26/01/2024
YACINE ABDRAMANE SAKINE
« On fait la politique pour son peuple et non pour sa famille »
Le président du parti Réformiste, Yacine Abdramane Sakine passe au crible la situation de l’opposition politique tchadienne. Interview exclusive !
Depuis la disparition tragique du Maréchal Idriss Deby Itno, Président du Tchad en avril 2021, l’opposition démocratique peine à imprimer ses marques. Quel est le véritable problème ?
C’est une question pertinente donc depuis la création de mon parti Réformiste et ça fait 5 ans que je lutte dans l’opposition démocratique tchadienne. C’est que j’ai compris au Tchad, nous avons un réel problème. Le problème de l’opposition tchadienne, c’est la conception. Alors, pourquoi on fait la politique ? Ici ou à ailleurs, on fait la politique pour servir le peuple et non pour se servir. Mais avant et après la disparition du Maréchal, certains chefs de partis politiques font la politique de leurs ventres. Ils font la politique pour avoir des postes de responsabilité. Lorsque tu prends la parole au cours d’une réunion pour dénoncer ce qui ne marche pas au sein de l’opposition tchadienne, automatiquement, on te considère comme un imbécile. Dans une opposition, il y a ce qu’on appelle concept et ce concept est au niveau de l’opposition et au niveau gouvernemental. C’est pour cela que les gens ne comprennent pas. Donc, c’est tout ça qui fait qu’il n’y a pas de compréhension au sein de l’opposition.
Aujourd’hui, l’on se retrouve avec plusieurs groupes de l’opposition démocratique au Tchad. A qui profite cette prolifération ?
C’est le pouvoir qui profite. Deby fils dit souvent qu’il y a autour de lui aux moins 250 partis, c’est-à-dire que tous les partis cautionnent qu’il fait. Nous sommes dans une phase transitoire. Nous n’avons pas encore organisé les élections. On a vu avec Deby père. Lorsqu’il organisait les élections, il gagnait. Chaque fois que Deby fils dit qu’il y a autour de lui près de 250 partis politiques, c’est une manière simple de dire à l’opinion nationale et internationale que tous ces partis politiques sont d’accord avec lui. Depuis que je suis dans la sphère politique, certains partis politiques n’ont jamais organisé une conférence de presse, un point de presse. D’autres, n’ont ni de militants, ni de siège.
Lors du DNIS, les forces de l’opposition tchadienne ont montré clairement leur faiblesse en participant aux assises. Avez-vous été satisfait des résolutions et recommandations issues de ce dialogue ?
Nous sommes convaincus d’une chose. En tant que parti politique, seul le dialogue qui peut régler le problème des Tchadiennes et Tchadiens. Depuis l’existence du Tchad, les Tchadiennes et Tchadiens souffrent beaucoup parce que nous n’avons jamais organisé un dialogue dit souverain. C’est pour cela qu’en tant qu’un parti politique, lorsque le président de la République avait décidé d’organiser le DNIS, c’est à l’intervention ou la médiation de l’ONU, l’Union Africain, et même le parti le Réformiste avait décidé de prendre part à cette grande messe. Lors du DNIS, notre parti avait proposé des résolutions et amandé des recommandations. Il y a plusieurs groupements qui ont refusé d’y prendre part à cette rencontre, alors que nous avons beaucoup des choses à se dire entre nous les filles et fils du Tchad.
Quelles sont les faiblesses de l’opposition tchadienne ?
Les faiblesses de l’opposition, c’est l’égoïsme. Nous devons comprendre quelque chose. On fait la politique pour servir sa nation et non pour soi-même. Chaque personne croyait qu’il est le seul, capable de changer le pays. Alors que personne ne peut s’en sortir seul politiquement. Quand les partis démocrates aux USA, c’est-à-dire, il y a la société civile et d’autres regroupements. Mais, ici chaque personne croyait qu’il est fort et pensait qu’il peut arriver au pouvoir seul mais jamais. Pourquoi Deby à l’époque crée des partis politiques qui se disent des partis alliés pour le soutenir. Par ce que sans le soutien des autres, il ne peut pas être au pouvoir. C’est ce que l’opposition démocratique tchadien doit faire. Je me souviens très bien, aux dernières, nous avons créé un regroupement des partis politique que nous avons notre candidat unique qui va se représenté à l’élection présidentielle, c’était le Président du parti PRET, Me Théophile. Donc c’est l’égoïsme qui tue l’opposition tchadienne.
Quel est l’opposant Tchadien qui vous a le plus marqué et inspiré ?
Vous savez, chez nous ici au Tchad, chaque chef de parti politique fait la politique de sa région ou village. Vous prenez par exemple Deby père, lui il faisait la politique du nord, Yorongar pour le Sud et Alabo pour le centre. Donc il n’y a pas un opposant qui m’a inspiré.
Monsieur le Président, que pensez-vous des opposants et certaines organisations de la société civile qui ont appelé à boycotter les élections référendaires du 17 décembre 2023 ?
Non, il faut respecter leur opinion. Ils ont leurs arguments. Nous sommes d’accord avec la création de la CONOREC. Par ce que pour certaines d’entre elles, la CONOREC n’était pas composée de toutes les sensibilités. Quand vous voyez la composition de la CONOREC, c’est seulement les membres du Gouvernement et quelques organisations ¨fantômes¨. C’est pour cela que certaines n’étaient pas d’accord. C’est comme-ci c’est le Gouvernement qui a organisé le référendum. Donc dans ce cas, il faut respecter leur choix. Mais, au niveau de formation politique ¨le Parti Réformiste¨, dont je suis le vice-président de cour parlementaire dénommée « Le Rénovateur ». Au nom de notre groupe parlementaire, nous avons envoyé 4 personnes au niveau de la CONOREC, par ce que nous avons été consultés au sein de ce groupe. Concernant la forme de l’Etat, nous sommes le seul parti à avoir organisé des séances de communication pour en informer l’opinion nationale et internationale de la position du Parti Le Réformiste. Le peuple Tchadien n’est pas prêt pour un Etat Fédéral et le problème du Tchad n’est pas la forme de l’Etat mais la mal gouvernance de ses dirigeants.
Quelles propositions faites-vous aux Tchadiens pour qu’ils se rallient à votre lutte pour une alternance pacifique et aisée ?
On fait la politique mais c’est difficile avec nous. Pour quoi les Tchadiens ont un réel problème, ils confondent tout ; même les intellectuels que nous sommes. Nous avons un Président qui a passé 31 ans de règne et il s’en est allé.
Nous étions convoqués à une réunion très importante, c’est-à-dire tous les opposants démocratiques tchadiens, c’était en présence de quelques chefs d’Etat des pays voisins. La première des questions à nous poser était : Comment ramener le Tchad à l’ordre constitutionnel ? C’est-à-dire qu’il faut avoir un Président neutre qui ne serait ni de l’opposition, ni de la majorité, former un Gouvernement d’Union Nationale et en fin organiser un Dialogue National Inclusif et Souverain. C’est ce dialogue qui permettra aux Tchadiennes et Tchadiens d’aborder tous les problèmes qui concernent le développement de leur pays.
Que pensez-vous des opposants qui se sont ralliés au Gouvernement ?
Logiquement, quand on dit Transition, même ailleurs, c’est seulement que les Tchadiens n’arrivent pas à distinguer entre une Transition et une période normale de gouvernance. C’est pourquoi, l’on en souffre.
Quand le Parti Réformiste a pris part au DNIS, les Tchadiens ont dit que Yacine avait trahit l’opposition démocratique Tchadienne. Alors que nous sommes dans une phase transitoire. Je l’avais dit plusieurs fois lors de mes interventions. Je suis un Conseiller National. A l’hémicycle là-bas, presque toutes les corporations (les jeunes, les personnes vivants avec handicapes, les partis politiques, la société civile) sont représentées ; dès lors, je pourrais dire que nous sommes dans une phase normale de Transition. L’objectif principal de la Transition est d’organiser une élection libre, transparente et crédible. A cet effet, j’en profite pour saluer tous ceux qui ont accepté de travailler pour conduire la Transition vers sa fin. Le Tchad appartient à tout le monde.
Monsieur le Président, que pensez-vous des opposants et certaines organisations de la société civile qui ont appelé à voter pour le OUI ? Et ceux qui ont voté pour le NON ?
Tout est claire. Pendant le DNIS, nous avions abordé plusieurs questions sauf la forme de l’Etat. Nous avions estimé important la renvoyer au Peuple Tchadien qui, souverainement, choisira lui-même d’une manière autonome la forme son choix. Et voilà le résultat de son choix. Bref, c’est le peuple qui a opéré son choix. Pour ce qui est du parti Le Réformiste, nous avons opté comme forme de l’Etat, un Etat Fortement Décentralisé.
Interview réalisée par
David Yantoïngar