10/09/2025
Pour changer un peu, Lavrov m’a une fois de plus donné raison.
Nous parlons de l’homme d’État qui, dès 2022, affirmait que la guerre en Ukraine devait aboutir à une réédition des accords de Yalta.
De celui qui a précisé ne pas considérer l’Amérique comme l’ennemie, mais bien l’Europe, en ajoutant qu’il ne parlait pas seulement de l’Europe d’aujourd’hui mais des cinq derniers siècles (la Russie, auparavant, n’existait pratiquement pas). On ne peut pas dire qu’il ait une grande connaissance historique, puisqu’il inclut même les Croisades.
Quant à l’histoire récente, il n’est pas mieux informé : il a en effet imputé aux Occidentaux la construction du Mur de Berlin. Un mur « antifasciste, communiste et soviétique » qui visait à freiner la fuite massive vers l’Ouest : environ trois millions de personnes sur une population de moins de dix-neuf millions d’habitants !
Malgré son ignorance, le ministre des Affaires étrangères de Moscou a des idées bien arrêtées : pour évoquer Yalta, il s’est présenté au sommet en Alaska vêtu d’un sweat-shirt CCCP.
Aujourd’hui, après la réunion de l’OCS à Pékin — que la propagande russe, avec la complicité de l’incompétence générale des médias, présente comme un grand succès de l’unité eurasienne — il revient à la charge en vantant des relations apaisées avec les États-Unis.
Ces mêmes États-Unis qui, entre autres, n’ont jamais renoncé à l’uranium russe pour leurs armes atomiques et ne prévoient de le faire qu’en 2028, lorsque cela ne servira plus à rien puisque la guerre sera de toute façon terminée.
Il vient d’annoncer triomphalement :
« Les États-Unis manifestent un intérêt réciproque pour une coopération égalitaire avec la Fédération de Russie. »
« La Russie et les États-Unis pourraient avoir des intérêts économiques communs. »
Ils en ont toujours eus, et ceux-ci ont connu un regain en 2025, notamment durant les six premiers mois, avec des croissances significatives tant des importations (+32 %) que des exportations (+21 %).
Lavrov est même allé jusqu’à qualifier d’« accord souverain de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie » celui conclu entre Bakou et Erevan aux États-Unis. Autrement dit, il a joyeusement baissé son froc et livré son postérieur au rapt que les États-Unis et la Turquie ont opéré le mois dernier au détriment de la Russie. Ce qui confirme à quel point Moscou est subordonnée et joue le rôle qu’on lui assigne sans broncher. Depuis toujours, elle est la force de répression contre les peuples d’Europe.
J’ai affirmé dès le 24 février 2022 qu’il s’agissait d’une guerre russo-américaine dirigée contre l’Europe : cela s’est démontré mois après mois et c’est de plus en plus évident.
J’ai soutenu que ceux qui se rangeaient du côté de Moscou par pur ANTI-américanisme se trompaient, car les Américains ne combattaient pas les Russes, et inversement. Et désormais, les deux chancelleries l’avouent candidement.
Aujourd’hui, puisque des États-Unis comme de la Russie on entend de plus en plus de discours contre l’Europe et de moins en moins de rivalités formelles réciproques, ceux qui persistent à soutenir Russes et Américains et qui reprennent à leur compte — allant même jusqu’à la relayer avec enthousiasme — cette propagande, qui exalte le renouvellement de ce pacte impérialiste qui nous écrase depuis 1945, ne peuvent le faire que pour une raison : par haine de leur père, de leur mère, de leur terre. Comme je l’avais supposé dès le départ. Autant ne pas tricher alors et dire clairement qu’il s’agissait simplement de donner libre cours à ses frustrations. Que ce n’était qu’un prétexte à un ressentiment existentiel et à un sentiment de vide, d’échec.
Cela vaut-il vraiment la peine de continuer ainsi ? Voilà presque quarante-trois mois que, jour après jour, il est de moins en moins possible d’ignorer qu’il n’y a jamais eu de conflit russo-américain et que cette guerre vise l’Europe.
On peut attribuer des responsabilités différentes aux protagonistes, et personne n’est tenu de « changer de camp » : il faudrait simplement recréer le sien. Sans plus prendre des papillons de nuit pour des aigles, et sans déléguer, dans un dualisme absurde, ses espoirs à qui que ce soit, car ce sont là de bien mauvais conseillers !
Personne n’est obligé de rester figé dans une position adoptée à tort dans un moment d’ivresse générale : il n’y a rien d’humiliant à admettre qu’on s’est laissé égarer. Cela arrive. Et l’on peut parfaitement en sortir.
Gabriele Adinolfi