03/03/2022
Chronique "Fiji péi" - Tous droit réservés
Lionne des îles.
Que j’ai pris plaisir à m’intéresser à Davina !! Femme martiniquaise, fièrement plantée dans la terre, elle emprunte le chemins des anciens et y sèment ses graines avec une joie et une détermination intarissables. Je suis comme une enfant devant une sorcière.
Bonjour Davina. Raconte nous...Quelles sont tes origines et comment l’amour de la terre est entré dans ta vie ?
Je m’appelle Davina Telephe. Je suis née en Martinique, à la Trinité, d'une mère pointoise et d'un père lorrinois , 5ème d’une fratrie de 8 enfants.
Petite, quand j’allais en vacance dans la famille, notre oncle M. Régina nous emmenait sur son terrain pour l'aider à planter et à nettoyer. Mais "lè ou piti ou paka pwan konsians ki sé an bon bagay pouw sé an fawdo" (quand tu es petit tu ne prends pas conscience que c’est une bonne chose pour toi, c’est plutôt un fardeau).
Mon père nous a toujours inculqué de manger local, "manjé sa nou ka planté, sé sa djérizon nou" (manger ce que nous avons nous même planté , c’est là que se trouve notre guérison) nous disait t-il.
Il vivait sans aucune religion ni philosophie simplement en connexion avec la nature .
Et c’est cette enfance qui t’a conduite aujourd’hui à cultiver ton propre jardin...
À l'âge de 15 ans , je suis partie en France pour des études de comptabilité , et c'est à ce moment là que j'ai compris tout le sens de cette phrase prononcée si souvent par mon père!!
Après 2 années passée en France, je suis rentrée chez moi, en Martinique, où se trouvait tout ce dont j'avais besoin: la nature, ma plus grande richesse!!
Dans sa jeunesse ma mère avait hérité d'un terrain, de sa marraine. Notre enfance, nous l'avons passé là, à Basse-pointe, en campagne. C’est à ce moment que j’ai eu le projet de le reprendre en main.
Pour cela, j'ai eu la confiance et le soutien de quelques personnes qui m'ont enseigné l’agriculture.
Mes débuts ont été guidé par M. Demonière qui m’a transmis le maraîchage , et par M. Duclovel Georges qui m'a tout appris dans le milieu bananier.
La personne qui m'a éclairée pour le lancement de mon projet est un ancien, un sage pour moi, M.Félicien DUCTEIL. Il m'a enseigné les astuces pour préparer mes plans et savoir à quels moments planter. Il me disait lui aussi: «moins tu achètes, plus tu plantes, mieux se porte ta santé ».
Et je ne finis pas d'apprendre !! M.Simenek , m’a récemment transmis la technique de fabrication du charbon à l’ancienne. Lui aussi est un sage de la nature, "mwen ka kriyé y nèg kongo" (je clame qu’il est un «Nègre du Congo!»).
Dans ton témoignage , on comprend que ton éducation n’a pas été poussée dans un sens religieux mais que c’est le contact avec la nature et le fait de cultiver sa propre nourriture qui fait office de philosophie et de spiritualité. Comment vis-tu cette connexion aujourd’hui?
A mes yeux la première force que nous donne la nature c’est la création elle même et comment elle inspire les hommes pour de nombreuses inventions ; les oiseaux pour les avions, les lucioles pour les ampoules, les feuilles pour les panneaux solaires !!
Sa force bienveillante fournit aussi en abondance tout ce dont nous avons besoin ,nourriture et plantes médicinales, pour prendre soin de ce temple qu’est notre corps comme de l’esprit.
Et puis , j’aime me trouver pieds nus au jardin. J’accorde beaucoup d’importance à l'énergie positive que génère la nature. Après une journée harassante, démoralisante, je me mets souvent en méditation au cœur de mon jardin. Le contact avec la terre, que ce soit dans le creux de mes mains ou sous mes pieds, me donne la sensation de ne faire qu'un avec l'Univers et tous les être qui y vivent. Comme un embryon connecté à sa maman. C’est aussi une sensation de sagesse , de douceur et d’évasion instantanée dans les bras de ce grand architecte qu’est le Créateur. C'est magique !! Je suis juste posée là, à écouter la mélodie des vibrations positives et régénérantes. Rien de mieux pour se remettre dans notre axe. C’est également un puissant énergisant !
Cette passion, je l'enseigne aujourd’hui à mes enfants, et c'est une transmission qui doit se perpétuer de générations en générations. C'est très important.
La femme aujourd’hui dans les îles et dans le monde...un mot là dessus ?
Le rôle de La femme dans cette société n'est pas assez reconnu à mon goût. Elle est pourtant le pilier de la famille. Souvent nous pensons que c'est l'homme, mais non. Observons bien la femme entrepreneuse et déterminée, telle la lionne dans la jungle. Elle se bat chaque jour afin de subvenir aux besoins de sa famille et au delà. Elle gardera la tête haute, même quand elle est dépassé par les événements . En même temps, cette force que nous avons ne doit pas nous faire oublier notre féminité. Moi même qui suit androgyne et toujours prête pour les travaux physiques, je prends également soin de ma féminité. La féminité dans la société est « objetisée ». Pour moi, elle représente au contraire quelque chose d’impalpable, la douceur , la bonté, l'indulgence , la bienveillance dans ce monde.
L’équilibre de l’univers passe par le féminin, la matrice de création.
Merci Davina d'avoir accepté l'invitation. Je ne suis pas déçue, ton amour de la nature est réellement communicatif!!
A quand l'enseignement?
Marion pour Pep Soley :-)