12/02/2024
ISRAËL, LA FRANCE ET LA COLONISATION
Emilie Gomis, basketteuse française, est accusée d'apologie du terrorisme. En cause, une publication sur Instagram : on y voit une carte de France en 1947, 1967 et en 2023. Le drapeau français est progressivement remplacé par le drapeau israélien avec cette question : "Que feriez vous dans cette situation ?" Emilie Gomis, médaillée d'argent aux JO de Londres en 2012 a été obligée de démissionner de son poste d'ambassadrice des JO de Paris et a présenté ses excuses. Depuis l'attaque du 7 octobre, le conflit israélo-palestinien déchire les Français.
I) Un conflit qui touche la France depuis longtemps
Comment la création de l'État d'Israël en 1948 a été accueilli en France ? Le gouvernement comptait des hommes qui soutenaient le projet sioniste : le président du Conseil, Robert Schuman et le ministre des affaires étrangères, Georges Bidault. La France, par sa tradition de fille aînée de l'Eglise et protectrice des lieux saints, a gardé un œil sur la Palestine. Au sortir de la guerre, la communauté juive est heureuse de la création de l'État d'Israël. La France a donc fourni des armes et des ports pour leur stockage et les navires de guerre. En 1956, elle participe aux côtés des Anglais et des Israéliens à la récupération du canal de Suez. La France en sortira humiliée après l'intervention des États- Unis et des Russes. Mais la guerre de 1967 va tout changer. Le général de Gaulle considère qu'Israël est allé trop loin. Les résolutions de paix de l'ONU ne sont pas respectées, Israël étend son territoire et les relations avec les pays arabes se crispent. De Gaulle ordonne de cesser les livraisons d'armes. Cela génère une crise diplomatique qui ne prendra fin qu'avec Giscard et les accords de Camp David en 1978. Entre temps, la communauté arabe grandit en France sous l'effet de l'immigration de travail. Les comités Palestine apparaissent et ont eu un grand retentissement en 1967 et durant les évènements de mai 68.
En 1982, l'attentat de la rue des Rosiers fait six morts dans un restaurant juif. Il est l'oeuvre du Fatah Conseil Révolutionnaire (FCR), organisation terroriste palestinienne opposée à l'OLP. En 1980, l'attentat de la rue Copernic à Paris contre une synagogue avait déjà mis le feu aux poudres. L'auteur présumé : un Palestinien d'origine libanaise.
II ) La communauté juive divisée
Le CRIF est créé en 1943. Il ne fait pas parler de lui jusque dans les années 1970. En 1977, sa nouvelle charte considère Israël comme "l'expression privilégié de l'être juif". Puis viennent les attentats à Paris. En 1982, Théo Klein, résistant et président du CRIF, va lancer un nouvel élan. Il déclare qu'Israël "a un seul ambassadeur en France". Et en 1985 il instaure le fameux dîner du CRIF auquel se presseront les politiques en vue, excepté l'extrême-droite et l'extrême-gauche. Il devient un acteur diplomatique et transnational. Mais il ne tente plus d'œuvrer à un rapprochement entre Israéliens et Arabes. Il s'aligne sur les positions de Tel Aviv. C'est dans ce contexte qu'apparaît en 1994: l'Union juive française pour la paix. Cette institution souhaite garantir la paix entre les deux peuples : soutien à la création d'un État palestinien et fin de la colonisation sont leurs maîtres mots.
A partir des attentats de New York en 2001, les positions du CRIF se durcissent. En 2004, l'un de ses membres évoque lors d'une réunion sa crainte de "l'islamisation de la France". Un climat de peur lié à la montée du terrorisme islamiste s'installe. Petit à petit, les relations entre le Crif et les partis de gauche se détériorent et Roger Cukiermann, son nouveau président, s'engage aux côtés de la droite, jusqu'à l'élection de 2007 et au soutien à peine masqué à Nicolas Sarkozy.
Cette stratégie de soutien systématique à la politique des divers gouvernements israéliens a sans doute isolé le Crif et semé la confusion pour une partie des français juifs pratiquants ou de culture juive qui refusent aujourd'hui de se reconnaître dans cette institution.
III) Quelle est la situation actuelle ? Des brèches dans l'unité nationale.
La France compte des communautés juives et musulmanes. Le conflit israélo-palestinien et l'émergence de groupes islamistes internationaux violents comme Al Qaeda et Daesh ont contribué à crisper les relations entre les deux. Les attentats de Mohamed Merah à Toulouse en 2012, de Paris en 2015 et Nice en 2016 n'arrangent rien. L'antisémitisme et l'islamophobie se développent. Nos élus profitent parfois de cette situation et l'instrumentalisent à des fins électoralistes.
Le 16 juillet 2017, jour de la commémoration de la rafle du Vel d'Hiv, le président Emmanuel Macron a déclaré : " L'antisionisme est la forme réinventée de l'antisémitisme." Si des personnages comme Dieudonné peuvent confondre les deux, ce n'est pas le cas de tout le monde. Critiquer la politique coloniale de l'État israélien ne fait pas de nous des antisémites.
Lors des commémorations des victimes de l'attaque du 7 octobre, un geste n'est pas passé inaperçu : Meyer Habib, député Renaissance, partisan du régime de Netanyahou, a fait la bise au président du RN : Jordan Bardella, et aurait invectivé Manuel Bompard, haut cadre de la France Insoumise. Le symbole est fort. L'invitation du RN à la cérémonie et ce geste participent à la normalisation de l'extrême-droite.
Aujourd'hui, la situation est complexe. Pour des raisons politiques, Emmanuel Macron place la France Insoumise hors du camp républicain en traitant ce mouvement politique d'antisémite. Le Rassemblement national qui puise ses racines dans un nationalisme xénophobe et antisémite est invité à une marche contre l'antisémitisme. C'est le monde à l'envers. En France, dire que l'attaque du Hamas le 7 octobre est une révolte contre le système colonial israélien c'est se mettre à dos les autorités policières et judiciaires. La France s'aligne donc sur les positions des États-Unis et du gouvernement israélien. Un gouvernement clairement d'extrême droite. La riposte du Hamas a été sanglante et barbare. Mais l'armée israélienne n'a t'elle pas commis des viols sur des femmes palestiniennes ? N'a t'elle pas tué des enfants ? Le massacre continue et il n'est pas prêt de s'arrêter. Un génocide est bien en cours, l'ONU vient de le reconnaître.
Sources:
https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-crif-75-ans-d-histoire-engagee-4584935
https://www.cairn.info/r***e-relations-internationales-2006-3-page-25.htm
https://www.cairn.info/r***e-confluences-mediterranee-2013-3-page-197.htm
Francis Khalifat, président du Conseil représentatif des israélites de France, estime que ni le FN, ni la France insoumise ne sont les bienvenus à la marche blanche qui rend hommage ce mercredi à Mireille Knoll. Retour historique sur une institution dont les positions font parfois débat.