27/02/2025
La roue tourne et à chacun son tour chez le coiffeur.
L’affaire Farba Ngom défraie toutes les chroniques. Longtemps perçu comme un homme puissant, proche de l’ancien président Macky Sall et détenteur d’une fortune colossale, Farba Ngom se retrouve aujourd’hui au cœur d’un scandale financier d’une ampleur inouïe. Son immunité parlementaire, jadis bouclier protecteur, a été levée, et il est désormais convoqué par le Pool Judiciaire Financier dans une affaire de 125 milliards, révélant ainsi les failles d’un système autrefois impénétrable.
Pendant le régime de Macky Sall, Farba Ngom était considéré comme l’architecte de réseaux de soutien, recrutant les « nervis » qui servaient de boucliers face aux casseurs, pilleurs et aux manifestants – notamment ceux affiliés à PASTEF, les patriotes, aujourd’hui figures du pouvoir. Cette relation de dépendance, qui faisait office de garant de l’ordre pour le régime, soulève aujourd’hui des questions profondes sur les liens entre pouvoir, protection et impunité. L’affaire Farba illustre parfaitement comment des alliances politiques peuvent conduire à l’accumulation d’un capital de pouvoir et de richesse, souvent au détriment de la justice et de l’intérêt général.
Dans une dynamique de revanche et de changement, le Premier ministre actuel, Ousmane SONKO, a récemment annoncé que Farba ne participerait plus à aucune élection, lors de la campagne des législatives dans sa propre commune. Ce geste, fort de sens, semble être une volonté de rompre avec un passé entaché de favoritisme et d’excès de pouvoir. Toutefois, il interpelle également : évitons de tomber dans le piège du karma inversé, où le pouvoir actuel ne reproduirait pas les erreurs du régime précédent en confondant ambition politique et revanche personnelle. Il est impératif de rester concentré sur les priorités promises au peuple sénégalais et de ne pas sacrifier la justice et l’intérêt public au profit d’un jeu de récriminations politiques.
Le gouvernement actuel avait d’ailleurs fait une promesse forte, tant en campagne présidentielle que lors des législatives, en annonçant l’abrogation de la loi d’amnistie. Cette mesure devait permettre aux victimes des événements tragiques survenus entre 2021 et 2024 d’obtenir enfin justice, brisant ainsi le cercle vicieux de l’impunité. Personnellement, la douleur demeure vive pour ceux qui ont perdu des êtres chers – moi-même ayant perdu mon ami, le rappeur Baba Kana, et avec 80 victimes répertoriées, l’horreur de ces événements reste inoubliable. Le souvenir de ces drames impose une responsabilité morale de ne jamais laisser la vengeance ou les intérêts politiques occulter le devoir de réparer les injustices et de rendre hommage aux victimes.
L’affaire Farba Ngom n’est pas seulement un scandale financier ou politique ; elle symbolise aussi le dilemme d’un pays en quête de justice et de transparence. La roue tourne, et il est grand temps que chacun assume sa part de responsabilité. Le chemin vers une véritable réconciliation passe par la rupture avec les pratiques de favoritisme et de protection aveugle, afin de bâtir un Sénégal où le pouvoir se mesure avant tout par sa capacité à servir le bien commun et à protéger les plus vulnérables.
Le temps pour le travail n’est pas le temps pour les déclarations.