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15/02/2025
Au printemps dernier, Santa me demandait d’écrire le texte qui allait accompagner la sortie de son premier album solo.
Ce soir, “Recommence-moi” est devenu l’album de l’Annee aux Victoires de la musique. Bravo Santa.
Je suis si heureux et fier de toi.
Voici ce que j’avais écrit :
SANTA
« Recommence-moi »
Phénomène blond aux joues striées de noir. Fantômette moderne, subtil mélange de Gal Gadot/Wonder Woman, Margot Robbie/Harley Quin et Blondie/Debbie Harry, femme forte, engagée-arc-en-ciel, tigresse de scène comme on en rencontre peu par génération, Santa est l’incroyable fille au milieu d’Hyphen Hyphen, trio qu’elle forme il y a une 10aine d’années aux côtés d’un copain de bac à sable, le guitariste Adam et de Line, bassiste, rencontrée sur les bancs du Lycée Macéna de Nice.
Hyphen Hyphen, c’est 3 albums, des dizaines de milliers de disques vendus, une Victoire de la musique, des centaines de concerts déchainés, la presse unanime avec, en parallèle, une prometteuse reconnaissance internationale.
Un calme soir d’automne, alors en plein travail sur ce qui va devenir le troisième album du groupe, Santa ose se mettre derrière un piano et présente à ses deux copains de lumière les compos qu’elle avait travaillées seule, en français. Bouleversés, Line et Adam vont alors pousser Santa à aller au bout du projet. C’est ainsi qu’il y a un peu moins de deux ans débarque sur les ondes un romantique OVNI intitulé « Pop corn salé », incandescente -et gonflée- balade à la poésie remarquée.
Il faudra plus d’un an à cette mélodie pour devenir un classique, un an et quelques acrobaties, souvenez-vous : Bruxelles, Place de la Bourse, suspendue a plus de 40 mètres, exploit réitéré à Cannes devant des millions de spectateurs en ouverture des NRJ Music Awards sur la plus grande chaine d’Europe, mais le message finit par passer.
Santa est une punk-rockeuse, on est tous d’accord là-dessus, mais surtout, une grande chanteuse de variété, de belle variété, de celles qu’on attend depuis longtemps : divine surprise.
Les « Enfoirés » ne s’y trompent et lui ‘filent un rencard pour ceux qui n’ont plus rien, sans idéologie discours ni baratin’, rendez-vous évident pour la jeune femme engagée et sans cesse en mouvement vers l’autre. Quelle prestation... Bienvenue chez les grands !
Dès lors, les choses s’emballent, en une imparable montée en puissance, voici qu’elle délivre : « Recommence-moi », irrésistible up-tempo qui nous renvoie direct dans les sensations qu’un certain Goldman suscitait au début des années 90 pour la plus célèbre des canadiennes. Chœur gospel (uniquement constitué de sa voix !), claps bien sentis, mélodie qui donne envie de danser, refrain de chanter, en un mot : un tube. Mieux, LE tube de l’été, c’est sûr.
Et puis cette voix, forte, claire, puissante et subtile à la fois. Ça rappelle quelqu’un. D’ailleurs, évoquer, sans la nommer la ‘Grande C’line’ n’est pas innocent. En bonne obsessionnelle, Santa est allée enregistrer ses voix dans le même studio que Céline pour l’album « D’Eux », utilisant le même endroit, la même tranche de la même console, et le même micro capté par le même ingénieur du son. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour elle, ça veut dire beaucoup quand on sait que Santa a joué tous les instruments, programmations et arrangements de cordes, chez elle, dans sa chambre, accompagnée à la prod par Line, sa meilleure amie et complice d’HH, sous le pseudo « Kid Sophie ».
Le tout mixé par deux des plus grandes pointures de la pop : l’anglais Dan Grech (Lana Del Rey) et Jérôme Devoise (Mylène Farmer). Rien que ça.
« Recommence-moi » est un disque réussi et cultivé, alliant maturité d’autrice-compositrice, production élégante, poésie, messages et performance vocale : un vrai grand album de chanson française assumée.
Vous y trouverez en mid-tempo typé 80’s un touchant autoportrait, « Eva », chanson mantra brillante ou tout est dit, ou presque : « Elle a quelques accords, mais ils sont bons, elle veut faire la révolution en chanson (...) Eva s’en va ». Quelques balades piano qui transpercent le cœur, « Paradis » qui ne sera pas sans vous évoquer la grande suggérée de l’album, Véronique Sanson, dont Santa s’inscrit naturellement dans la belle lignée, « Au Paradis les nouvelles sont bonnes, les chansons d’en bas y resonnent ». « Silverlake », chanson d’amour paranoïaque entre deux continents, un chef d’œuvre : « Y’a pas d’refrain quand t’es pas la, j’suis le début sans fin quand t’es pas là ». « La différence » et ses aériennes harmonies vocales peignant délicatement l’amitié, une chanson de variété dans ce qu’elle a de plus subtil et moderne. Modernité, parlons-en : « Ou va le temps qui s’en va », rythme trip hop mélancolique et douce poésie concernante car concernée.
« Chanter le Monde », profession de foi posé sur un tapis empruntant au disco ce qu’il a de mieux : mélodie et arrangements de cordes : « C’est plus un rôle, c’est ma vie, j’ai danse avec de drôles de drames, mais jamais jamais jamais perdu mon âme ».
Poignard dans le cœur final, deux masterpieces : « Les larmes ne coulent pas » le suave du précieux Christophe Willem, le grave des mots par Santa, harmonie à chialer : « Il reste du mal à me faire, chante le pour moi, garde tes larmes pour hier et chante avec moi (...) Donne-moi de ta voix, quelques éclats du pire, quelques éclats de toi et on se guérira ». Sublime. Enfin, « Qui a le droit », piano profond, cordes parfaites, groove-Sanson, envolées dignes du Grand Brel et poésie plaidoyer à distribuer dans les écoles. Peu de mots, pas de refrain, texte long séquencé par la répétition « qui a la droit », mots cathartiques, puissants, désespérés mais nourris d’espoir. Impossible d’en sortir intact.
La nouvelle chanson française a désormais un visage, celui de Santa.
Traits noirs sur les pommettes en moins
Éric Jean-Jean