La guerre contre l'impérialisme est aujourd'hui une réalité. Et si les médias français ne communiquent pas en faveur du Mali, du Burkina et du Niger, je ne vois pas pourquoi ces pays cités vont accepter que des médias implantés sur leurs territoires communiquent contre eux et pour l'ennemi. C'est vraiment simple à comprendre si l'on est de bonne foi. C'est simple à comprendre..Radio Omega est dans quel camp en donnant la parole à ce rebelle qui dit que la rébellion qui vient de naître au Niger attaquera le Niger par tous les moyens? Pour quel camp radio Omega communique en faisant passer le message de ce rebelle? Ou bien une interview n'est pas une communication ?
Tout me laisse croire que de plus en plus de nombreux journalistes ne maîtrisent pas les règles élémentaires de leur profession, et l'éthique et la déontologie ne sont pas de rigueur chez certains journalistes. On ne s'amuse pas avec la communication. En français facile, on ne s'amuse pas avec la parole, avec les mots.. Il faut tourner sa langue sept fois avant de parler. Pour un journaliste, je dirais qu'il faut réfléchir sept fois avant de tendre le micro pour une interview. On interviewe pas tout le monde parce que, comme le dit Jean Paul Sartre:" Les mots sont des pistolets chargés". Une interview peut être le synonyme d'une guerre. Je demande à nos hommes et femmes de médias de savoir que la plume comme le micro ne sont pas des instruments innocents. L'information est morte, nous sommes dans le siècle de la communication, et communiquer, c'est toujours prendre parti consciemment ou inconsciemment. Il vaut mieux le faire consciemment et en assumer les conséquences.
Adama Amadé SIGUIRE
Écrivain Professionnel
Consultant en leadership et management des cellules sociales.
Enseignant de philosophie.