15/04/2024
Critique de "La Vie en Rose" de Francesco and The Black Swans par Plus PROG de Vous.
"Cette formation délivre un Rock Progressif pur jus, virtuose, imagé, racé en totale osmose avec les paroles poétiques et humanistes. Les atmosphères nuancées, rendues avec un cœur gros comme ça, ornementées de fulgurantes interventions bien intégrées, participent à l’émoi que génère les écoutes de cette œuvre."
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“La Vie En Rose”, tout le monde l’a en tête, est un des grands succès d’Edith PIAF. Ecrite en 1945-1946 en plusieurs étapes, elle parle d’amour, c’est évident, mais le timing fait qu’elle accompagnait aussi d’une fin de guerre que l’on avait nommée « La Der des Der».
Las, depuis de nombreux conflits ont éclatés un peu partout.
Au premier trimestre de cette année 2024 ce sont 10 luttes armées de forte intensité qui sont en cours, d’autres, plus larvées, n’ont guère les honneurs de l’ «information». Comme toujours, ce sont les populations qui grossissent le nombre affolant des victimes, dont un pourcentage écœurant d’enfants.
«La Vie En Rose» de FRANCESCO AND THE BLACK SWANS (18 mars 2024) m’est tombé dans l’oreille…pour ne plus en ressortir.
Vous vous en doutez depuis quelques instants, il s’agit d’un concept-album. Et pas n’importe quel concept.
L’attentat aveugle et monstrueux de Nice le 14 juillet 2019 a interpellé Francesco BUONO a qui sont venues les interrogations suivantes: "quelle est la place de l'enfant dans le genre humain actuellement? Quelle est la condition de l'enfant dans les zones de conflits à travers le monde ? Quels sont les droits de l'enfant et quelle est sa place dans une société ou écraser le plus faible est normalisé?»
En réaction, il a composé «Set The Children Free» qui a été plus que bien accueilli dans la communauté «Prog», relayé par le fan club Pink Floyd mondial, diffusé sur plus de cent web-radios et a cumulé 231 947 vues au moment de cette publication. (liens en commentaire)
Ensuite est venue la chanson «You Have To Hold On» (109 000 vues) qui peut se résumer à cette phrase: «Les réseaux sociaux permettent à chacun de rester connecté au monde et pour autant, jamais l’individu ne se sera senti si seul.» Francesco BUONO (lien en commentaire)
La thématique s’étoffe, s’élargit, englobe les malaises actuels. Le concept d’aliénation sociétale est le cœur de ce projet qui aborde des questions telles que: la condition de la femme et de l’enfant dans la société, la corruption politique, le consumérisme, la perte d’identité sociale et culturelle chez l’individu. La vie en société y est décrite de manière crue et objective.
C’était le prémisse à «La Vie En Rose» qui rassemble des compositions (11, toutes dues au maître d’œuvre) étalées sur une longue période et dont la mise au point, finalisation, mémorisation, interprétation et immortalisation aura pris 2 ans.
Un narrateur omniscient sert de fil conducteur. Il suit une certaine chronologie, passant en r***e les névroses générées par un dictat sociétal généralisé, dans un voyage au cœurs de nos maux.
Le périple débute, fort logiquement, par «Set The Children Free» qui constate amèrement l’absence de droits des enfants; premières victimes comptabilisées des conflits armés. Les survivants, une fois adultes, seront dans quel état mental? Quelle sera leur place dans une société de plus en plus malade? La chanson est lente, grave, structurellement simple mais va droit au but, avec un chant concerné, consterné et un solo de guitare mélancolique.
C’est en mid tempo appuyé que s’annonce «Political Disease» pour dénoncer une classe politique sans ampleur de vue, égotique, ne cherchant que le pouvoir (et le conserver par tous les moyens) au mépris (à peine voilé) de la population qui, si elle s’unissait, pourrait affronter les problèmes socio-économico-culturel et soigner la société. C’est plus enlevé, la paire basse/batterie se montre propulsive, comme mue par un volontariat viscéral. Après le pont vient une très jolie démonstration instrumentale.
Cruelle. Très cruelle est la perte d’un enfant et cette expérience qui a influencé «Lost»*. Avec les voix de sa fille Vittoria et de son épouse Julie, Francesco tisse une trame dramatique bouleversante. La pièce, angoissante, s’étire en sons déchirants et cris alarmants. C’est immersif, prenant, et très émotionnant.
* Le lien qui mène à la vidéo de cette «rencontre» virtuelle entre une mère inconsolable et sa fille décédée figure dans les commentaires. Personnellement je n’en ferai pas sur ce sujet.
La période Covid a laissé des traces dans le psychisme de nombre de personnes. «Everything is Nothing» rappelle les névropathies engendrées par l’isolement, les infos-slogans, l’abondance soudain inutile, le repli. Fort beau travail en synergie claviers/ guitare soutenu par un tempo plus rapide et bien marqué.
Une enfance malheureuse remémorée. L’instabilité mentale, les absences, la violence abordée du point de vue de la victime. Magnifique plage lourde, éprouvante très poignante superbement interprétée avec sensibilité et feeling : «Mother».
La plage titulaire est, vous vous en doutez, l’antithèse de «La Vie en Rose». Violences intrafamiliales et questionnements sur ceux qui sont devenus des bourreaux sont au centre des paroles. Cette plage qui interpelle à tout point de vue, est soulignée d’un solo de guitare lumineux, à fleur de peau.
La pensée, la vraie, la seule, l’unique nous est-elle infusée par les réseaux sociaux? «Le temps passe, chaque minute de vécue est une minute non vécue d’un point de vue accomplissement de soi». Cette exhortation à se retrouver, à s’accomplir («You Have To Hold On»), est insérée dans une ligne mélodique addictive, élaborée, avec effets de voix, orchestration étoffée et variations sur thème.
Complexe - et pour cause - «Something Inside Of Me» nous met à l’écoute d’une personne schizophrène au discours forcément peu cohérent (il s’adresse à un autre imaginaire, un écho se fait entendre), sorte d’image vivante de notre société. Très architecturée, cette plage mélange ligne claire et tortueuse, moment ordonné et chaos, calme et tempête lorsque, en fin de morceau, une crise plus importante se manifeste.
Place aux légendes! Celles que chacun se crée pour tenter d’enjoliver sa vie. Celles qui ont aidé, de l’extérieur, par leur Art, à l’embellir. Notre narrateur évoque les piliers du Rock Moderne (PINK FLOYD, THE BEATLES) qui ont participé à la libération des esprits, à l’acquisition d’une pensée positive, à nous retrouver. Avec ses touches psychédéliques en pointillé, «Legends» se montre entraînant et irrésistiblement fédérateur.
«Time» utilise ses 9 minutes pour nous narrer, rappeler, en trois parties:
a. Les errements des pouvoirs publics, des médias, qui ont imposés une vue unique sur la pandémie Covid 19.
b. Le cas d’un malade isolé, en fin de vie, que personne ne pourra venir saluer.
c. La mort ayant fait son œuvre, le narrateur nous ramène dans un monde où la douleur, la tristesse et la peur ne sont plus que souvenirs lointains.
Une pièce à tiroirs s’imposait. Elle alterne différents passages qu’emprunte la composition pour explorer plusieurs motifs, insérer des effets sonores, laisser libre cours aux instruments solos pour dialoguer de manière talentueuse.
FRANCESCO AND THE BLACK SWANS clôture l’album sur une note positive et optimiste en dépeignant la transformation de ce personnage très malmené au point d’être (de s’être?) privé d’amour jusqu’à la rencontre avec l’âme-sœur qui le révèle et le libère. «Requiem, Mon Amour» se montre doux, aérien, rêveur, porteur d’espoir.
Je ressors très secoué des écoutes de «La Vie En Rose». Francesco est d’une lucidité implacable et son constat, certes amer, est une piqûre de rappel fortement dosée et salutaire. Son chant incarne chaque émotion d’une façon émouvante.
Ce projet, composé de:
Harry WATERS (PINK FLOYD, Nick CAVE, Eddie VEDDER) aux claviers
Indria SARAY (ALCEST) à la basse
Eric LEBAILLY (Louis BERTIGNAC, ADAGIO) à la batterie
Francesco BUONO aux guitares, lap steel, claviers, piano, Theremin et chant
Cette formation délivre un Rock Progressif pur jus, virtuose, imagé, racé en totale osmose avec les paroles poétiques et humanistes. Les atmosphères nuancées, rendues avec un cœur gros comme ça, ornementées de fulgurantes interventions bien intégrées, participent à l’émoi que génère les écoutes de cette œuvre.