16/02/2020
Publié le 2020-02-14 | Le Nouvelliste
Jovenel Moïse/PHTK payent des « artistes » de pacotille pour chanter « aba peyi lòk, kite timoun yo al lekòl » alors qu’on tue des enfants sur le chemin de l’école, qu’on assassine des jeunes gens. Le dimanche, les défilés pré-carnavalesques honteux qui nous coûtent une fortune dans un contexte où tout va mal disposent d’une protection adéquate. Pour le reste, ni rien ni personne ne bénéficient d’une quelconque protection.
Quand on ose affronter les rues, il y a le risque de cette criminalité des gangs devenue ordinaire. Mais il n’y a pas qu’elle. Nous voilà revenus au temps de la criminalité des chefs, de l’arbitraire. Dans une même semaine : discussion dans un bar, un homme sort son arme, tire et tue. C'est un chef. Deux motos se frôlent en plein embouteillage, l’un des chauffeurs s’en va, l’autre sort son arme et dit : « Se bal mwen ta pral mete ». C’est un ''chef''. Un cortège « d’officiels » accroche un véhicule civil. Ni vu ni connu, la carrosserie abîmée, le traumatisme de l’agression, dommages collatéraux de l’expression de la puissance : on ne doit pas se trouver sur la route des chefs.
Des routes barrées, cinq heures pour faire dix kilomètres, des machines en panne, des administrations qui ne peuvent pas fournir les services dus aux contribuables. De l’argent dépensé dans des activités de propagande qui ne peuvent pas convaincre.
On peut lire cette montée de la criminalité comme signe de l’installation d’un climat de peur. Sortir ? Manifester ? Les populations des quartiers populaires terrées chez elles. Les rues sont aux gangs et aux chefs…
Sang, corruption, incompétence, criminalité, arbitraire, impunité, et peur. Voilà le bilan de la continuité Jovenel Moïse, PHTK. Les conservateurs qui, par réflexe de classe, ont peur du changement, commencent à déchanter. Ils voulaient la continuité, le retour à une « normalité » qui les confortait dans leurs petites vies et leurs petites affaires. Ils ont eu la seule continuité que Jovenel Moïse/PHTK peuvent assurer : la permanence du pire.
On s’était cherché des raisons, stabilité, institutions démocratiques, mensonges et balivernes, pour défendre la continuité. Voilà le résultat. Crime et corruption. Plus que jamais la logique du mépris, l’arrogance du pouvoir caractérisée par le retour de Michel Martelly sur la scène de l’ubuesque. Et les tentatives de mise en place pour que cela continue, que Jovenel Moïse se succède ou qu’un autre de la mouvance PHTK/Néo-duvaliérisme hérite du pouvoir.
Combien d’argent, combien de notre argent est mis dans le carnaval ? Combien payons-nous pitres et spadassins ?
Ceux qui avaient peur d’un « peyi lòk » par la légitime colère populaire, qui avaient surtout peur du changement qui pouvait en résulter, les voilà servis. On le leur avait pourtant dit que le seul recours de ce pouvoir pour essayer de produire du consentement, c’était la terreur. La continuité Jovenel Moïse/PHTK est un pays autrement « lòk ». Un gang politique qui travaille à se succéder. La criminalité. Le vulgaire. Peuple pris en otage. Climat de terreur. Terreur utile au pouvoir qui en profite pour faire ce qu’il veut, comme il veut. Quand on est occupé à ne pas se faire enlever ou tirer dessus, on n’a pas le temps de penser politique.
Antoine Lyonel Trouillot