20/08/2023
đź“šLe texte du jourđź“š
"la misère est presque un bonheur pour lui, puisqu’elle lui sert de prétexte.
Maintenant il peut affirmer à tout le monde que c’est la misère seule qui l’empêche d’arriver, que s’il était riche, il aurait du temps, pas de soucis et qu’on verrait alors quel artiste il est. Il s’est marié dans l’espoir bizarre que les mille roubles que possédait sa femme lui permettraient de se mettre sur pied. Il a agi en poète et toute sa vie s’est toujours passée ainsi. Savez-vous ce qu’il ne cesse de dire depuis huit ans ? Il affirme que c’est sa femme qui est l’auteur de tous ses malheurs, que c’est elle qui l’arrête en tout. Il ne fait rien et ne veut pas travailler, et si vous lui ôtez cette femme, il sera la créature la plus misérable au monde. Voilà déjà plusieurs années qu’il n’a pas touché son violon et savez-vous pourquoi ? Parce que chaque fois qu’il prend en main l’archet, il est forcé de s’avouer dans son for intérieur qu’il n’existe pas, qu’il n’est pas un artiste. Mais quand l’archet est mis de côté, il garde au moins l’illusion lointaine que ce n’est pas vrai. C’est un rêveur. Il pense que tout d’un coup, par quelque miracle, il deviendra l’homme le plus célèbre au monde. Sa devise est aut Cesar aut nihil...
Comme si on pouvait devenir César comme cela, en un clin d’œil ! Il a soif de gloire. Et quand un sentiment pareil devient le moteur principal et unique d’un artiste, cet artiste n’est déjà plus un artiste, car il a perdu l’instinct artistique principal, qui est l’amour de l’art pour l’art, et non pour la gloire ou autre chose."
Fiodor DostoĂŻevski