08/04/2021
Haïti : l’informatisation de l’administration publique, meilleur remède à la corruption ?
Parmi les évolutions sociétales les plus marquantes amorcées au siècle dernier, l'avènement des technologies de l'information et de la communication a conduit à une redéfinition des réalités économiques, sociales et politiques qui nous entourent. Modifiant notre façon de travailler, de communiquer et d'organiser nos activités, cette "société en réseaux" (Castells, 1998) s'accompagne d'une capacité inédite de traitement de l'information dont le volume ne cesse de croître. Plongées dans ce nouveau contexte au même titre que les entreprises et les citoyens, les administrations publiques ont dû repenser leurs fonctionnements, leurs structures et les relations qu'elles entretiennent avec leurs administrés. Cette informatisation des administrations publiques ouvre le champ à de nouvelles possibilités qui remettent en cause les pratiques établies, notamment lorsque les multiples données nécessaires au fonctionnement d'un État étaient stockées sur des supports papier. Les progrès réalisés ces dernières décennies dans le domaine informatique permettent aujourd'hui d'accéder à de vastes bases de données depuis de multiples endroits, de les reproduire à peu de frais, et d'effectuer des extractions de données ciblées en fonction de filtres prédéfinis.
Haïti, en forme longue République d’Haïti, est un État des Grandes Antilles, occupant le tiers occidental de l’île d'Hispaniola (soit 27 750 km2 environ), les deux tiers orientaux étant occupés par la République dominicaine. Sa capitale est Port-au-Prince.
Haïti occupe le 170e rang parmi les pays les plus corrompus dans le classement de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) dans le monde concernant 180 pays avec un score de 18 sur 100, indique un rapport publié le 28 janvier 2021 par l’organisation Transparency International. Le Président haïtien, Jovenel Moise, lors de son passage à Paris, en décembre 2018, a déclaré la corruption est un crime contre le développement du pays. Et depuis son arrivé au pouvoir, en 2017, il ne cesse de dire que le pays n’a que 5 problèmes, la corruption, la corruption, la corruption, la corruption, la corruption. Etant chef d’Etat, il parle en connaissance de cause. L’inefficacité de l’administration publique d’Haïti jugée par les citoyens, reste l’une des causes et des conséquences de la corruption en Haïti. Selon L’Unité de Lutte Contre la Corruption en Haïti, l’administration publique ne cesse continue de polluer par la corruption, malgré de certaines actions entreprises par eux pour la freiner ; tout en suggérant, la mise en place de mesures de prévention et la diffusion des normes éthiques de bonnes pratiques administratives, peuvent réduire la corruption.
De ce fait, quel type de solutions devrons-nous mettre en œuvre pour lutter contre la corruption dans l’administration publique d’Haïti ?
L’informatisation de l’administration publique, une solution adéquate pour lutter contre la corruption
La Convention des Nations Unies Contre la Corruption (CNUCC) est reconnue comme un cadre de référence en matière de lutte contre la corruption, reconnaît la corruption comme étant un phénomène aux multiples facettes qui résulte, entre autres, de systèmes de gouvernance faibles et d’institutions défaillantes entretenant entre eux de nombreuses interactions.
En Haïti, on entend parler de corruption à longueur de journée presque dans tous les secteurs d'activité de la société. Ce qui revient à dire qu'une Administration publique saine serait surprenante et tiendrait même à la limite du défi dans un environnement global pareil. Ajouter à cela, la conception assez partagée de l'Etat comme une vache à lait où l'on peut rapidement s'enrichir, moyennant certaines acrobaties et la résolution de se débarrasser de toute éthique.
A titre indicatif, Amary Joseph Noël, professeur d'Université en Haïti, a commencé une lettre ouverte à l’ancien Président de la République d'Haïti, Michel Joseph Martelly, dont l'objet est : « Conseil au nouveau Chef d'Etat d'Haïti », par la phrase que voici : « L'un des efforts à réaliser par le nouveau gouvernement, c'est de mettre un frein au sport le plus en vogue dans l'Administration publique haïtienne : LA CORRUPTION.
Dans la même veine, on a entendu plus d'une fois des autorités politiques haïtiennes dénoncer publiquement la corruption qui gangrène le secteur public, particulièrement l'Administration publique. Ainsi, pouvait-on entendre, dans un discours public du Président de la République René Préval, regrettée de mémoire, la phrase suivante : « Des efforts ont été consentis dans la lutte contre la corruption ; je peux vous dire que la lutte contre la corruption est la plus difficile, parce que la corruption est forte, ses racines sont profondes... » . Alors, pour lutter à ce fléau, l’informatisation de l’administration publique reste une solution adéquate.
L'un des moyens de lutter contre la corruption est d’imposer l'accès à l'information comme un droit garanti par la loi, déclare Oxfam. Les citoyens auront accès facile aux informations et services publics pertinents. L'accès à l'information constitue un outil essentiel dans la lutte contre la corruption. Il est vecteur de responsabilité et transparence, et permet l’identification des pratiques de corruption et de les détecter. Les informations permettent au public de participer à l'examen des activités gouvernementales, et d'être en mesure de s'exprimer librement dans le cadre du développement de politiques et de lois anti-corruption ainsi que de contrôler leur implémentation.
Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) contient une série d'obligations relatives à l'accès aux informations. Selon la convention, les États doivent :
• Publier des informations relatives au financement des candidats à un mandat public électif et des partis politiques (Article 7)
• • Exiger de la part des fonctionnaires qu'ils déclarent leurs activités extérieures, ainsi que les emplois, investissements, actifs et dons ou avantages substantiels susceptibles de générer un conflit d'intérêts (Article 8)
• Garantir la diffusion publique des informations relatives aux procédures de commande publique et aux contrats, aux appels d'offres et à la passation des marchés publics (Article 9)
• Promouvoir la transparence et la responsabilité dans le cadre de la gestion des fonds publiques y compris la rédaction de « rapports opportuns sur les recettes et les dépenses » (Article 9)
Malheureusement en Haïti, la diffusion de l’information, particulièrement financière, en dehors des procédures d’audit ou de contrôle tracées par la loi, n’est pas une obligation pour les entités publiques. Le document de budget officiel, qui est en général publié sur le site du ministère de l’Économie et des Finances, présente une prévision qui diffère grandement de la réalité, puisqu’il fait souvent l’objet de réaménagements dans son exécution. Cela signifie que dans la pratique, les opérations effectuées ne correspondent pas à l’information que diffuse le gouvernement.
La Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) n’est pas la seule à mettre l’accès à l’information un élément central des réglementations pour la lutte contre la corruption. En effet, les conventions anticorruptions aux Amériques, en Afrique et au Moyen-Orient demandent également aux États d'adopter des mesures de transparence. En 2015, les Nations Unies ont fait de l'accès aux informations une des cibles des Objectifs de développement durable, notamment en reconnaissant son importance dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, y compris grâce à l'éradication de la corruption.
Jean Smith DOR
Etudiant effectuant un Master en Relations Internationales
Références
Castells, M. (1998). L'ère de l'information. La société en réseaux (Vol. 1). Paris: Fayard, 613p
Zrobla, A. (2016). Le leadership et l’informatisation au service de la lutte contre la corruption. WHATI.
Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC)
Transparency International
AlterPresse.org
Oxfam