05/11/2024
Lettre ouverte au Journal "Le Bien Public"
Ou pourquoi "Bazar" mériterait d'être entendu
Chers gardiens des colonnes et dépositaires du mot,
Dijon a vu naître mille échos, mille histoires, chaque pavé de cette ville vibre sous les pas des récits tus, des destins scellés et des secrets murmurés. Mon roman, intitulé Bazar, est de cette essence-là, un souffle tiré du tumulte, de la poussière et des rêves éclatés. Pourtant, à l'ombre de vos pages, le cri de mon œuvre s'étouffe, muet, invisible, comme condamné à l'oubli.
Pourquoi pas mon roman ? Cette question ne cesse de résonner, telle une rengaine lancinante, une note dissonante dans le grand orchestre des récits officiels. Que faut-il donc pour qu'un livre vienne se lover entre vos lignes, pour qu'un auteur – simple orfèvre des mots – voie son univers étalé sous vos feux ? Faut-il un éclat prestigieux, un nom doré d'éloges ou une plume dûment certifiée par les saintetés littéraires ?
Bazar n’est pas un livre parfait – car il ne cherche pas à l’être. Il est brut, écorché, il est le reflet d'une humanité qui vacille, d’un monde qui s’effondre et se relève. Il ne vous caresse pas dans le sens du grain : il griffe, il secoue, il interpelle. Il est le miroir tendu aux âmes vagabondes, l’ombre des passés oubliés et des avenirs incertains. Mais n’est-ce pas là, précisément, la fonction de la littérature ? N’est-ce pas le rôle d'un journal local de tendre l'oreille, d'ouvrir sa tribune à ceux qui n'ont pour eux que leurs mots pour exister ?
J’accuse la bien-pensance des choix éditoriaux, cette mécanique sélective où se jouent les destinées de chaque voix et où la valeur d’un cri se mesure à l’échelle d’un moule invisible. J’accuse l'indifférence qui nie à l’art brut le droit d’exister dans sa rugosité, qui esquive l’audace en la drapant d’un silence feutré.
Si mes pages sont un bazar, c’est parce que la vie elle-même l’est, et parce qu’elle ne connaît ni ordre ni raison. Alors je vous pose la question : en refusant ce roman, n’est-ce pas la part humaine, imparfaite et pourtant nécessaire, que vous laissez au seuil de votre temple de papier ?
À vous, donc, ces mots qui réclament, ces phrases qui résonnent, cette clameur d'un auteur en quête d'une place, d'une reconnaissance. Que ce Bazar trouve enfin son écho, ou qu’il meure, mais au moins, qu’il soit.
Respectueusement révolté,
Julien Perez