16/10/2024
Apnée du sommeil : ces traitements prometteurs qui pourraient changer la vie des patients.
Ronflements la nuit, somnolence dans la journée, fatigue chronique… Très fréquent, le syndrome d’apnées du sommeil reste sous-traité. L’arrivée de nouveaux traitements pourrait changer la donne.
Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) empoisonne la vie de 21 % des Français*. Pourtant, seulement 3,5 % sont traités pour cette maladie qui se caractérise par des fermetures répétées, complètes ou partielles, du pharynx au cours du sommeil et peut avoir de lourdes répercussions. Les pauses respiratoires qu’elle entraîne provoquent des micro-réveils dont le dormeur n’a pas conscience, mais qui rendent ses journées difficiles (fatigue, somnolence, irritabilité…) et augmentent à terme le risque de troubles cardiovasculaires et métaboliques (hypertension, arythmie, diabète de type 2…). Si, aujourd’hui, le port d’une orthèse d’avancée mandibulaire la nuit ou la ventilation en pression positive continue (PPC), qui nécessite le port nocturne d’un masque relié à une machine, restent les traitements de références, de nouvelles options thérapeutiques se développent, permettant une prise en charge de plus en plus personnalisée.
Combattre la somnolence en journée
Deux médicaments, un amphétaminique (solriamfétol) et un éveillant (pitolisant), permettent de traiter l’une des conséquences de l’apnée du sommeil : la somnolence diurne excessive. Le premier est commercialisé en France sous le nom de Sunosi depuis 2021, et le second sous celui d’Ozawade depuis 2022. L’un et l’autre sont indiqués chez l’adulte souffrant d’un SAHOS modéré à sévère. "La pression positive continue (PPC) reste la référence, mais ces médicaments viennent en complément, notamment lorsqu’il reste une somnolence résiduelle en journée", précise la pneumologue Justine Frija-Masson. Ils sont soumis à une prescription initiale hospitalière. L’ordonnance ne peut être faite que par un médecin exerçant dans un centre du sommeil, un médecin du sommeil ou un pneumologue (voire un neurologue pour le solriamfétol).
Réduire les pauses respiratoires
Il n’existe actuellement aucun médicament qui traite la cause de l’apnée. Mais les candidats ne manquent pas. Parmi les plus prometteurs, certains sont déjà prescrits dans d’autres indications. C’est le cas des inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (acétazolamide, sulthiame), utilisés notamment contre l’épilepsie et le glaucome. Une étude suédoise parue en 2022 a montré qu’ils abaisseraient en moyenne le nombre de pauses respiratoires d’une vingtaine par heure. Même chose du côté de certains antidiabétiques et anti-obésité, en particulier le tirzepatide, en cours d’agrément en France, qui entraîne une perte de poids moyenne de 20 %. Selon deux essais publiés en avril dernier, cette molécule diminuerait le nombre d’apnées de 55 % chez les personnes obèses non traitées par pression positive et de 63 % chez les personnes traitées. Autre piste prometteuse : l’association dans un même comprimé de deux molécules déjà connues, l’atomoxétine et l’oxybutynine. En améliorant le tonus des voies aériennes, elle réduirait non seulement fortement le nombre d’apnées du sommeil mais également les ronflements.
Stimuler le nerf de la langue
Déjà utilisée depuis une dizaine d’années aux États-Unis, en Allemagne ou aux Pays-Bas, la stimulation du nerf de la langue devrait être remboursée bientôt en France. Cela devrait rendre plus accessible ce dispositif, activé par le patient lui-même grâce à une télécommande, dont le coût avoisine les 10.000 euros. Il est implanté sous anesthésie générale par voie chirurgicale. Un stimulateur semblable à un pacemaker est placé sous la clavicule et relié à deux électrodes. L’une, située entre deux côtes, sous le thorax, détecte le rythme respiratoire. L’autre est placée dans le cou au contact du nerf qui commande la langue (hypoglosse). Lorsqu’elle est activée, au moment des inspirations, elle projette la langue en avant, ce qui empêche les apnées. Le dispositif est efficace, avec peu d’effets secondaires. À condition que les indications soient bien posées (échec des traitements de première ligne, obstruction du pharynx par la langue, indice de masse corporelle inférieur à 32, nombre élevé d’apnées).
Rééduquer la langue et la posture
Tirer la langue sans toucher les lèvres, la ventouser au palais, la claquer en imitant le bruit des sabots d’un cheval… La rééducation linguale est encore peu développée en France chez l’adulte souffrant d’apnées du sommeil, faute de professionnels formés. "En corrigeant la position de la langue au repos, elle permet de dégager les voies respiratoires supérieures de jour comme de nuit", explique le Dr Didier Cugy, médecin du sommeil à Bordeaux. Pour être efficaces, les exercices doivent être répétés tous les jours chez soi, ce qui est assez contraignant. Ils vont souvent de pair avec la correction des troubles posturaux. "La façon dont on se tient à un impact majeur sur la ventilation", rappelle le praticien qui conseille de marcher régulièrement.
Le dépistage est désormais possible à domicile
Pas de diagnostic sans enregistrements du sommeil (polygraphie et/ou polysomnographie). Jusqu'à présent, ces examens nécessitaient de passer au moins une nuit à l’hôpital. Désormais, l’arrivée de dispositifs connectés permet d’analyser son sommeil à domicile. Tel le capteur de doigt WatchPAT (disponible sur prescription) qui traque les pauses respiratoires en mesurant les niveaux d'oxygène dans le sang, les mouvements du corps et de la fréquence cardiaque pendant que vous dormez. Autre exemple, le capteur Sunrise qui se colle sur le menton et détecte les apnées du sommeil grâce aux mouvements de la mandibule (vendu 249 € sur hellosunrise.com).
Mieux prédire la sévérité de l'apnée
"La sévérité de l’apnée du sommeil est évaluée en comptant le nombre d’évènements respiratoires anormaux par heure de sommeil. Cette mesure reste toutefois insuffisante pour prédire les complications cardiovasculaires et les prévenir. Plusieurs biomarqueurs sont à l’étude pour mieux caractériser les risques liées à la maladie. À commencer par la charge hypoxique qui permet de connaître l’importance de la chute du taux d'oxygène dans le sang durant la nuit. Plus cette charge serait élevée, plus le risque de mortalité cardiovasculaire serait grand."
Merci au Dr Justine Frija-Masson, pneumologue au centre du sommeil de l’hôpital Bichat Claude Bernard (Paris).
Source :Claire Gabillat, Santé