12/04/2024
Pour changer le Sénégal, changeons ! Par Amadou Tidiane Wone
« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde »
Mahatma Ghandi
La jeunesse sénégalaise, à l’instar de celle de tout le Continent africain, a trouvé les canaux d’expression de ses rêves, de ses attentes et, par-dessus tout, de ses exigences. Avec plus ou moins de bonheur et d’inspiration, les nouvelles générations disposent en effet d’outils pour se faire entendre. Leurs voix, autrefois limitées par divers carcans, dont le droit d’ainesse, ou confinées dans certains sujets par le respect dû aux anciens, sont devenues audibles sur tout. Partout et par tous… Le Monde d’aujourd’hui et, de plus en plus dans l’avenir, laissera la parole à qui veut la prendre. A tort ou à raison ! Il va donc falloir inventer de nouvelles modalités de prise en charge du flot de propos qui inondent l’espace public, sans filtres ni amortisseurs. A voir le nombre de Fake news fabriqués par certaines officines de désinformation, ou les prêt-à-penser produits par l’imagination débordante d’esprits, bien des fois embuées par la prise de substances psychotropes, on appréhende les dangers qui nous guettent et qui peuvent mettre en péril l’aboutissement de nos rêves pour nos enfants et petits-enfants !
La jeunesse est exigeante et pressée ! On pourrait y ajouter qu’elle l’a toujours été et le restera. Ces qualificatifs sont constitutifs de son ADN… Etant entendu que la « jeunesse » ne dure que le temps d’une fleur… Elle se fane vite, trop vite ! Il faut savoir en apprécier les bonnes senteurs, pour en conserver le doux souvenir dans l’autre versant de la vie !
Au demeurant, le droit d’exigence n’a de sens que s’il se fonde sur un devoir de responsabilité équivalent. Ce postulat est essentiel à rappeler dans le contexte de l’avènement d’une nouvelle, pour ne pas dire de la première véritable alternance politique qui vient d’intervenir au Sénégal le 24 mars 2024. Le séisme politique et social que nous sommes en train de vivre est annonciateur de ruptures profondes dont l’ampleur, mais surtout l’efficience, dépendront de notre capacité collective à les appréhender, pour maitriser les effets pervers éventuels de toute « Révolution ». Osons le mot !
Il faut dès lors dire, de manière haute et lucide, à tous ceux qui ont couru à travers les rues de notre pays derrière les leaders porteurs de leurs espérances, que voici venu le temps du labeur. Le temps de veiller, avec abnégation et don de soi, à l’éclosion des graines semées depuis tant d’années. Le temps de donner corps au « PROJET ». Chacun à la mesure de ses capacités. Où qu’il se trouve, sur chaque parcelle de notre territoire. Rien ne sera facile ni gratuit. Tout sera difficile et devra s’obtenir au bout d’efforts équivalents aux sacrifices consentis pour arracher le pouvoir et le rendre au Peuple souverain.
Il faut en effet avoir observé la lame de fond qui, depuis une dizaine d’années, a rassemblé la jeunesse sénégalaise à la pointe du combat autour d’une exigence populaire de reprise en mains de son destin. Ce, à travers une conquête progressive du droit à la parole, facilitée notamment par l’occurrence et le développement exponentiel des réseaux sociaux que nous évoquions plus haut… Des espaces de convergence, d’échange et de mutualisation des énergies sociales y sont nés. Des canaux d’expression des colères, mais aussi des rêves et des ambitions, y sont disponibles. Hors de tout contrôle. Chaque individu doté d’un smartphone, pour peu qu’il soit éloquent, habile ou tout simplement hâbleur, peut se tailler un auditoire et s’installer en qualité… d’influenceur ! Avec pertinence parfois mais, bien souvent hélas, avec impertinence… Les algorithmes ne savent pas encore faire le tri en cette matière ! Et c’est là le plus gros défi auquel vont faire face les nouvelles autorités. Comment canaliser l’énergie des jeunes pour la transformer en une puissance créatrice de sens et de réalités économiques et sociales tangibles ? Comment mutualiser les intelligences et les moyens à travers des hubs porteurs de projets dans tous les secteurs d’activités de notre pays ? Comment conquérir une place dans la nouvelle économie du monde en devenir ? Comment développer notre pays par une gestion vertueuse de ses ressources et une répartition équitable du fruit du labeur de tous ? Ces sujets doivent traverser notre corps social, de bas en haut, et inversement. Ils doivent être au cœur du débat public, en lieu et place des polémiques stériles qui épuisent tant d’énergies et créent des fossés artificiels entre gens d’« un peuple un but une foi ». Une entreprise profonde de réconciliation, des cœurs et des esprits, doit être lancée pour révolutionner les mentalités et vaincre l’impossible par l’inédit ! Un puissant appel doit être lancé à tous les créatifs et créateurs de notre peuple, dans tous les domaines, afin que « Cent fleurs s’épanouissent et que mille écoles rivalisent » comme le disait le père de la Révolution chinoise Mao Tsé Toung. Que de génies non encore révélés dans notre pays n’attendent que les conditions objectives d’éclosion de leurs talents ! Libérons les talents et les énergies ! Et ce pays va se réinventer.
Il convient donc, pour les nouvelles autorités de maintenir intacts les réseaux humains qui, jusqu’ici, leur ont permis de ressentir les pulsions du peuple et de faire corps avec ses ambitions les plus intimes. Fils et filles du peuple sénégalais profond, ils doivent garder la lucidité authentique des gens de la terre. Garder la proximité avec le réel, entretenir une capacité d’écoute, loin des flagorneurs et autres spécialistes du verbe mielleux et dangereux qui ont tant sévi dans notre pays.
Au fond, il s’agit pour nous, citoyens ordinaires, de prendre la pleine mesure de la Grâce divine qui a sauvé notre pays de la chute vers un inconnu insondable. Quel sénégalais n’a ressenti, au plus profond de lui-même, cette main invisible qui a touché, par sa Grâce, notre pays et son peuple ? Alors même que tous les facteurs de déflagration semblaient réunis, une quiétude inexplicable a envahi tous les cœurs. Une douce sérénité a empli tous nos esprits et chaque sénégalais a voté puis accepté, avec la conscience du devoir accompli, le résultat des élections. Une passation des Pouvoirs exemplaire s’en est suivie. Et notre Peuple est retourné à son quotidien, avec foi et espérance que, cette fois-ci, son mandat sera compris et exécuté ! Ce sont : cette Grâce, cette Foi et cette espérance qu’il nous faut mériter au-delà de nos options partisanes et politiques. Une opportunité historique se présente à nous pour traduire, en lendemains radieux l’avenir de nos descendants à qui appartient, de plus en plus, ce bout de terre, à l’extrême occident africain : Sénégal ! Sunugaal
Que chacun d’entre nous médite chacune des séquences que nous venons de vivre au plus profond de lui-même. En son for intérieur. Si nous voulons sincèrement changer le Sénégal, changeons, en nous et autour de nous, tout ce qui doit l’être ! Ici et maintenant ! Comme en écho à une invite lancée il y a quatorze siècles :
« … En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes… » Le Saint Coran Sourate 13 Verset 11
On commence quand ?
Amadou Tidiane WONE
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Écrivain-éditeur et panafricaniste, le blog d'Amadou Tidiane Wone prône une affirmation positive de l’identité africaine par une vision sociale, culturelle et politique.