27/03/2024
Sortie Cinéma - Kung-Fu Panda 4 + Interview
Après trois films tous aussi excellents les uns que les autres, il était risqué de s’aventurer une nouvelle fois dans les pattes du guerrier dragon ! Et le résultat dépasse même les attentes tant c’est un bonheur de retrouver Po avec une animation sublime.
Po refuse de se désigner un nouveau guerrier dragon. Il aime trop sa vie de redresseur de tort. Mais sa rencontre avec Zhen la renarde voleuse l’emmène dans la grande ville à la rencontre d’un méchant terrifiant : la Caméléone.
De nombreux artistes français travaillent sur le film. Nous avons rencontré deux d'entre eux : Patrick Giusiano et Ludovic Bouancheau, tous les deux chefs d'animation.
Animascope : Qu'est-ce que représentait Kung-Fu Panda pour vous ?
Patrick : C'était un rêve d'enfant. Je me souvenais du premier film. C'était un personnage qui nous ressemble. Comment arriver à faire quelque chose d'impossible. Quand on rêve, c'est arriver à se dépasser. Et puis bon, bien sûr, du kung-fu, c'est le fun. Quand on m'a proposé d'animer ce film, c’était presque un retour vers le futur. Je peux me réintroduire dans quelque chose qui me faisait rêver. Et je n’imaginais pas que je travaillerais un jour dessus.
Ludo : Pour moi, je me souviens avoir vu genre une image dans la presse. C’est ce qui m'a donné envie de bo**er à DreamWorks. Je n'ai malheureusement jamais réussi à bo**er sur le premier et le deuxième. Et sur le troisième, c’était l’une des meilleures productions que j'ai faites, parce que j'aimais vraiment l'équipe et c’était une super expérience. Le personnage que sur lequel je travaillais était vraiment super. Et tout simplement, le premier Kung-Fu Panda est le meilleur film du studio.
Animascope : Qu'est-ce qui vous plaît dans le personnage de Po ?
Patrick : J’aime bien le fait qu’il ne soit pas en contrôle. Il ne sait pas vraiment ce qu'il fait. Du fait que ce soit un panda, du fait qu'il ait beaucoup de cœur, il va jusqu’au bout et on n'a jamais vraiment peur pour lui. Il y a un petit côté rassurant.
Ludo : C'est vraiment un personnage hyper sincère. Le truc c'est qu'il est fan de kung-fu. Il est juste à fond dedans et quand on veut lui donner, il dit que ce n'est pas sa place. C'est un personnage honnête et en plus c'est un personnage qui touche à des thèmes qui ne sont pas faciles à aborder. C'est l'un des personnages les plus les plus charmants de l’animation. Et effectivement, la voix de Jack Black apporte encore plus ce côté attachant.
Patrick : Dans le film, on a un plan où le caméléon se transforme en un espèce de caméléon géant vraiment effrayant. Et la première chose que Po dit c'est : « Oh, c’est génial ! » Il kiffe ce qui se passe plus que le danger lui-même ! Et ça c'est vraiment beau en fait.
Animacope : Vous étiez plusieurs leads en animation. Chacun, vous vous êtes concentrés sur quelles scènes et quels personnages ?
Patrick : Pour ma part, j'ai supervisé Zhen avec mon ami Laurent Caneiro, donc un tout nouveau personnage. Le but était de trouver quel était ce personnage, la manière dont elle bouge, sa relation avec Po. Puis, on a chacun supervisé des séquences. La séquence la plus marquante, ça aura été de superviser la séquence sur le pont où elle se bat avec Po. C'est un petit peu une dualité, parce qu'elle se bat contre lui pour l'empêcher de mourir. On se retrouve dans une situation où elle se bat avec son ami. Mais en même temps, ça frappe.
Ludo : Alors moi, de mon côté, j'étais sur le caméléon, le méchant. J’ai passé une grosse partie de la production à travailler sur la transformation, et aussi la scène du Po contre Po.
Il fallait vraiment essayer de rendre le personnage de Cameleone unique. On avait trois films avant, trois vilains différents. On ne va pas refaire le même vilain. C'était aussi un personnage compliqué techniquement. Elle est toute petite à l'écran, mais elle est vraiment hyper complexe. Et puis la transformation. Il y a beaucoup de choses qui a été fait par l'animation. Bizarrement c'est assez stressant. Et les retours sont bons.
Patrick : Je pense qu'elle est complètement atypique en fait. La manière dont elle bouge, sa petite taille, ce design qui la suit, cette longue robe et toute la complexité que ça peut apporter, sa longue queue, le fait qu'elle utilise sa langue. Moi c'est un de mes les méchants préférés.
Animascope : Comment s’est passé le travail avec les autres départements pour la transformation ?
Ludo : La relation avec les départements s'est définie au tout début du film, avant même qu'on commence la production. On est en phase de développement. Il va falloir trouver un système qui fonctionne, où va se trouver le gros du travail. C’est un aller-retour constant. L'idée est de définir une manière de travailler, de savoir à quel moment l'animation renvoie les choses aux FX, à quel moment les FX prennent tout. Il y a aussi toute cette toute cette partie où nous on va animer, moi, je vais certainement avoir des notes, le head of animation aussi le head of character va avoir des notes, le réalisateur va avoir des notes. Et quand c'est envoyé aux FX, le superviseur FX a des notes, le production designer a des notes et le réalisateur va avoir des notes sur la partie compo... Donc il y a énormément d'étapes comme ça. Pour la transformation, on avait une task force, on avait un groupe de gens, on avait une réunion toutes les semaines pour parler des plans. Mais après, tous les plans sont un peu spécifiques. La manière de travailler sur un plan, par exemple quand elle se transforme en éléphant est complètement différente de quand elle se transforme pendant qu'elle se bat.
Patrick : Je pense que le plus gros problème qu'on a eu de notre côté, ça aurait été avec les habits. On a, dû à chaque plan, redessiner sur les habits le caméléon pendant qu'elle se transforme ou qu’elle bouge, tout comme Zhen. Il fallait essayer de diriger artistiquement les choses plutôt que de laisser la machine décider pour nous. C’est ce qui rend les choses plus jolies qu'une simple simulation.
Animascope : Il y avait beaucoup de chef animateurs français. Comment ça s’est passé entre vous ?
Patrick : On était cinq superviseurs. Aux États Unis, c'est une autre culture où on va tout le temps dire tout ce qui va bien dans quelque chose. Il y a un côté valorisant à l'animation. Cela dit, quand quelque chose va mal, c'est très difficile de le savoir et c'est difficile de réorienter l'animation. Alors qu’en France, c'est beaucoup plus brutal. Nous avons appris à dire de manière gentille et diplomate les choses tout en trouvant des solutions. J’espère qu'ils apprécient ça chez nous, je pense.
Patrick : Et puis il y a plein de fois où les choses ne changent pas juste parce que parce que ce n’est pas pointé du doigt. Tu dis je ne veux rien dire, tu l'as dit trois mois après, ils te disent : « Ah, mais carrément on aurait dû faire ça ! » Donc au bout d'un moment, même dans le procédé de l'animation, c'est bien de pouvoir le dire tôt.
Ludo : Ça fait partie de notre travail. Nous sommes les plus proches de ces personnages. Donc, à un moment donné, si on pense qu'on trahit le personnage, il faut qu'on le dise, parce que c'est nous qui en sommes garants.