27/05/2021
Une bonne infographie du collectif FRACAS.
Il y a néanmoins un endroit où nous sommes en désaccord.
La définition de l'allié comme quelqu'un "qui n'est pas impacté-e négativement par l'oppression" est plutôt fausse. On sait que les situations d'oppression systémiques impactent négativement les oppresseurs, (même si elles les impactent positivement aussi, évidemment).
On sait que le patriarcat impacte négativement les hommes, ne serait-ce que par l'intégration, parfois contrainte, de normes de genre qui ont sur eux des effets néfastes (c'est ce que désigne, originellement, la "masculinité toxique" : des normes masculines qui empoisonnent les hommes). De manière moins connue, il y a également des travaux sur la manière dont la blanchité affecte les Blancs de manière négative.
Et, bien sûr, la négation de ces faits participe à la reproduction des rapports de domination : l'oppression a besoin, pour perdurer, que l'oppresseur se coupe de la manière dont elle l'impacte négativement. Définir un allié comme quelqu'un "qui n'est pas impacté négativement par l'oppression" mais qui choisit tout de même de s'engager contre, c'est renforcer cette aliénation à l'endroit même où elle devrait être combattue.
Il semble plus juste et plus sain de voir les alliés, et de les encourager à se voir, non pas comme des gens qui ne sont pas affectés négativement par l'oppression contre laquelle ils s'engagent, mais comme des gens qui sont affectés par elle depuis une autre place : celle de l'oppresseur.
Il ne s'agit même pas de dire que les alliés sont affectés "plus positivement que négativement" par l'oppression. Une telle affirmation partirait du présupposé que la position d'oppresseur est nécessairement enviable, que l'oppresseur devrait, rationnellement, être nécessairement content de l'être.
Si la position de l'opprimé est presque nécessairement pire que celle de l'oppresseur, il me semble plus sain d'affirmer que la position d'oppresseur n'est pas forcément bonne pour autant, comparé à une relation égalitaire, saine et libre.
Partant de là, on peut voir les alliés comme des personnes luttant contre une oppression systèmique depuis la position d'oppresseur, tout simplement parce qu'ils n'en veulent pas. Parce qu'à choisir, dans ce que ça leur apporte et ce que ça leur coûte, ils préfèreraient vivre des relations plus saines et plus égalitaires. Parce que la liberté qu'on vit dans des relations harmonieuses a plus de valeur à leur yeux que la liberté que leur procure l'oppression dont ils bénéficient.
Bref, désalienner les alliés (c'est-à-dire, du même coup, se désalienner en tant qu'allié), c'est être capable de les penser comme se battant avant tout pour eux-mêmes - mais qui ont une vision de leurs intérêts qui les fait coïncider avec les intérêts des opprimés.
Ce qui, normalement, est ce qui devrait caractériser une relation d'alliance : une relation entre deux personnes qui ne sont pas dans le même camp, n'ont pas forcément toujours les mêmes intérêts en soi, mais qui se reconnaissent comme des égaux et qui s'engagent dans une lutte commune dont ils reconnaissent qu'elle sert leurs intérêts à tous les deux.