22/08/2022
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🌐🇧🇯 BÉNIN / HISTOIRE : Les Amazones, guerrières du Royaume du Danxomè. Les faits historiques écrasent le mythe.
L’érection de la statue des Amazones du Bénin, continue de susciter plusieurs réactions dans l’opinion publique. On se souvient encore de la réaction du président Candide Azannaï, qui a affirmé entre autre que le Danxomé n’a pas eu d’amazones. Il a également condamné le fait que la statue soit érigée à Cotonou.
Dieudonné Awo, enseignant d’histoire à l’université d’Abomey-Calavi quant à lui, apporte plusieurs preuves, et contredit Candide Azannaï.
Les Amazones : mythe ou réalité ?
La plupart des anciens écrits existants sur la question : Robin Law, Neglected Account of the Dahomian Conquest of Whydah, 1727 ; Hélène d’Almeida-Topor, Les Amazones, une armée de femme dans l’Afrique précoloniale, 1984 ; Luc Garcia, Le royaume du Dahomé face à la pénétration coloniale (1875-1894), 1988 ; Jean-Yves Anezo, “Agoodjé, les femmes guerrières du Dahomey”, 2018 ; etc. s’accordent à reconnaître que les Amazones n’étaient que le fruit de l’imaginaire grec. L’étude de la littérature grecque de la période classique confirme aussi abondamment cet état de chose. Mais, les travaux de la célèbre historienne des Sciences et Technologie de l’Antiquité Adrienne Mayor, intitulé Mythologie : les fières Amazones ont bel et bien existé, parus en 2018, permettent de comprendre que le terme Amazone n’était pas un terme grec à l’origine. À en croire cette icône des sciences historiques de l’université Stanford et première chercheure à mettre en avant la théorie selon laquelle l’observation des fossiles antiques d’espèces animales éteintes inspirerait la création de créatures mythiques, les Amazones seraient, au départ, des femmes d’un authentique peuple ayant vécu au IXe siècle avant Jésus-Christ en Eurasie, précisément en Scythie sur le vaste territoire étalé entre la mer Noire et la Mongolie. Au sein de ce peuple, disait-elle, le mode de vie encourageait l’égalité ; ce qui fait que les jeunes filles comme les jeunes garçons étaient formés à aller à cheval, à tirer à l’arc, à chasser, à piller et à combattre contre des tribus adverses pour assurer leur survie. Leurs armes de guerre étaient constituées de dards, de javelots, de lances, d’épées et de haches à simple ou double tranchant. Il en était pareil chez les Huns, les Mongols, les Tatares, les Uzbeks et les Tadjiks, etc. qui étaient tous des peuples voisins.
Dès que les Grecs entrèrent en contact avec les Scythes au VIIe siècle avant notre ère, ils entreprirent, eux pour qui l’égalité entre hommes et femmes constituait un concept déconcertant, « le montage toute sorte de mythes visant à maintenir la femme au domicile familial dans des activités tels que le tissage ou la garde d’enfants au sein de leur propre société fortement patriarcale ». Homère introduisit alors pour la première fois le mot Amazone dans l’Iliade, la première œuvre de la littérature occidentale à laquelle l’Odyssée succéda. L’historien grec Hellanicos essaya, en 490 avant Jésus-Christ, un découpage phonétique du terme, prenant le radical « mazone » pour désigner le « sein » et le préfixe « a » la préposition adverbiale « sans ». Pour Hellanicos donc, Amazone (désignant une femme à forte poitrine en langue scythe ou mongole) serait une femme « privée d’un sein », le sein droit notamment qui lui permettrait de mieux armer et de tirer à son arc. De grands médecins grecs de l’époque tels que Hippocrate et Galien auraient soutenu l’idée d’une cautérisation au fer rouge ou l’excision du sein droit de ces femmes imaginaires dès leur tendre enfance. Ces « producteurs de mythes » furent contestés par certains de leurs contemporains. Aucun artiste de l’antiquité n’a intégré cette conception à ses travaux. Mais, elle prit une place importante dans l’imaginaire populaire grec jusque dans les années 1970 où les premières exhumations de kourganes (les tertres funéraires scythes), réalisées dans les années 1940, subirent des tests ADN et révélèrent que certains squelettes retrouvés avec des lances, des flèches, des haches et des chevaux appartenaient à des femmes. En 1980, un tiers des femmes scythes exhumées portaient sur leurs os des traces de blessures reçues au combat : côtes tailladées, crânes fracturés et bras cassés). En Arménie en 2017, des archéologues mirent au jour un squelette de femme portant une pointe de flèche plantée dans le fémur et d’autres séquelles caractéristiques des champs de bataille. Vers la fin de 2019, les fouilles menées dans la province russe de Voronej (où les Grecs auraient rencontré les Scythes) ont offert à la curiosité une dépouille de femme quarantenaire, ayant vécu au IVe siècle avant notre ère et enterrée en position de cavalière. Ces diverses grandes trouvailles archéologiques remettent en question toute la mythologie entretenue autour des Amazones dans la culture grecque.
La chasseresse devenue guerrière au Danxomè
Certaines sources orales (Daah Agnanmou Agoli-Agbo, Daah Goounha Mêlé Glèlè, Daah Bachalou Nondichao) et écrites : Dr. A. Répin (1830), J. Alfred Skertchly (1871-1872), Robin Law (1750) affirment que le roi Houégbadja eut recours à des femmes appelée gbétô pour chasser l’éléphant dont les défenses et la viande relevaient les fêtes royales. L’implication des femmes aux opérations militaires remonte au règne d’Akaba (1685-1708) et à l’initiative de Tassi Hangbé, sa sœur jumelle qui a aussi initié un dualisme institutionnel très original qui consistait à associer à tout fonctionnaire royal un homologue femme. La pratique s’est poursuivie sous le règne d’Agadja qui se servit d’une colonne de femmes pour détruire le royaume Sahè de Houffon en 1727 (Le Sieur Ringard) et repousser définitivement le souverain vaincu de Gléwxé (Ouidah) en 1729 (J. Melville Herskovits renchérit par Alfred Burdon Ellis). Mais, ce fut le roi Kpengla qui, le premier, leva une armée régulière de 800 femmes (Frederick E. Forbes, 1840). Le corps des femmes guerrières s’épaissit au fil des successions et atteignit 5 300 femmes sous le règne du roi Guézo puis amorça son amincissement pour ne rester que 2 700 au départ du roi Béhanzin en 1894.
L’incorporation des femmes dans l’armée danxoméenne tenait essentiellement de la nécessité, pour les rois de soulager le rétrécissement de la population masculine provoqué par la guerre et à la préférence pour les hommes dans la traite des Noirs qui battait son plein à la côte. Pour parer au dépeuplement des hommes, les souverains étaient obligés d’opérer des ponctions régulières au sein des femmes (en surnombre) pour assouvir la vocation martiale du royaume (Commandore Arthur Parry Eardley Wilmot, 1862-1963). En dehors des filles d’anciennes guerrières qui héritaient d’office du métier de leur mère, les recrutements au profit des différents régiments d’Amazones s’appuyaient sur trois sources essentielles : les dons, la répression et la ponction. Les dons concernent les jeunes filles vierges que les chefs à divers niveaux de la hiérarchie administrative (Togan, Tokponlagan, Ahissinon, Dénugan, Donkpègan, etc.) livraient à cœur joie au roi qui était le Maître absolu des biens et de la vie de ses sujets. Certaines grandes familles (nobles et princières notamment) éprouvaient du plaisir à donner l’une de leurs filles au roi afin de mériter son estime et accroître leur influence et prestige au palais. Ces filles ainsi offertes à la couronne étaient irréprochables : très belles formes physiques, intelligentes, athlétiques et indemnes de toutes affections. La répression, quant à elle, offrait aux régiments des femmes accusées de crime ou d’adultère et condamnées à la peine capitale que le roi décide de racheter. On y trouvait aussi de jeunes épouses de gens ordinaires, incorrigiblement incontinentes, dévergondées et incontrôlables qui sont soustraites aux obligations du mariage et remises au roi pour être intégrées au corps des Amazones. À celles-ci s’ajoutaient les filles désobéissantes, récalcitrantes, acariâtres et irrécupérables que les familles signalent au roi pour être prises en charge (Hélène d’Almeida-Topor, 1984) ainsi que les jeunes femmes esclaves fortes de caractère, irréductibles aux travaux de ménage et qui ne purent être vendues au négriers. La troisième catégorie provenait des ponctions triennales que Kpakpa, un fonctionnaire de la cour chargé d’opérer pour le compte du palais. Ce contingent était également composé de jeunes filles vierges méticuleusement choisie dans les familles et jugées aptes à entrer au service du roi. Bref, les femmes guerrières du Danxomè provenaient de toutes les couches et de toutes les conditions sociales.
: Africa Zoom.