21/03/2024
Claudio, regarde, d’Alfons Cervera, traduit par Georges Tyras, comme on en parle déjà 🙏🌈 En librairie dès le 6 avril prochain 🤝
« Nous deux assis sur les chaises de paille. Le dîner sur la table. Père et mère en face, comme un tribunal s’apprêtant à juger sommairement le vol dont on nous accuse sans autre preuve que notre mine effrayée. Nos pieds ne touchent pas le sol. Ils restent suspendus, comme la paille des nids qui tournoie avant de toucher terre. Une pièce avait disparu de la cachette où mère rangeait l’argent pour les courses. Un douro. Cinq pesetas de l’époque, ça faisait une petite fortune dans le coffre-fort d’une boîte à chaussures. C’est pas nous. D’une seule voix, comme si nous avions tramé une défense commune contre une accusation aussi arbitraire qu’injuste. Que dire quand tu as face à toi la raison des adultes, l’opprobre dans leur regard fébrile, la certitude que la pièce ne pouvait pas s’être retrouvée ailleurs que dans nos poches. Nous ne savions pas à l’époque – par la suite si, et j’en ferais le récit des années plus t**d dans un roman sur notre histoire familiale –, qu’un tribunal militaire avait jugé père à la fin de la guerre et l’avait condamné à douze ans de prison. À présent il faisait lui-même partie, peut-être sans s’en rendre compte, d’un tribunal tout aussi injuste. »
Alfons Cervera, Claudio, regarde (La Contre-allée, 2024), pp.35-36
Un homme, le narrateur, veille, assis à côté de son lit, sur son frère, qui se réveille après une opération des yeux. Et lui dit « Claudio, regarde », quand il ouvre à nouveau les paupières, lui dévoilant le paysage de leur passé commun… Un roman tissé de sobres mots, comme une série de tableaux très visuels, un hommage sublime à la mémoire d’une famille et d’un lieu, la maison d’enfance aux temps les plus sombres du franquisme. Une belle découverte !