k-libre, 36 Avenue de la Riottière, Ingrandes (2024)

30/08/2024

[Chronique roman policier de Laurent Greusard] Rebelles venus de l'Est, d'Ikenna Okey, traduit de l'anglais (Nigeria) par Maurine Blervaque (MERA éditions) "Le thème est assez classique et pourrait être écrit par un écrivain "occidental". Mais Ikenna Okeh va lui donner du poids grâce à plusieurs points particuliers. Tout d'abord les décors et les personnages, qui décrivent le Nigeria, en proie à des difficultés avec des étudiants qui ne savent comment vivre, des bourses qui n'arrivent pas et la corruption pour obtenir une bonne note, voire seulement parvenir à assister aux cours. Les différents protagonistes permettent de dépeindre une société gangrenée, les entorses avec la loi dans un pays où il faut se débrouiller. Enfin, tout au long du trajet, le détective n'oublie pas d'écrire son roman, celui qui doit le rendre célèbre, qu'il peaufine sans cesse, un roman du réalisme magique, dont certains chapitres forment un contraste saisissant entre la légende et la vie traditionnelle, voire mythique, et le quotidien des personnages, très urbain, englués dans des coups foireux, des trahisons, et des petits arrangements criminels. Très rythmé, balancé grâce aux chapitres plus poétiques, Rebelles venus de l'Est emporte la conviction et ouvre l'imaginaire sur un continent et sur une "production littéraire et policière" qui doit aussi comporter d'autres petits bijoux noirs comme celui-ci."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7498

28/08/2024

[Rentrée littéraire][Chronique roman thriller de Laurent Greusard] L'Œuvre du serpent, de Norman Jangot (Éditions Héloïse d'Ormesson) "Le roman de Norman Jangot part sur des éléments étranges qui subsistent tout au long de l'intrigue. Face à une situation catastrophique, le roman égare le lecteur, se perd dans les labyrinthes qu'il décrit, comme pour montrer que la société, les personnages sont à l'image des décors : un monde qui court à sa perte, mais qui continue à foncer dans le brouillard. Le livre ouvre de nombreuses pistes, des saynètes qui montrent comment le monde se reconstruit, comment des sectes se multiplient, comment la catastrophe a créé des ruptures dans le monde du travail (les Pythons qui remplacent les policiers sont haïs par ces derniers). Il faut accepter de s'immerger dans cet univers particulier pour en savourer tout le suc et la substantifique moelle, mais c'est là une démarche qui s'accomplit facilement, pour peu qu'on en accepte les prémices."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7497

27/08/2024

[Chronique roman thriller de Laurent Greusard] Le Dernier bal des débutantes, de Julia Kelly, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laurent Barucq (Eyrolles, "Romans") "Au cours du roman de Julia Kelly nous croiserons un maître chanteur, un mort par noyade, un violeur, des secrets de famille, mais le roman tourne surtout autour de la description aigüe et cynique des relations sociales et de "cette foire aux bestiaux" étrange qu'est la saison des débutantes. Tout est vu à travers les yeux de la jeune Lily et de la façon dont la saison se déroule, lui permettant de croiser des gens, de se faire des idées sur le monde et sur la façon dont il fonctionne et de choisir finalement son destin. Plus axé sur son parcours que sur les événements criminels qui sont vraiment en arrière-plan, le roman peut être une agréable lecture pour découvrir un monde évanoui."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7496

26/08/2024

[Chronique roman policier de Thomas Bauduret] Les Disparus du marché de Noël d'Arras, de Christian Lejosne (L'Harmattan, "Noir") "Un ouvrage qui aurait fait le bonheur de feue "Polar en Nord" chez Ravet-Anceau. Une enquête, un mystère, des personnages bien campés, le tout est "classique" (ce qui n'est absolument pas une critique !), mais Christian Lejosne change la donne avec une véritable écriture et un authentique sens de la narration, surtout pour un premier essai dont on sait qu'il n'a connu aucun retravail. On pense à certains romans de Michel Quint, qui se passaient parfois dans le Nord. Espérons que l'auteur, s'il affine encore les qualités déjà présentes, pourra passer chez un éditeur moins connoté..."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7495

26/08/2024

[Rentrée littéraire][Chronique roman thriller de Laurent Greusard] L'Italien, d'Arturo Pérez-Reverte, traduit de l'espagnol par Robert Amutio (Gallimard, "Du monde entier") "Même si le suspense est quelque peu gommé par l'enquête du journaliste, qui racontant aujourd'hui laisse imaginer la fin, L'Italien va se concentrer sur l'atmosphère de la presqu'île de Gibraltar, et de la lutte entre des officiers italiens et l'armée anglaise. Le rôle de la v***e apparait peu à peu et garde son aura de mystère : pourquoi aide-t-elle cet officier ? Le récit d'Arturo Pérez-Reverte est reconstitué avec soin et sérieux. La fin est particulièrement dramatique et montée comme une scène de cinéma, et l'ensemble est bien construit. Mais on peine à s'intéresser à l'histoire, aux enjeux, aux côtés un peu guindés des Anglais qui se croient dans un univers de théâtre et de fair-play face à des Italiens patriotes mais pas forcément fascistes, et une femme ténébreuse qui ne dévoile que peu de choses. Il manque des éléments, un peu d'angoisse des situations. Le livre semble bien léché, attendant une adaptation académique, empesée, intéressante et ennuyeuse à la fois."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7494

05/08/2024

[Chronique roman thriller de Laurent Greusard] Anna O, de Matthew Blake, traduit de l'anglais par Laure Porché (Éditions Buchet/Chastel, "Littérature étrangère") "ne fois accepté le principe de base, c'est-à-dire une femme qui a commis (ou pas) un crime et dort depuis sans jamais se réveiller (et que d'ailleurs visiblement le nombre de cas similaires augmente), le lecteur peut entrer dans un roman, empli de faux semblants, de fausses pistes, de pièges cachés dans des pièges. S'appuyant sur quelques discussions et sur des expériences scientifiques, le roman a peut-être aussi choisi comme fonctionnalité de provoquer le sommeil chez le lecteur ! En tout cas, il faut un peu de constance et de bonne volonté pour entrer et rester dans un livre fort qui par moment tourne en rond avant d'ouvrir des pistes et une résolution qui apparait logique mais un peu tarabiscotée. Ce premier roman de Matthew Blake conviendra sans doute aux gens qui apprécient certains films hitchcockiens autour de la psychanalyse (et ce n'est pas un hasard si le docteur passe son temps libre à voir et revoir des films de ce cinéaste) et des troubles divers."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7493

01/08/2024

[Chronique roman noir de Laurent Greusard] Furie caraïbe, de Stephane Pair (Editions 10-18, "Polar") "Le roman de Stéphane Pair raconte une partie de l'histoire contemporaine d'Haïti, l'un des pays sans doute les plus oubliés de Dieu, comme le dirait un écrivain du siècle dernier. Au centre, la dictature de la famille Duvalier (dont se moquera en 1973 Jean-Claude Fournier dans un célèbre album de Spirou, Tora Torapa) vu à travers une bande de Tontons macoutes jouissant de leur pouvoir et une femme qui a réussi à gagner en pouvoir et en puissance en s'intégrant au système. D'autre part, le roman plonge dans les débuts d'une tentative révolutionnaire pour se débarrasser de la dictature entre expectatives prudentes, volontés de faire sauter le système et les angoisses qui vont avec. Procédant par saut chronologique, avec un sens du désordre régulier (on passe d'une période à l'autre, on découvre soudain une nouvelle piste - le trésor du dictateur ou la découverte par Sybille de ses origines), Furie caraïbe raconte, de manière hachée, principalement à travers la trajectoire de ces deux femmes de deux générations un segment de l'histoire d'Haïti, le tout sur fond d'une intrigue noire bien rythmée et de scènes fortes."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7492

31/07/2024

[Chronique roman policier de Thomas Bauduret] Délivrez-nous du mal, de Johannes Selåker, traduit du suédois par Mara Bergsson (MERA éditions) "Ce roman suédois arrive un peu avec la dernière vague nordique. Nous noterons cependant qu'il n'a rien à voir avec les polars-valium du genre de ceux Viveca Sten. Et sa couverture (celle de l'édition originale), faisant penser à un thriller industriel plein de bruit et de fureur, donne une idée fausse du résultat : il s'agit d'un polar d'enquête relativement classique. Faute du détective-à-problèmes cher au regretté Michel Lebrun, on a ici une journaliste-à-problèmes à la vie personnelle compliquée et hantée par un événement du passé (y en a-t-il d'autres ?) – et sur laquelle on pourrait se poser quelques questions de déontologie au fil du récit. Quant à l'analyse de l'embrigadement dans une secte, mis également en avant, ce n'est là qu'un point de départ qui n'est pas vraiment fouillé. Le tout est plutôt bien mené, si on accepte cette distance avec les personnages qui sont l'apanage des polars nordiques (et font partie du plaisir, diront les aficionados). La construction savante du récit fait passer son côté classique. Comme souvent chez l'éditeur, on regrettera un certain abus de la note de bas de page, parfois quelque peu condescendant. Mais pour en revenir au roman en lui-même, si tous les points ne sont pas éclaircis au final, pourtant satisfaisant, comme il s'agit du début d'une série par un auteur qui a déjà une dizaine de romans au compteur, gageons que certains d'entre eux vont trouver un dénouement dans les volumes suivants..."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7491

31/07/2024

[Chronique roman thriller de Laurent Greusard] Et ils revêtirent leurs fourrures d'aiguilles, de Zuzana Říhová, traduit de tchèque par Benoît Meunier (Editions du Seuil, "Cadre vert") "Le récit de Zuzana Říhová s'ouvre et se clôt par une sorte de répétition avec une famille qui débarque dans le village et l'homme, nouvel arrivant, qui est invité à assister (comme spectateur et comme assistant) à la mise bas d'une vache dans des conditions difficiles. Tout est à l'avenant entre sauvagerie de la vie humaine et animale, empathie possible, et embarras entre sang monstrueux et naissance. Aux lisières du fantastique (jusqu'au final, on ne saura s'il s'agit de rites villageois, de loups-garous ou d'un groupe d'hommes déviants qui se ressoude régulièrement dans un "massacre"), créant avec des riens du suspense - à un moment, par exemple, un gendarme reçoit un coup de fil et répond juste : "Ha non, vous avez encore recommencé !" dont le sens est équivoque juste après la disparition du fils handicapé -, et où tous les personnages, y compris le couple, restent ambigus. Les amateurs de résolution risquent d'être déçus. Ceux qui apprécient une intrigue qui se termine avec une fin ouverte, oscillant entre noirceur classique et fantastique dilué, y trouveront plus facilement leur compte. Et ils revêtirent leurs fourrures d'aiguilles est une bonne découverte qui nous vient de République tchèque, un pays qui se fait rare dans la littérature traduite en français, mais qui offre souvent des surprises de taille. Et c'est encore le cas ici."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7490

30/07/2024

[Chronique roman noir de Laurent Greusard] La Piste du vieil homme, d'Antonin Varenne (Gallimard, "La Noire") "Antonin Varenne nous propose un récit linéaire de qualité, qui reprend un thème classique : celui d'un père qu'une enquête pour retrouver son fils va entraîner vers une relecture de sa vie, pour en proposer une variation pleine de sympathie et d'empathie. S'appuyant sur des données simples, sur la description d'une société complexe et où la violence peut surgir à chaque seconde, La Piste du vieil homme raconte avec soin et force la trajectoire finale d'un homme pour se réconcilier avec sa propre vie. Le tout est raconté de manière légère, dense, sans appuyer des effets faciles mais en s'impliquant dans ce lent voyage dangereux au sein d'une nature ni consolatrice ni sauvage ni indifférente, mais décor sans failles d'une virée écrite sérieusement et intelligemment. Un roman presque apaisé d'Antonin Varenne et qui acquiert de cette sagesse naissante toute sa force."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7489

29/07/2024

[Chronique roman thriller de Laurent Greusard] Délivrées, de Delilah S. Dawson, traduit de l'anglais (États-Unis) par Karine Lalechère (Sonatine Editions) "Le roman de Delilah S. Dawson joue sur un schéma classique : au départ une famille, puis ses dysfonctionnements et son éclatement avant que finalement elle se ressoude de manière différente. De fait, l'analyse est précise sur les mécanismes du harcèlement conjugal, et l'utilisation de la violence qui crée une psychose forte est racontée avec soin. Le roman avance en alternant les trajectoires de trois femmes (en fait quatre) qui tentent de survivre dans un monde hostile et qui vont trouver des forces pour y arriver. Roman de la résilience et du sursaut, Délivrées est très classique, mais mené et construit avec intelligence pour ne pas lâcher le lecteur au fil des pages."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7488

25/07/2024

[Chronique roman thriller de Laurent Greusard] Les Chiens de paille, de Gordon Williams, traduit de l'anglais (Écosse) par Frédéric Brument (Folio, "Folio policier") "Le roman de Gordon Williams se déroule en deux étapes - une longue introduction qui présente les personnages et l'atmosphère du village, qui évoque les relations des gens, les conditions météorologiques et les énervements qui montent, puis une montée de l'angoisse autour d'un groupe de loups humains qui entoure une maison et cherche à lyncher un homme plus malade que criminel (avec la façon dont des êtres ordinaires vont réagir). La tension est d'autant plus grande que le faux calme couvait, déchiré par des crises internes et familiales. Les amateurs ont reconnu que le titre français avaient servi de titre pour le film correspondant, réalisé par Sam Peckinpah quasiment dans la foulée de la première sortie du livre en langue originale. Récit minutieux et centré sur quelques acteurs, Les Chiens de paille a plus que bien vieilli et se lit toujours avec autant de plaisir."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7486

24/07/2024

[Chronique roman policier de Laurent Greusard] Faut pas prendre les enfants de la rue pour des connards sauvages, de Maryssa Rachel (Moby Dick éditeur, "La Fille du Poulpe") "Deuxième enquête de la nouvelle mouture de la collection, Faut pas prendre les enfants de la rue pour des connards sauvages évoque un thème qui était déjà présent dans la première série : un personnage infâme, petit blanc qui abuse de ses petits pouvoirs sur les autres, et travaille avec d'autres encore plus pourris que lui, trouve la mort. De nombreux suspects potentiels peuvent se cacher derrière cette exécution. Le roman de Maryssa Rachel raconte l'histoire et l'enquête de l'héroïne de manière classique et sérieuse, en s'offrant des digressions sur le personnage, sa vie, sa sexualité libre. L'ensemble correspond aux standards de la série et nous offre une conclusion, une fin à l'enquête, qui a le mérite de légèrement décaler l'intrigue et de proposer un coupable différent que celui attendu mais hautement crédible. Un roman qui s'inscrit dans la bonne moyenne de la grande série et peut s'avérer convaincant comme deuxième titre de cette nouvelle variation. "La Fille du Poulpe" est bien lancée..."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7485

23/07/2024

[Chronique roman policier de Thomas Bauduret] En guise d'appât, de Lynda La Plante, traduit de l'anglais par Sébastian Danchin (Éditions de l'Archipel, "Suspense") "Avec Enfouis, Lynda La Plante (encore une "Reine du crime" ! A-t-on recensé combien il y en a en circulation exactement ?) lançait sa série consacrée à Jack Warr avec un roman à sa façon, à l'intrigue complexe se souciant peu de vraisemblance. Ce récit est beaucoup plus simple, presque rétro dans son intrigue comme une "Série Noire" de la grande époque. L'ennui, c'est que des pages et des pages d'un manque d'originalité flagrant sont consacrées à la paternité du personnage. [...] Le tout aurait bénéficié à être au format classique des "Série Noire", c'est-à-dire ne dépassant pas les 250 pages, mais peut plaire à quiconque recherche quelques frissons à l'ancienne, lorsque le polar cherchait surtout à raconter une histoire sans vouloir révolutionner le genre ou être témoin de son temps (ce qu'il était tout de même malgré lui, mais c'est une autre histoire)..."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7484

23/07/2024

[Chronique roman noir de Laurent Greusard] Furies, de Meagan Jennett, traduit de l'anglais (États-Unis) par Yoko Lacour (Éditions Les Arènes, EquinoX - Les Arènes) "L'intrigue, premier roman écrit par Meagan Jennett, ne cache à aucun moment les coupables et nous ne sommes pas face à une enquête classique autour d'un criminel et de ses victimes répandues dans les rues sombres de la ville. Nous sommes plus dans le face-à-face entre une officier de police qui veut faire son boulot malgré l'ambiance machiste et une barmaid qui a décidé de régler son compte aux machos à sa façon. Le rapport entre une nature sauvage, hostile - l'arrière pays américain, la neige et le mauvais temps, les grands espaces et les routes désertes -, et les relations complexes, la guerre larvée entre les sexes, accroissent l'impression de noirceur du roman. Le tout s'encadre dans un début et une fin qui se répondent, créant une atmosphère onirique et poétique (avec des référence, comme l'indique le titre français, à des mythes plus anciens qu'un bar américain) à un roman noir, où on laisse les cadavres se décomposer dans l'indifférence générale, derrière une poubelle dans un recoin de cour, devant laquelle tout le monde passe, indifférent."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7483

22/07/2024

[Chronique roman noir de Jean-François Micard] La Casse, d'Eugenia Almeida, traduit de l'espagnol (Argentine) par Lise Belperron (Métailié, "Noir - Bibliothèque hispano-américaine") "Abusant du hors champ, où se déroulent tous les événements marquants du roman, elle aligne une galerie de personnages tellement interchangeables que l'on ne sait plus, à quelques exceptions près, qui est qui au bout de quelques pages. Lire La Casse jusqu'au bout revient donc à essayer de chercher dans des fragments épars le squelette de ce qui aurait pu être un grand roman noir, politique et engagé, si l'auteure n'en avait pas délibérément jeté les meilleurs morceaux aux chiens pour suivre la voie d'un récit expérimental, certes servi par un style percutant. Entre d'autres mains (David Peace, Gabino Iglesias...), le même cocktail peut faire des étincelles... Ici, il fait malheureusement pschtt."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7481

22/07/2024

[Chronique roman d'espionnage de Laurent Greusard] Mission Damas, de David McCloskey, traduit de l'anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel-Guedj (Verso) "Ce roman d'espionnage de David McCloskey renoue avec le classicisme. Nous allons suivre d'une part tout le travail d'un agent pour aider, contrôler et protéger sa source (ici accentué par le fait qu'il est amoureux de cette dernière) avec un auteur qui détaille les systèmes de filature, contre-filature, moyens de communications qui sont mis au point pour rester en contact et empêcher son agent d'être coincé. De l'autre part, nous suivons une personne qui, peu à peu, dans les filets d'un régime honni, prend conscience que l'on ne peut pas rester ainsi et qu'il faut trahir sa nation pour tenter de protéger l'Humanité. Les moyens mis en œuvre sont là aussi racontés avec justesse pour faire comprendre ce virement psychologique. S'appuyant sur une description claire et documentée du régime syrien et de ses exactions, Mission Damas raconte de l'intérieur une histoire sombre du monde contemporain. Sans manichéisme excessif, à travers des personnages qui sont évoqués avec soin et sont rarement des caricatures, le récit nous fait vivre de manière intelligente et intéressante ce que nous ne voyons souvent que par le biais de quelques images dans les journaux télévisés. David McCloskey s'avère être un digne héritier de ses prédécesseurs qui traitaient de la Guerre froide en matière de récits d'espionnage classique."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7480

19/07/2024

[Chronique roman policier de Thomas Bauduret] Apprenti détective, de Julien Guillevic (Editions Maïa, "Regards noirs") "Un premier roman de Julien Guillevic qui prend la forme d'un polar d'enquête ultra-classique qui, de par son décor rural, évoque les mânes de Charles Exbrayat, spécialiste du genre. L'auteur sait décrire de façon convaincante et sans aucune condescendance mal placée ce milieu qui semble à peine avoir évolué depuis Zola... Un style assez vivant, quoique non sans maladresses de débutant, et un rebondissement particulièrement inattendu en cours de route permettent d'éviter le syndrome téléfilm "dramatique policière" du samedi après-midi. On élaguerait volontiers un peu pour donner un format idéal pour l'ancienne collection "Masque jaune" du Masque, où ce texte aurait pu trouver sa place, mais l'auteur, de par son talent d'écriture bien existant, ne peut que s'améliorer..."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7479

19/07/2024

[Chronique roman noir de Laurent Greusard] 1886, l'affaire Jules Watrin, de Pascal Dessaint (Editions Payot Rivages, Éditions Rivages) "En s'appuyant sur une histoire vraie, sur des archives et des textes d'historiens importants en qualité et en nombre, car l'affaire Watrin, qui ressemble presque à un roman zolien, a été largement diffusée et commentée, Pascal Dessaint, qui ouvre et ferme le livre par une version contemporaine, moins violente physiquement mais peut-être autant métaphoriquement, écrit une histoire rythmée, rendant vivante cette "vieille" affaire. Les forces en présence sont décrites avec soin. Même si l'on peut saisir de quel côté penche l'auteur, son récit présente tous les points de vue, suit un personnage, puis un autre, change d'échelle et évoque tous les aspects. Comme dans tout roman noir, il y a des moments sombres et d'autres plus lumineux, où l'on pourrait croire en l'humain. Ce qu'une émission de radio (concordance des temps) évoque par l'idée que les événements actuels peuvent être des reprises différentes d'événements plus anciens, le retour de Pascal Dessaint dans un moment de grandes tensions sociales, de violences et de luttes, fait partie de cette actualité intemporelle qui donne des éléments pour penser notre présent. Et qui plus est, lorsque cela se construit dans un roman sérieux, fort, prenant, il serait idiot de bouder notre (malheureux) bonheur."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7478

18/07/2024

[Chronique roman jeunesse de Julien Védrenne] Les Arsène. L'Île du Corbeau, de Bertrand Puard (Poulpe Fictions) "Joliment illustrée en noir et blanc par Lou Fraleu, avec ses personnages naïfs tout en rondeur, l'intrigue de Bertrand Puard est une véritable suite de péripéties qui nous trimballe de Bretagne en Normandie et vice versa non sans oublier une halte à Londres pour aller à la rencontre de Sherlock Holmes et lui confier une mission qui va à l'encontre de son sens moral. L'imaginaire est là. Les écueils aussi. On oscille parfois du côté du steampunk et du fantastique. On apprécie les rapports entre les trois drôles d'ado. Certes, parfois, le scénario s'apparente à celui d'un jeu de rôle, mais Bertrand Puard a du métier, et il s'ingénie à permettre à un Lupin vieillissant de transmettre à des "Arsène" en devenir un brin de révolte anarchiste. Et ça, ce n'est pas rien !"
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7477

18/07/2024

[Chronique roman policier de Laurent Greusard] Le Magnat, de Vish Dhamija, traduit de l'anglais (Inde) par Anna Durand (MERA éditions) "ourvu d'une chute finale qui renverse les perspectives, Le Magnat, de Vish Dhamija, est un récit qui, par delà un roman judiciaire classique, offre des vues sur le système indien, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il apparaitra un peu étrange aux lecteurs : l'enquête est bâclée et repose sur des hypothèses que, sûrs de leur "bon droit", le procureur, le commissaire et le frère partagent sans même en vérifier la possibilité, des hypothèses que l'avocat démolira rapidement, avec humour. Pour le reste c'est un bon roman, de forme classique, entre des bons et des méchants, et permettant une plongée dans la vie quotidienne des Indiens, principalement des classes moyennes et aisées (et de nombreux développements sur les embouteillages qui semblent être une donnée importante de la vie locale !), avec des enjeux compréhensibles et un sens aiguisé du récit. Les amateurs de John Grisham y trouveront leur compte, une pointe d'exotisme en plus."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7476

17/07/2024

[Chronique roman policier de Julien Védrenne] La Petite écuyère a cafté, de Jean-Bernard Pouy (Moby Dick éditeur, "Le Poulpe") "Tous les ingrédients sont là, amenés stylistiquement par un Jean-Bernard Pouy au sommet de son art (y compris les facilités du genre blagues Carambar) pour faire de la saga du Poulpe un véritable phénomène. Apparu initialement en 1995 chez Baleine, Le Poulpe bénéficie d'une seconde vie chez Moby Dick, la baleine blanche insaisissable, quête chimérique. Avec La Petite écuyère a cafté (a calté aurait-il été plus judicieux ?), on assiste à la première enquête d'un détective particulier, faussement redresseur de tort, éduqué à la cause républicaine espagnole (dont il garde comme souvenir Pedro, le fourgue d'armes en tous genres et un Polikarpov, avion soviétique qui a volé sur les hauteurs de Saragosse durant la guerre d'Espagne). Près de trente ans après sa première parution, le constat est là : le roman n'a pas pris une ride, et la société a beaucoup évolué sans pour autant avoir changé. Le Poupe est de retour. Et on en a bien besoin !"
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7475

17/07/2024

[Chronique roman policier de Laurent Greusard] Les Cols des Amériques, de Thomas Cantaloube (Moby Dick éditeur, "La Fille du Poulpe") "Avec ce premier volet de cette nouvelle série, Thomas Cantaloube revient aux fondamentaux du "Poulpe" : une intrigue assez linéaire, des moments de discussion entre amis, un peu de suspense, et des méchants très méchants. Tout commence par un faits divers meurtrier, une enquête bâclée puis la venue du redresseur de torts, à présent une redresseuse, pour démêler le vrai du faux. Rien de neuf sous le soleil, mais le métier de Thomas Cantaloube pour dresser un portrait, un paysage, une situation et nous emmener par la main font le reste. Une "résurrection" qui ne sent ni le réchauffé, ni les mauvaises odeurs de la putréfaction, mais qui propose une histoire simple, menée avec soin. On en a bien besoin !"
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7474

16/07/2024

[Chronique roman policier jeunesse de Julien Védrenne] Qui a brisé la glace ?, de Claudine Aubrun (Éditions Syros, "Les Mini Syros. Polar") "Toujours aussi malicieuse, Claudine Aubrun continue de nous enchanter avec ses "Énigmes d'Hypathie". Elle nous propose ici, comme à son habitude, une intrigue légère parsemée de petites notions scientifiques auxquelles elle ajoute un brin d'écologie et de militantisme. Mais comme toujours avec ses intrigues, la résolution est à la fois simple et surprenante. Qui a brisé la glace ? prolonge avec plaisir les péripéties d'une jeune fille qui en a dans la tête. Et c'est bien le principal !"
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7473

16/07/2024

[Chronique roman policier de Laurent Greusard] Le Mystère Nerval, de Diane Morel (Fayard, Fayard noir) "Voilà un roman qui joue le jeu à la fois de l'œuvre historique et du clin d'œil littéraire. Les amateurs connaissant sans doute déjà Émile Blanche, qui a dirigé la clinique du même nom, une clinique pour aliénés où sont passés, entre autres comme clients ou parfois comme invités pour des salons littéraires, Gautier, Nerval, Van Gogh (surtout le frère), Maupassant... Ici, il s'agit des débuts de l'aliéniste et c'est donc l'occasion de reconstituer derrière l'enquête les activités littéraires d'auteurs qui ont fait la joie (ou le malheur) des élèves - Théophile Gautier ou Gérard de Nerval, entre autres. L'arrière-plan historique permet de présenter l'état de la médecine en général (et celle de la psychiatrie en particulier) et une période historique peu présente dans les programmes scolaires, avec l'essor de la police, des méthodes scientifiques et le bouillonnement intellectuel de la vie parisienne. Tous ces éléments se conjuguent pour faire de ce livre un excellent roman historique, avec une intrigue policière classique qui a le mérite de présenter un personnage en construction, un jeune étudiant qui découvre l'amour et la mort, la violences des rapports sociaux et des normes, qui grandit en apprenant de ces désillusions. De ce point de vue, Le Mystère Nerval est intéressant et des pistes esquissées dans cet ouvrage laissent penser qu'il y aura une suite. Nous l'attendons de pied ferme. En attendant, pour un premier roman, Diane Morel a fait preuve d'une jolie maîtrise."
http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=7472

15/07/2024

[Chronique roman jeunesse de Julien Védrenne] Tigre ! Tigre ! Tigre !, de Jean-Hugues Opel (Syros, "Souris noire. Fais-toi peur !") "Jean-Hugues Oppel nous propose un joli récit d'aventure frissonnante. Précis, concis, l'auteur déroule son intrigue à cent à l'heure. Surtout, il nous égrène les caractéristiques des avions, nous fait endosser le costume de l'amateur éclairé (histoire de l'aviation, Histoire...). Au milieu de ça, il plante une problématique d'espionnage amenée par un prologue en italique où l'on est plongé dans l'entraînement d'un pilote de chasse confronté à un élément extérieur. Le style est sec et efficace. Pourtant l'auteur y met des rondeurs avec ce personnage attachant qu'est Charlotte, inconsciente du danger à l'extérieur de la carlingue, mais consciente du danger présent à l'intérieur. Ensuite avec ce père, Bernard, personnage bonhomme, confronté, lui, à des problèmes économiques, et qui voit sa fille adorée en bien fâcheuse posture, et qui est prêt à péter les plombs. Et puis, il y a cet homme de la DGSE qui pense avant tout à l'intérêt de la nation. Qui fait salement un sale boulot, comme l'explique clairement Bernard à un moment. Les espions sont là sans l'être réellement, l'intrigue se concentrant sur Bernard et Charlotte. De la tension, de l'aventure, des combats qui nous échappent, une lutte de la morale. Un joli roman entre aventure et espionnage, mais un joli roman également d'apprentissage."
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