13/04/2021
La stratégie énergétique marocaine, douze ans après son lancement, essuie certains échecs. La vision qui était, jusque-là, claire, l'est de moins en moins. Il est important de s'interroger vers où va le Maroc, en matière de stratégie énergétique.
Le secteur de l’énergie est, depuis quelques semaines, sous les feux des projecteurs. Pas toujours pour de bonnes raisons.
Les récents déboires du PDG de Masen, par ailleurs président de la région Casablanca-Settat, Mustapha Bakkoury, actuellement sous le coup d’une enquête judiciaire et interdit de quitter le territoire, sont parfois attribuées aux décisions qu’il aurait prises dans le cadre du pilotage de la stratégie des Energies Renouvelables. Il est difficile de se prononcer sur ce point en ce moment, le voile sera levé, en temps et en heure, quand l’instruction aura terminé son travail.
Néanmoins, le débat lancé au sujet de la stratégie énergétique adoptée par le Maroc, depuis une décennie, n’en est pas moins intéressant et à bien des égards. Le focus actuel est bien la stratégie solaire, mais celle-ci n’est qu’une composante d’une importante feuille de route qui avait pour horizon 2020 et, par la suite, 2030 avec pour maître mot, la transition énergétique.
Une stratégie ambitieuse…
En effet, en 2009, le Royaume se fixait un cap en mettant en la première vraie stratégie nationale énergétique dotée d’une vision sur les moyen et long termes. Ses objectifs?
Promouvoir l’efficacité énergétique.
Mobiliser les ressources énergétiques nationales, principalement, les potentialités importantes en énergie renouvelable
Assurer la sécurité de l’approvisionnement.
Généraliser l’accès à l’énergie à des prix optimisés.
Intégrer le Maroc dans le système énergétique régional
Appliquer en amont des dispositifs de préservation de l’environnement dans toutes les activités énergétiques.
Ces objectifs ont été déclinés en plans et en objectifs chiffrés, comme porter la part des énergies renouvelables à 42 % de la puissance installée en 2020 ou réduire la consommation d’énergie de 15 % à l’horizon 2030.
… qui subit des revers
Aujourd’hui, le Maroc est à un carrefour en matière de stratégie énergétique, 12 ans après son lancement et les objectifs ne sont pas atteints.
Il n’est un secret pour personne qu’en termes d’efficacité énergétique, peu de choses ont été réalisées.
Pour ce qui est des Energies Renouvelables, le bilan est tout aussi mitigé. Car, ce qui était jusqu’en 2018 une réussite s’est transformé, aujourd’hui, en échec cuisant notamment sur la partie solaire.
Février 2018, Mustapha Bakkoury affirmait confiant : « nous atteindrons les 42% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2020, nous les dépasserons même ».
Fin 2020, la puissance électrique installée est de 10.557 MW, avec une part des énergies renouvelables (EnR) d’environ 36,8%, assure l’ONEE dans un bilan de ses réalisations publié en janvier 2021.
Les objectifs de la stratégie des Energie Renouvelables à horizon 2020 ne sont pas atteints.
Où va le Maroc?
Cependant, il y a d’autres points de cette stratégie ambitieuse qui méritent que l’on s’y attarde.
La libéralisation de la production des énergies renouvelables qui bute sur des obstacles réglementaires, condamnant l’auto-production à rester un concept sur papier;
La stratégie gazière, composante essentielle de la feuille de route énergétique, lancée et relancée sans cesse depuis des années mais qui continue d’accuser des retards;
La situation du principal acteur du secteur et unique acheteur de cette énergie produite, à savoir l’ONEE. Un office à la situation financière fragile qui porte d’importants projets et sur lequel repose la sécurité énergétique du pays;
La question de la distribution dans le secteur énergétique qui pose de sérieuses interrogations sur l’avenir de cette branche;
La gouvernance du secteur, notamment le rôle de chaque acteur et opérateur à leur tête l’Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité (ANRE) qui vient de compléter ses organes il y a quelques mois à peine;
Le poids des engagements internationaux du Maroc en matière de transition énergétique.
Il y a aussi des questions qui doivent être posées. Le Maroc a-t-il mal négocié certains contrats ? Pourquoi le prix de l’électricité a-t-il augmenté au cours de cette décennie alors qu’il devait en toute vraisemblance baisser ? Qui supportera le coût des échecs subis?
La vision qui était, jusque-là, claire, l’est de moins en moins. En définitive, la plus importante de toutes les questions est de s’interroger vers où va le Maroc en matière de stratégie énergétique?